mercredi 9 août 2023

Scilly (1)



Mercredi 26 juillet 2023,


J’ai quitté Chateaulin à 8h15 et à 9h15, j’avais franchi l’écluse de Guily Glas ( dès son ouverture 2h30 avant la marée haute à Brest) . L’éclusier était sympathique et avenant . Nous avons discuté tranquillement.

J’aime bien naviguer sur l’Aulne malgré l’utilisation du moteur presque obligatoire (vent souvent anémique et volage). Les grandes masses étendues  de roseaux ondulent. Les colverts décollent sans arrêts pour se reposer un peu plus loin. Un martin pêcheur, boule bleue métallique,  vole à toute vitesse vers un autre perchoir.  Les hérons cendrés n’arrêtent pas d’hésiter à décoller puis finissent toujours par le faire en émettant un cri rauque. Les aigrettes garzettes ,moins craintives, continuent leur activité de pêche. J’ai croisé une famille de tadornes de belon: les parents se sont envolés en surveillant leurs petits qui,  ne sachant pas encore voler, plongeaient à répétition pour fuir le danger, c’était la panique.Quelques chevaliers guignettes solitaires volaient de plaque de vase en plaque de vase. Parfois un poisson sautait à la surface. Et puis le paysage boisé, verdoyant, vallonné,   campagnard  et maritime défile avec de part et d’autre de nombreuses « petites rias »  mystérieuses. 

Mais la remontée ou descente de l’aulne maritime a un côté assez triste. Quelques bâtiments de ferme sont abandonnés , le Passage à Dinéault a perdu son troquet depuis des années et la cale ne semble pas entretenue, le café épicerie de Trégarvan n’est plus depuis longtemps… La vie s’est évaporée petit à petit. 

A 12 heures, j’étais devant le sillon des anglais sur Landévennec. Le vent est faible et dans le nez , le ciel nuageux. Je continue au moteur jusqu’à la pointe d’Armorique  à Plougastel Daoulas où je hisse les voiles. Le vent s’est installé sud-ouest  à 12-15 noeuds. Avec un courant favorable, je passe le goulet de Brest et  en tirant quelques bords, j’arrive à la pointe Saint Matthieu à la renverse. Je rejoins Molène vers 20 heures et jette mon ancre à l’est du sillon qui rejoint les deux  Lédénez de Moléne. Avec ce vent de sud-ouest  qui a forci, la protection me semble insuffisante . Finalement je  lève l’ancre, contourne les 3 Pierres et vais prendre une des 15-20 bouées visiteurs  dans le port de Molène. Seules deux autres sont occupées. Et sans descendre à terre, j’y passe la nuit. 


Jeudi 27 juillet, 


Je surveille la météo depuis plusieurs jours et les conditions ne sont pas évidentes pour monter aux Scilly. J’avais juste une petite fenêtre, pas idéale, mais avec des vents pas trop forts et pas dans le nez. 

Je quitte donc Molène à 9 heures juste en avant d’une arrivée de pluie soutenue. Le temps est maussade et brumeux, la visibilité mauvaise. Le vent à rafales souffle constamment à 20-25 noeuds du sud-ouest. Je suis sous trinquette et GV arisée, travers- bon plein. Je croise les vedettes de passagers et quelques plaisanciers pêcheurs locaux.

A 10 heures, je passe le Stiff  à l’est d’Ouessant. Le temps est toujours triste, brumeux avec quelques grains.  La mer devient forte , les scilly sont à 100 miles. 

Peu de temps avant le passage des rails d’Ouessant, la visibilité s’améliore et le vent faiblit un peu, juste bien pour négocier mon passage avec les gros navires. La traversée du rail est calme: seulement deux bateaux vus dans le montant et 5 ou 6 dans le descendant. A 17h30, j’ai terminé de passer les rails, sans avoir eu à modifier ma trajectoire. Un plaisir.

En fin de journée, j’ai eu droit à un ballet de petits dauphins bondissants et de puffins excités  autour d’un banc de poissons.  Sacré spectacle. Je n’ai pas vu de fous de Bassan.


Vendredi 28 juillet


La nuit  a été plutôt calme avec un vent capricieux mais voulant arrivé de jour aux scilly, j’ai sous-toilé Java. Je me suis calé sur des repos de 10 minutes,  tranquillement allongé sur la banquette tribord avec mon téléphone qui me sert de minuteur. Même de jour, j’essaie de conserver ces périodes de repos de 10 minutes qui me permettent d’arriver assez reposé à la nuit. Et ça change tout. J’adore la navigation en solitaire  mais elle demande une bonne organisation de son temps, de ses moyens, de son matériel . 



                                            Arrivée sur le Scilly au soleil levant.


Vers 8 heures,  sous un temps à grain et un vent de 15-20 noeuds d’ouest, je suis entré aux scilly par St Mary’s sound et  suis allé mouillé sur St Agnes à Porth Conger pour m’octroyer un petit déjeuner puis une sieste bien mérités. 



                                            Arrivée à Porth Conger sur Saint Agnès


Finalement, je n’y suis resté que 2 heures et  je me suis rendu au mouillage de Porth Cressa sur St Mary afin d’y faire les formalités et  retirer du fric en pounds. Sur le trajet, j’ai pêché deux beaux lieux en 5 minutes ( Comme d’habitude. Bluffant.)



                                                        Il en reste encore.


 Des services de l’immigration, des  douanes, de la police  …l’employé de la  capitainerie n’en avait rien à foutre … "Ouais Sir, mais avec le brexit!" lui-dis-je. J’ai dû employé un gros mot. Réponse approximative traduite de l’anglais "Le brexit, je l’emmerde. Vous n’avez rien à faire ...sauf de profiter de votre séjour… » . Vu comme cela, ça me va aussi. 


Aux scilly, la navigation doit être attentive. Beaucoup de zones assèchent.  Les bancs de sable et les têtes de roches sont nombreux. Entre les îles, mieux vaut naviguer en fin de marée montante. Ainsi, je gagne mon mouillage à échouage préféré dans l’archipel,  à Green Bay sur Bryher. 



                                                            Green Bay.


Nous sommes 11 voiliers dans la zone: 7 biquilles,  3 à quille longue sur béquilles et un catamaran,  bien à l’aise. J’échoue idéalement à mi-marée. J’ai les sanitaires et l’eau publique juste à côté, deux troquets un peu plus loin et la nature tout autour.  


Samedi 29 juillet,


Bryher est une petite île habitée ( 80 habitants environ)  de 2.5 kms de long pour 1 de large environ. Elle vit surtout de tourisme mais d’un tourisme raisonnable et calme.  Sur sa côte est,  à Green Bay, l’environnement est charmant , vallonné, verdoyant avec quelques habitations bien typiques. Les plages de sable blanc parées de nombreux débordement rocheux accueillent deux ou trois dizaines de petites embarcations locales et quelques voiliers de passage. L’ambiance est paisible, détendue un peu hors du temps. Tout est en miniature: petit chantier maritime, petites fermettes, petites activités nautiques, peu de monde sur les plages mais pas mal de chiens en liberté, rares vélos,  rares bagnoles, rares tracteurs … surtout quelques quads bien adaptés me semble t-il à leurs besoins

Bref, c’est calme et vivant, j’y suis bien.   

Cet après-midi, je vais randonner sur la partie nord de l’île. Le vent reste assez fort , 20-25 noeuds constants.  Avec mon annexe, je rejoins la plage près du club et du chantier nautiques. Ca sent la vieille ambiance britannique avec ses diverses originalités. Les chemins et routes étroites sont souvent bordés de murets en pierres brutes et sèches où se nichent de nombreuses plantes succulentes avec des bordures de géranium. Les abords sont également très fleuris: énormes agapanthes bleues et blanches, gros tapis de capucines multicolores, de crocosmias,  … C’est coquet. 


                                                    L'autoroute fleurie de Bryher.



Les champs sont étroits et bordés de hautes haies protectrices pour les diverses cultures, surtout de fleurs. A la croisée des multiples chemins, des petits étalages présentent divers produits à vendre avec leurs prix et une petite boite pour y mettre les sous: légumes, diverses plantes, artisanats … 




                                                            Un étalage classique . 


Mais c’est très calme. Je croise peu de monde. Les gens restent globalement distants avec de rares bonjours timides, plus par respect de l’intimité que par impolitesse mais sur demande, sont grès serviables. Le standard est bien britannique, les maisons, leurs cheminées, leurs ouvertures, leurs barrières, leurs jardins … jusqu’aux verrous des chiottes. Et puis les gens parlent anglais, mais bien le vrai anglais  accentué comme il faut, nuancé, louvoyant et non l’anglais de survie, fadasse entendu dans les autres pays. Même sans comprendre les conversations,  on en devine les propos et le sens… On y participe presque, en devançant les rires ou les ricanements. 


Je traverse « le bourg »,  passe devant les terrasses gazonnées superbement fleuries de «  Island Fish Café » puis du pub « Fraggle Rock » avant de rejoindre l’à peine visible sentier côtier qui se faufile en zigzaguant dans les fougères. Il mène en haut de la colline à la végétation rabougrie de callunes,  de bruyères fleuries, d’ajoncs, de petites touffes de plantes aux fleurs fanées ( armérie maritime entre autres ). Le paysage est somptueux et domine une bonne partie de l’archipel. La côte est déchiquetée, sauvage, la mer s’en attaque violemment en éclaboussant avec des bouffées d’écume qui s’envole vers la terre.




                                             Mer tonique au nord ouest de Bryher.

  Sur les hauteurs, le vent du large est bien présent. Les goélands criards et les corneilles noires s’en amusent, les huitriers-pies braillent toujours autant.  C’est moins évident pour les quelques passereaux, pipits et traquets pâtres notamment, qui se contentent du vol minimun et hasardeux. Puis je retrouve les petites vallées souvent abritées où la vie suit son cours: les pigeons roucoulent, les faisans piaillent, les oies broutent, les hirondelles gazouillent en vol… Je longe le seul et petit camping de l’île proche du bourg.  Je prends une pinte de bière locale au pub ( peu animé) dont le tenancier affable est au moins  septuagénaire. Il prend des vacances en novembre qu’ils passent sur Béziers. 

Je reviens en  longeant la côte est  , son église entourée de pierres tombales , le « Church Quay », les toilettes publiques toutes propres avec un robinet d’eau extérieur ( un trésor pour les plaisanciers ). 



                                                        Les pierres tombales devant l'église.
                                                

Et puis non, je ne rentre pas de suite et je me refais un petit tour dans le lacis de petits chemins à la trajectoire farfelue. Les jardins d’où émergent divers palmiers, cordylines, arbres exotiques,   sont beaux, entretenus, fleuris. J’aime bien Bryher  calme mais vivant tout de même, avec ses contrastes, son exotisme, sa quiétude. J’y vivrais plus que sur Quéménes dans l’archipel de Molène. 

Ce n’est qu’en toute fin de journée que je regagne le bord bien douillet de Java. 


Dimanche 30 juillet,


Le temps est maussade et venteux . J’ai ramassé  quelques grosses coques le matin. L’après-midi, je suis resté sur le bateau pour écrire pour le blog.  Dehors tout est calme. Seuls quelques badauds  se promènent avec leurs chiens sur les plages presque désertes. Tout le monde est aux abris. D’ailleurs internet passe mal. 


Lundi 31 juillet,


Ce matin, le vent s’est un peu calmé. Le temps est  triste et humide. Je retourne ramasser quelques coques. Un gros coup de vent est prévu pour mercredi. Trois voiliers ont quitté les lieux: 2 quillards et le catamaran. J’ai modifié mon mouillage pour y faire face. J’ai légèrement déplacé mon ancre spade et ai amarré un bout sur un l’anneau d’un vieux corps mort inutilisé ( qui vu le gabarit de la chaine devrait être costaud). Je fignolerai ensuite car il risque de souffler très fort ( 35-40 noeuds constants et jusqu’à 50 noeuds en rafales!) mais Green Bay est l’abri le plus fiable de l’archipel pour ces vents de secteur sud à nord en passant par l’ouest à condition de pouvoir échouer. 

En face, c’est New Grimsby Harbour quasiment désert. Il ne reste que 3 voiliers sur la vingtaine de bouées disponibles. Avec ce coup de vent annoncé, beaucoup de voiliers quittent les Scilly pour aller s’abriter sur le continent vers Penzance, Newlyn, Helford River,  Falmouth … A priori, le vent restera fort toute la semaine, ce sont les grandes marées et les abris deviennent rares voire inexistants. De toute façon, ici, je ne risque pas ma peau même si Java dérapait.  Mais j’ai tout de même hâte que ce coup de vent soit passé. 


Cet après-midi , il ne pleut pas avec une température de 18-19°, idéal pour une petite randonnée, côté sud cette fois. Je suis le sentier côtier , noyé dans les fougères parfois à l’est mais plus dégagé côté ouest.



                                                    La partie sud de Bryher.


 J’ai fait le tour de la colline au sommet de laquelle se cachent plusieurs sites archéologiques ( j’y monterai un autre jour). Je reviens en coupant l’île dans sa « partie agricole » où s’accrochent un ou 2 paysans: quelques vaches, quelques rares chevaux, quelques oies, … quelques parcelles de plantes succulentes et d’agapanthes pour la vente …  J’ai tout de même croisé quelques promeneurs globalement plutôt  âgés respirant le flegme britannique . 

Je me suis arrêté prendre une petite bière de réconfort au bar du coin, en terrasse où une tripotée de moineaux s’invitaient aux tables. 


Mardi 1er août 2023,


Ce matin , les 9 voiliers de Green Bay à l’échouage était à sec. Chaque équipage s’affairaient à sécuriser son bateau au maximum compte tenu de la forte dépression qui s’annonce la nuit prochaine et demain mercredi : coup de vent d’ouest avec fortes rafales  jusqu’à 50 noeuds. A chacun sa technique . Trois se sont amarrés aux roches du rivage, un autre a empennelé ( 2 ancres l’une derrière l’autre)  , 4 autres ont enfourché soit sur ancres seules ou en s’amarrant à un ancien corps mort dont Java ( j’y ai ajouté un mouillage arrière), un seul s’est contenté de s’amarrer à une bouée. 


                                                Java attend le coup de vent .


A 16 heures débarque un catamaran de 36 pieds qui veut à tout prix mouiller juste devant moi mais trop près à mon goût.  Mais bon, il faut composer. A peine son ancrage terminé, la pluie débarque bien dense accompagnée de bonnes rafales de vent. Ca y est , c’est parti pour 24 heures. Il n’est plus question de modifier son mouillage. 




Entre 20h et 2h le matin, le bateau est posé. En attendant, je lis « Pianocéan » de Anne-Lise Le Bellec et de Marieke Huysmans-Berthou , l’histoire d’un piano sur un voilier qui se déplace de ports en ports pour donner des spectacles. Ce n’est pas de tout repos. Je me régale. 

Le vent continue à pousser de plus en plus fort, il bruite dans le gréement. Deux heures du matin, Java flotte de nouveau mais les mouvements restent doux, la mer est plate. Je me fais des scénarios, de bouts qui pètent, d’ancres qui dérapent et je me suis fait un plan B au cas où.

On est mercredi, 4 heures du matin, c’est de plus en plus sérieux, le vent est au maximun de la dépression, 35 noeuds constants avec des rafales à 49 noeuds (selon Windy). Des records de vitesse seront battus cette nuit, pour la saison ( ainsi 112 km/h à Groix et beaucoup de pointes à plus de 100). J’ai mis le nez dehors , il pleut, il vente. Java gite d’un bord sur l’autre, uniquement avec la force du vent. La mer est toujours incroyablement presque belle à Green Bay, elle frissonne à peine,  alors qu’à 500 mètres, de l’autre côté de l’île, les creux avoisinent les 6-7 mètres. Je suis tranquillisé , je m’en vais dormir peinard. Vers les 8 heures Java se pose délicatement sur le sable-gravier, tout en douceur, sans à coup comme si rien n’était. Quel bon abri cette Green Bay. Mieux que je pouvais imaginer!


Pendant deux jours, le temps se calme avec un vent à 20 noeuds de nord-ouest. Mais samedi, on remet ça avec une autre dépression presqu’aussi puissante mais plus courte. 

Ce sont les grandes marées avec un coefficient à 104 . Les 5.20 mètres de marnage suffisent pour bouleverser le paysage maritime avec de grandes surfaces de sable,  de roches qui se découvrent sur des hectares et des hectares. Les touristes sont à nouveau dehors et quelques groupes vont se balader sur des bancs de sable là-bas au loin. Il ne faudra pas trop tarder pour revenir avec des personnes pas toujours en forme physique ou avec des gamins qui trainent les pieds. 


J’en profite pour la pêche à pied mais je trouve rien d’autres que ces fameuses grosses coques. Je n’ai même pas vu de pieds de couteau ( à part quelques rares coques vides). Les goélands sont très nombreux tirant sur les algues au sol ou piaillent et crient en volant. 


Je suis monté sur la colline sud de l’île. De multiples petits sentiers tortueux y mènent à travers fougères, ronces,  ajoncs, pittosporum, pommiers sauvages … Au sommet,  il existe quelques sites archéologiques et notamment de vestiges d’un cairn datant de l’âge de bronze. 


Le vendredi, j’ai emprunté une épuisette à Olivier de l’équipage du « Balafenn Noz"( papillon de nuit en breton), magnifique voilier en bois à quille longue en super état, dessiné par Victor Brix , construit au chantier Jézéquel en 1968. Je suis allé pêcher la crevette, très abondante dans le secteur ( 1 kilo de bouquets en moins d’une heure ) : un régal à toutes les sauces pendant 2 jours. 




                                                                Crevettes du jour. 



Samedi 5 août 2023,


Je suis toujours au mouillage de Green Bay et j’essuie actuellement un deuxième coup de vent en 4 jours avec 30 noeuds constants et des rafales à 50 ( 60 à Land’s End)! Les bourrasques sont fréquentes et violentes. Java reprend des bons  coups de gîte: du roulis mais pas de tangage, c’est confortable. Le gréement vibre, le vent siffle, le bimini claque.  La mer moutonne à plat, frissonne mais reste étrangement plate dans cet abri coffre-fort. Un cormoran pêche. Un phoque se détend,  la tête hors de l’eau penchée en arrière. Dans les 8 voiliers au mouillage, les équipages attendent aux abris. Il vente fort, la dépression est bien là mais bizarrement  il ne pleut pas. Dans le ciel bleu, les cumulus avancent à toute vitesse. 



                                                     La dépression va nous bouffer.


Juste en face dans le New Grimsby Sound, la mer moutonne  et s’agite fort. Aux jumelles, j’aperçois les 3 voiliers de 40 pieds environ sur bouées qui se font bien secouer. Pour venir aux Scilly, un voilier à échouage est un gros plus.


Ah, les Scilly:

Ce sont des tas de lapins gris, parfois noirs qui broutent ou gambadent même le jour.

Ce sont de multiples plages de sable blanc ou blond animées à chaque rayon de soleil, même timide par des vacanciers de tous âges, de tous accoutrements. 

Ce sont le respect, souvent la discrétion dans la fantaisie. Les Anglais n’ont honte de rien. Tout est possible. 

C’est un rythme de vie tranquille, sans stress, sans précipitation. Les activités s’adaptent aux conditions météorologiques , tout simplement, dans le calme. Pas de vent, trop de vent = pas de voile. Pas ou peu de vent= rame, canoë, kayak , natation, snorkelling…

Un bon vent = apparition des voiles: dériveurs, petits voiliers classiques, planche … Le tout sans embouteillage, sans jet-ski, sans pneumatique fou, sans annexe bruyante…

Ce sont des pêches fantastiques: lieux, grosses coques, crevettes …

Ce sont de magnifiques paysages vivants avec un marnage aux effets surprenants.

Ce sont des balades du bout du monde loin de la foule.

C’est de la compagnie assurée avec les oiseaux marins  et terrestres et les phoques. 

Ce sont les multiples étalages le long des routes ( nourriture, artisanats, plantes…) avec la petite boite pour payer.  

C’est une  vieille histoire, ce sont de vieilles histoires, c’est un passé riche ou pauvre , ce sont des adaptations permanentes, une insularité assumée.

C’est un style scillien parfois assez déboussolant dans un style anglais.



                  Délire typiquement anglais. Le chauffeur peut débarquer costard-cravatte.


C’est un endroit dépaysant qui se mérite et qui mérite un vrai séjour pour en humer l’ambiance. 


11h15, Java se pose presque tranquillement malgré les bourrasques. Ca tosse à peine.  En 2 minutes, c’est fait. Et nous voilà posé pour 6 heures. 


Bon mais ça fait déjà plus d’une semaine que je suis scotché ici et j’ai envie de naviguer un peu. 

L’Irlande? Pas évident de trouver une bonne fenêtre pour monter et les prévisions sont plutôt aux dépressions successives. 

La Cornouaille du nord? Pourquoi pas? De plus une île me tente bien, Lundy,  réserve naturelle à 100 miles d’ici. Alors hop, c’est parti … pour demain.


Dimanche, effectivement, le vent s’est bien calmé. Dés 7h , je quitte Green bay et gagne la mer par la sortie nord de New Grinsby harbour. 



                                            Cromwell Castle sur Tresco.

Le vent est nord ouest 12-13 noeuds, juste suffisant pour avancer dans une mer agitée. Je traverse les deux rails de Lands End sans encombre, passe devant Saint Yves où des grands groupes de puffins sont posés sur l’eau. J’ai vu quelques fous de Bassan mais surtout des adultes, quelques fulmars, quelques petits dauphins. La mer est joliment agitée, le ciel est presque bleu, la navigation sublime. Il n’y a rien à faire et Java avance bien sauf quand  le courant contraire de 2.5 noeuds vient s’y mêler. 

Vers les 20 heures , j’arrive à l’entrée de « Camel River », juste bien en fin de marée haute. L’estuaire est vaste mais assèche en grande partie surtout par ce gros coefficient de marée. Je décide de mouiller du côté « Rock » près d’un mouillage de petites embarcations. Les fonds de sable ne sont pas réguliers mais il me semble qu’ici, je suis bien. Mais la capitainerie de Padstow me demande de rentrer dans le petit port à flot, les zones de mouillage semblant être organisées. Malgré tout, l’accueil est bon et je décide de rester à quai . Nous sommes une vingtaine de voiliers en tout. La bourgade est plutôt jolie mais bien trop touristique. Mais en soirée, c’est quasiment désertique…



                                                                Port de Padstow.


J’y passe la nuit au calme dans ce petit port hyperprotégé pour 18 pounds. 


Lundi 7 août, 

Je consulte windy. Remonter sur Lundy située à 40 miles au nord-est me parait compliquer : peu de vent et courant dans le nez. Bref,les prévisions météorologiques ne me paraissent pas idéales et je décide de descendre sur Saint Ives avant de regagner à nouveau les Scilly. 

Je sors de l’estuaire, Saint Ives est à 35 miles. Le vent est faible dans le nez, le courant est favorable et c’est parti pour … 5 heures de moteur.  Je mouille devant le port à Saint Ives. J’y étais venu en autostop en 1971 rencontrer ma correspondante anglaise puis en fin septembre 1981 en escale avec un  Muscadet avant de gagner l’Irlande. A l’époque, Saint Ives était déjà très touristique. Cependant, la ville et le port sont restés dans leur jus, noyés par le flot de touristes et de goélands. Mais, c’est beau tout de même. 



                                                    Saint Ives à marée basse.


Le site est magnifique. Ici pas  ou très peu de voiliers. Encore moins dans le port où il faut échouer soit sur sa propre ancre ou sur une des 4 bouées ( longueur maxi des bateaux 12 mètres).  J’y ai pensé mais j’ai pensé aussi aux fientes de ces p… de goélands. Finalement, je suis resté au dehors , mouillé devant « Porthminster Beach » où je descends avec mon annexe.




                                                    Saint Ives à marée haute.


Mardi, 8 août, 

Je suis descendu à terre me balader dans les jolies petites ruelles aux multiples galeries , plus calmes que le front du port surpeuplé. 




                                                                Ruelle de saint Ives.


L’après midi, je suis parti en bus « double decker »  sur la côte sud ( au moins, j’ai vu la campagne cornouaillaise de haut, très agricole et proche de la campagne bretonne) ) sur Penzance que je ne connaissais pas ( ville jumelée à Concarneau). Après 10 kms de marche le long de la façade maritime et au coeur de la ville: bof, aucun charme, aucune harmonie, quelques belles demeures, quelques rues commerçantes sur les hauteurs avec des banderoles minables.  Pour le navigateur, le port à flot n’est pas vraiment prévu pour les voiliers. Le port à échouage est bien protégé . A l’extérieur les quelques tonnes d’amarrage ne sont pas forcément bien abritées. Au total, peu d'intérêt pour une escale. Si besoin de protection, mieux vaut filer sur Helford River ou Falmouth. Déçu. Au moins, j’ai vu. 

Le soir venu, une pinte de bière dans un des pubs de Saint Ives, un vrai pub chaleureux, moquetté, au plafond bas comme il se doit ( où les grands baissent la tête), décoré avec des vielles photos locales, avec une musique d’ambiance bien british et avec du monde, de l’ambiance, des serveurs qui s’activent vraiment… du vrai spectacle, un autre monde où personne ne pense plus  à la vie du dehors. Dès que tu passes la porte d’entrée , tu es plongé dans un monde à part et dès que tu en sors, tu crois avoir rêvé. 


Mercredi 9 août,

Aujourd’hui , c’est journée sur Java. Je coupe les ponts. J’aime bien. 

Et demain, retour aux scilly.