samedi 3 décembre 2016

Descente de l'Algarve sur les Canaries.

Descente de l’Algarve sur les Canaries. 

Dimanche 2 octobre 2016,

Contrairement à la marina espagnole au moins au 3/4 vide de Ayamonte, celle portugaise de Vila Real est presque remplie! Mais pourquoi donc? Ayamonte est une belle ville vivante, animée,  avec des beaux jardins et belles places, aux ruelles tordues bordées de maisons anciennes. La marina d’Ayamonte proche de la ville est plus facile d’accès, ne pose pas de problème de courants traversiers, et propose des tarifs quasi-identiques ( 23 euros la nuit contre 21 à Vila Real).
Vila Real est à mon avis plus fade,  moins charmante, plus cartésienne avec ses rues rectilignes se croisant à angle droit, moins surprenante, plus plate. De plus , la marina est sujette à de puissants courants traversiers et les accidents matériels sont assez nombreux lors des arrivées et des départs des bateaux visiteurs surtout. Il est important d’y arriver le plus possible à l’étale de basse ou haute mer pour s’y amarrer sereinement. Les espaces limités entre les pontons n’arrangent rien. 

J’ai fait le plein de fuel, d’eau, de liquides divers, de bouffes …
Ce matin, au réveil à 6h30, l’air est frais dans ce petit vent de nord et un ciel clair. J’ai prévu d’appareiller  à 8 heures pour les îles Canaries avec comme point de chute l’île de La Graciosa située à l’extrémité nord-est de l’archipel, à environ 580 milles. Les prévisions météorologiques sont correctes et me permettent d’espérer une navigation en 5 à 7 jours (des vents faibles sont également prévus, surtout à l’arrivée). 
Dès la sortie du chenal, pendant 2 heures, le vent de nord-ouest souffle à 25 noeuds. Sous le vent de la côte, Java navigue sur une mer peu agitée sous trinquette au 2/3 et Grand Voile au 1/3. 
Vers 10 heures, le vent vire nord nord-est en faiblissant à 7 ou 8 noeuds. Grand voile et GSE sont en ciseaux, complètement déroulés. J’avance à 3 noeuds. 
Vers 12 heures, le vent disparait et je mets le moteur pendant 4 heures.  Cet après midi, j’ai vu des centaines de dauphins. Les groupes se succédaient sans arrêt  mais peu se sont amusés avec l’étrave de Java. Je n’en ai jamais vu autant. L’eau bouillonnait. Certains sautaient hors de l’eau de 2 ou 3 mètres. Quelques retardataires semblaient à "la bourre". Les oiseaux de mer animaient le ciel. Notamment les fous de Bassan étaient en pêche avec des plongeons  extraordinaires. 

Vers 13 heures, une mouche vole dans la cabine et puis encore une autre et encore une autre. Mais d’où sortent-elles? Je ai toutes écrasées les unes après les autres: une hécatombe! 
A 14 heures, deux gros cargos sont en vue et sans que je reçoive leurs signaux AIS sur mon écran GPS. Bizarre!  Le problème serait-il chez moi? Probablement. Avec un logiciel téléchargé sur mon ordinateur, je vérifie les paramètres de mon AIS-transpondeur. Tout va bien!  Puis je vérifie les paramètres de mon GPS. Mon numéro MMSI ( numéro spécifique à chaque bateau et délivré par l’agence nationale des fréquences) n’y est plus notifié. Il a fait pschitt! Pénible l’informatique. Je le réinscris. Ca fonctionne. 
A 16 heures, je pêche un petit thon germon de 2 bons kgs: protéines  assurées pour 3 jours. 






                                       Pas sympa avec les poissons.

A 16h15, le silence revient. J’ai arrêté le moteur et remis les voiles en entier. Je suis au près par un vent d’ouest ( brise de mer) d’une dizaine de noeuds. 
A 18 heures, je découpe le thon et hop, au frigo.
A 21 heures, le vent a forci à 15 noeuds, toujours d’ouest. Le traffic maritime se densifie sérieusement. 

Lundi 3 octobre.

A 4 heures du matin, le vent tombe et je mets le moteur pour 2 heures.
A 6 heures, je remets les voiles en entier: vent de nord nord-ouest de 7-8 noeuds.
A 8 heures, je suis assez fatigué, mal reposé. Depuis hier soir, le traffic maritime est très intense ( quasiment comme dans le rail d’Ouessant mais en pire puisqu’il n’y a pas de rail donc pas de route précise et que je suis à la sortie  ou à l'entrée de « l’entonnoir »).  J’ai dû veiller en permanence. Ce sont les bateaux qui entrent ou qui sortent  de la Méditerranée.  J’en ai vu une bonne quarantaine à moins de 5 milles et 5 ou 6 sont passés à moins de 1 mille: des cargos, des bateaux à passagers, des tankers, ….. et entre autres un voilier de 100 mètres et un bateau à moteur de loisirs de 110 mètres de longueur.  En réalité, je n’ai vu que leurs feux de navigation et les cibles sur l’écran GPS. J’ai difficilement  réussi à sommeiller par tranches de 10-15 minutes, le minuteur de l’i-phone  me servant d’alarme de réveil ( très bien).

Java a parcouru 108 milles en 24 heures avec le pilote électrique aux commandes. 

A 9 heures, le temps est beau, la mer belle à peu agitée et Java avance tranquillement à 3-4 noeuds
De 10 heures à 19 heures, je suis sous spi dans des conditions idéales. Aujourd’hui, la mer est presque déserte: rares bateaux, pas de dauphins , rares oiseaux. La VHF reste silencieuse.






                           Sous spi, même par petit temps, ça avance.


19 h 30, la nuit approche, le vent forcit. J’abats le spi et je déroule le GSE seul  au grand largue dans un vent nord de 15 noeuds. 

Mardi 4 octobre.

Vers minuit, le vent de nord nord-est a forci à 20-25 noeuds. J’ai mis Georgette au boulot. 
La mer est toujours aussi vide de bateaux. J’ai « dormi » par tranches de 20 minutes avec l’alarme de l’AIS en route ( comme toujours en fait). 
A 9 heures, le ciel est voilé, le vent nord nord-est  souffle en plein dans le cul. La mer est agitée avec une houle de 2-3 mètres.

Java a parcouru 108 milles en 24 heures.

Puis pendant quelques heures, la mer est devenue forte ( creux de 3 ou 4 mètres) avant de se calmer à nouveau alors que le vent était resté stable! Le confort à bord devient relatif et mes mouvements sont calculés. 

Jeudi 6 octobre

10 heures et je suis reposé. J’ai bien récupéré la nuit passée.
Personnellement, sur un voilier de la taille de Java, la navigation en solitaire ne me pose pas de problème particulier pour la conduite du bateau. J’ai essayé de l’adapter au mieux et je m’adapte au mieux. Les petites astuces se multiplient et se complètent pour me faciliter la vie. 
Pour moi, la grosse difficulté de la navigation en solitaire est la gestion du sommeil et de la veille, et de l’équilibre entre les deux. Sur cette navigation de 5 ou 6 jours entre l’Algarve et les îles Canaries de l’est, j’ai éprouvé des difficultés à trouver cet équilibre. Jusqu’à ce matin, je me suis un peu trainé et j’ai passé mon temps à me ménager, sans avoir  envie de lire, d’écrire,de rêver, d’observer la mer…  Pourquoi donc?
  * Je ne me suis pas réellement reposé  lors ma première nuit de navigation où le traffic a été très, très dense!
* La relative proximité de la côte ( 100  à 150 milles environ) m’a empêché d’être serein dans mes récupérations et petites siestes. Ma crainte permanente provenait de la possible présence ou non de bateaux de pêche . Quelle était la règlementation en vigueur? Etait-elle suivie ? En clair, pouvait-il y avoir des bateaux en pêche avec peu ou pas de signalisation, surtout la nuit?  Ont-ils un AIS- transpondeur? Si oui l’utilisent-ils? Il existe également quelques zones d’exercice militaire…Pour un solitaire, la navigation côtière est terriblement éprouvante et je préfère être peinard à grande distance des côtes. 
Pendant cette croisière, la lune étant très petite et souvent cachée, les nuits étaient  noires. Seules les étoiles tapissaient majestueusement le ciel. J’ai à peine eu le temps de le remarquer. 
Seule la nuit passée, j’ai réussi à m’offrir des épisodes de réel sommeil. Et ça change tout. J’ai envie à nouveau de m’occuper. Je ne m’oblige plus.

Que s’est-il passé depuis mardi?
En mer, quasiment rien! Pas de dauphin, rares oiseaux, rares bateaux ( 5 ou 6 bateaux à moins de 10 milles dont un voilier de 21 mètres qui est passé sous grand-voile seule à 3 milles sur mon tribord hier soir). La mer était quasiment déserte et la VHF silencieuse. J’avais une impression bizarre d’être loin de tout et cependant proche de tout en même temps. J’avais la sensation qu’à tout moment une grosse activité maritime pouvait venir remplacer ce calme avec toujours cette interrogation de ne pas assez surveiller couplée à une lassitude de trop surveiller. Ambigu!

Le mardi  soir, à 19 heures, j’ai pris un premier ris dans le GSE et je l’ai tangonné. 
Vers 23 heures, le vent a continué à forcir jusqu’à 25 bons noeuds et j’ai pris un 2 ème ris dans le GSE.  Au vent arrière, la nuit a été assez pénible dans une mer forte et les mouvements désordonnés de Java. Toujours dans le doute de ne pas assez veiller, mes tranches de sommeil n’ont pas été efficaces.
On limite souvent les mouvements d’un voilier au roulis et au tangage. La réalité est bien plus complexe. Quand la mer est formée et que le voilier avance assez vite, il se surajoute un autre mouvement encore plus pénible ( A t-il un nom? S’agit-il d’une agitation anarchique  de l’eau  sous sa surface? ). Il s’agit de petits mouvements vifs, incessants, rapides, brutaux, , décalés ,   difficilement gérables  autrement qu’assis ou allongé. C’est comme       «dans une machine à laver le linge » disent souvent les navigateurs en courses. J’imagine qu’un train qui roulerait rapidement sur des rails parallèles mais décalés et tordus en permanence pourrait donner ce même style de sensation. Quand la mer devient agitée et que le bateau avance fort,  qui plus est proche du vent arrière, ces mouvements conditionnent la vie à bord, demandent beaucoup de patience, de concentration  et d’adaptation, bouffent beaucoup d’énergie. Je comprends que certaines personnes ne puissent pas  tolérer cette situation, sans même parler du mal de mer toujours aux aguets. 


Durant ces quelques journées, j’ai dû gérer l’alternance de Georgette et du pilote électrique de secours ( Raymarine ST 2000 trop juste pour le poids du bateau; le vérin de mon pilote principal est en panne). Le pilote actuel fait son boulot jusqu’à 15 noeuds environ en fonction de l’état de la mer mais est vite dépassé. Avant 15 noeuds de vent apparent, Georgette est un peu léthargique et Java fait des embardées. Malgré tout, je ne barre jamais en mer et heureusement. Je pense toujours aux premiers navigateurs solitaires à la voile,  sans pilote, sans enrouleur de voile, sans GPS, sans …, sans …, en fait avec pas grand chose mais qui réalisaient de superbes navigations et de véritables exploits. Et même si aujourd’hui, la navigation reste une activité exigeante et prenante, elle est devenue une activité de privilégiés. Par contre les outils  de navigation, les différents matériels électriques, informatiques … très sollicités en milieu marin,  sont devenus tellement nombreux qu’il est devenu indispensable d’avoir un minimum de connaissance de bricolage dans un maximum de domaines pour éviter de rester bloquer au port pour des soucis itératifs de diverses pannes. En  l‘espace d’une génération, les voiliers de voyages ont pris en moyenne au moins 2 mètres de long en plus  (et parfois beaucoup plus encore) avec souvent de multiples accessoires: chauffage, chauffe-eau, groupe électrogène portable ou le plus souvent fixe, dessalinisateur, machine à laver la vaisselle,  le linge ( à sécher le linge?), le réfrigérateur bien sûr mais aussi  le congélateur … les enrouleurs de voiles électriques, les barres hydrauliques, les propulseurs d’étrave … et plein d’autres choses encore que je ne connais pas et que je ne peux sans doute même pas imaginer quand je vois parfois « naviguer » et souvent  « stationner » dans les ports des luxueux bateaux de plaisance à voile ou à moteur de plus 100 pieds…

Le mercredi à 9 heures, Java a accompli 123 milles en 34 heures. 

Je ne suis pas toujours reposé et je vais passer ma journée de ma bannette à la veille  et à la conduite du bateau, à la bouffe , juste à assurer un minimun  syndical . 
A 12h30, j’ai empanné, et tangonné le GSE bâbord amure dans un vent de 20 noeuds toujours arrière. 
A 17h30, le vent de nord nord-est à 10 noeuds énerve Georgette qui batifole. Je mets le pilote.
A 18 heures, je vois mon premier bateau du jour à l’AIS. Il s’agit d’un voilier de 21 mètres de longueur, sous grand-voile seule et croisant à 7 ou 8 noeuds ( s’aide t-il du moteur?) passant à 3 milles sur mon tribord et suivant sensiblement le même cap que Java. 
A 19 heures, je remplace le pilote en panique par Georgette. 

J’ai toujours pris et  prends toujours un soin particulier pour garder l’intérieur de Java aussi sec que possible et globalement j’y réussi assez bien. En navigation, tous mes hublots et panneaux de ponts sont fermés. Au moindre doute, je mets en place la moitié ou la totalité du panneau de descente pour éviter l’intrusion de vagues trop curieuses.

A 23 heures, le vent a bien faibli. La mer reste agitée sans plus. J’ai remis le pilote au boulot.
Je viens de me coucher sur ma bannette, la lumière du carré encore allumée. Quand tout d’un coup, une vague vient s’écraser sur la coque de Java, côté bâbord,  dans un bruit énorme de fracas et de claque. Le bateau part brutalement à la gite et j’entends l’eau gicler sur le pont et le balayer mais surtout,… je vois au moins deux litres d’eau de mer  s’écouler par mon petit hublot resté en position aération … et aller se répandre  sur la banquette d’en face. Comme puis-je être aussi con? Pourquoi ai-je oublié de fermer COMPLETEMENT ce panneau ? Ce n’est pas bien grave. Mais d’où sortait-elle cette vague aussi virulente sur une mer aussi peu agressive? Bizarre. Incompréhensible.
Cette nuit-ci, j’ai décidé de me reposer vraiment. Tout était au vert: pas d’activité à la VHF, pas de bateau à l’AIS et petite vitesse dans un vent bien établi. Et je me suis effectivement requinqué.  Cependant, j’ai rêvé que je longeais des îles avec des bateaux de pêcheurs en pagaille, souvent sans feu dans une nuit épaisse. Je me disais pourtant dans ma tête que ce n’était pas possible , que là où j’étais, il n’y avait pas d’îles mais rien n’y faisait. Les mêmes images s’affichaient.  Je devenais « parano » avec ces bateaux sans signalement qui stationnaient juste devant l’étrave de Java. Mais il ne s’agissait pas d’un cauchemar mais d’un simple rêve presque controlé.

Ce jeudi à 6h30, je me réveille en pleine forme. Il fait encore nuit noire. Le vent est complètement tombé. J’enroule le GSE et mets le moteur. Il me reste encore 140 milles pour atteindre la Graciosa et j’ai décidé d’y arriver au plus tard pour demain soir pour éviter de passer une nouvelle nuit dehors près des côtes. Seul, je n’aime pas cela.
A 9h15, le jour s’est levé, le temps est nuageux et doux ( 24° dans la cabine ouverte). Le vent se rétablit et j’ai rétabli le GSE.

A 9 heures, Java a accompli 97 milles en 24 heures.

A 11h45, j’arrête le moteur et continue sous GSE seul. 
13 heures: l’heure du déjeuner approche. Je prends un porto  pour arroser le premier anniversaire de Léon. Ce midi, le menu affiché propose une salade  de tomates à huile d’olive et basilic sur une feuille de chicorée puis riz avec poivron rouge, oignon, ail, gingembre et rondelles de chorizo ( plat chaud tous les jours sauf impossibilité ou dangerosité de cuisiner) puis un petit flanc caramel au dessert, le tout agrémenté d’un petit rouge portugais.
15 heures, le déjeuner  s’est bien passé et tout va bien. Le vent est stable, le pilote sérieux aux commandes , le cap suivi et nous sommes dans les temps. 
Un avantage d’être seul en mer pendant plusieurs jours est de pouvoir gamberger profondément,  sans précipitation,  en étant certain de ne pas être interrompu et donc d’arriver à percevoir l’impossible sur la terre ferme , un peu comme un deuxième souffle pour les sportifs. Tu pénètres dans un endroit au-delà de la frontière terrestre par un chemin inaccessible puisque invisible au travers des préoccupations quotidiennes. Il ne s’agit pas d’ésotérisme mais d’une simple exploitation d’un temps indéfini. Ceux qui connaissent la voix de l’engoulevent d’Europe  ou le croassement du crapaud accoucheur comprendront plus facilement ( entendus «  facilement » par les initiés dans le Finistère et ailleurs mais à certains endroits et à certains moments). Certaines réalités ne se dévoilent qu’au bon endroit , qu’au bon moment et uniquement  à ceux qui savent.
A 18 heures, le vent a beaucoup faiblit et Java se traine et parfois je mets le moteur. 
22 heures, il fait encore chaud dans ce souffle léger. La mer est peu agitée, déserte.

Vendredi 7 octobre,

Une heure du matin: rien à faire, le vent est vraiment trop faible et je prends le parti de remettre le moteur, sans plus me poser de question,  jusqu’à l’arrivée si besoin. 
La nuit s’écoule tranquillement et je dors par tranches de 25 minutes. Pas de trafic maritime reçu.
8h30, le jour se lève dans un ciel nuageux avec toujours ce petit vent ( pourquoi ne dirait-on pas « venticule » ?)  inefficace. Un bateau de pêche navigue sans transpondeur. Les puffins m’accueillent en nombre. Les îles apparaissent droit devant.






                                     Graciosa et ses petits îlots apparaissent.



12h30, plutôt reposé, j’entre dans le port de « Caleta Del Sebo » à Isla Gracioza et accoste aux pontons.






Premier clin d'oeil de Graciosa.


22 heures, c’est la fête sur le port avec une bonne « musique live »  avec chanteurs professionnels et amateurs jusqu’à la moitié de la nuit, dans une ambiance bon-enfant. 

Dimanche 9 octobre 2016, La Graciosa

Ce matin, j’ai sorti mon « velodepoche » ( VDP) , histoire de le sortir de son coffre, de lui donner une bouffée d’oxygène et de le préparer à sa fonction. VDP était content. Je l’ai accompagné le long des pontons et l’ai attaché comme une vache avec un antivol à une balustrade sur le port ( je ne sais pas pourquoi je dis « comme une vache » puisque je n’en jamais vu  attachée de la sorte) . Je me souviens d’un grand-père sénan ( de l’île de Sein quoi) expliquant sur la grève devant le bar «  Le Cormoran Borgne » , à son petit-fils,  perplexe, que si on attachait une vache avec une corde, on amarrait un bateau avec un bout.  





                            La "capitale" au bas de la piste et Lanzarote dans le fond.



Le temps est nuageux, pas trop chaud, avec des alizés modérés, juste bien pour entamer quelques efforts physiques. VDP ne s’en doutait de rien .  Moi non plus d’ailleurs.  Et pour les autres, je n’en sais rien. Certains jours commencent ainsi tandis que d’autres, non! 
Je vais profiter que l’île n’est pas grande pour en faire le tour. Eh, eh! Pas con!  Je pourrai me vanter: 
-  Moi, Monsieur, j’ai fait le tour d’une île des Canaries, avec VDP . 
- Et elle était grande comment ton île? »
- Normale mais montagneuse .







                                             Les cônes volcaniques.


- Mais pour de vrai, elle est comment La Graciosa » me demanderez-vous
- Et ben, vous n’avez qu’à y venir ou faire un tour sur google est mon ami ».




                                                     Carte de la Graciosa.

La Graciosa est l’île habitée ( 500 habitants à l’année et 3000 au plus fort de l’été) la plus petite des Canaries située au nord-est de l’archipel, la plus proche de l’Afrique. Les Canaries sont en Espagne, l’Espagne en Europe mais pas les Canaries parait-il! Je ne sais pas pourquoi. Et cependant, les fonds de multiples subventions et d’investissements y parviennent bien. Ah, les méandres de la politique.





                   Pedro Barba, endroit envoûtant, ancien port devenu résidences touristiques.


Longue  6.5 kms et large de 3 kms , d’une surface de 27 km2, l’île, aux rares falaises, présente 4 cônes volcaniques  peu élevés ( 266 mètres maximun) qui dominent un sol assez vallonné et sablonneux.  L’Estrecho del Rio ( le détroit de Rio), large d’environ 1 km,  la sépare de Lanzarote dont les falaises hautes de 600 mètres et tombant à pic l’écrasent de leur puissance. 





                              De retour de Pedro Barba:Lanzarote coiffé de nuages 


L’île  aride, isolée, sans eau potable, sans terre arable, sans véritablement d’abri naturel,  resta inhabitée jusqu’à la fin du XIX ème siècle. La construction d’une usine de salage de poissons y amena la première colonie d’habitants. La pêche s’y développa. La vie était rude. Les habitants devaient traverser le Rio avec leurs petites embarcations pour vendre leurs poissons et s’approvisionner en eau. Il fallait avoir le moral. 
Puis la fée « tourisme » a débarqué et les activités de pêche sont devenues bien accessoires. L’île étant intégrée dans une réserve naturelle, les nouvelles constructions se sont bien intégrées. 

Neuf heures, monté sur VDP, j’attaque les 3/4 du tour de l’île pour 17 kilomètres tout terrain sur les pistes sablonneuses ( pas de route goudronnée) où circulent les quelques véhicules 4/4 promenant les touristes ou les officiels ( gardiens du parc …). Certains regards amusés nous observent VDP et moi éviter les pièges de la « chaussée » pas aussi plate que c’était écrit: trous ( fous, clous, flous…), tôles ondulées, plaques de sables, pierres, cailloux            (choux, genoux , bijoux …). Le paysage est singulier: du sable, du sable, de la lave, de la lave et quelques volcans et quelques plantes. Au milieu de l’île, entre les sommets de Agujas Grandes et Montagna Del Mojon, quelques rares et laborieux jardins potagers ou horticoles se protègent derrière quelques murets ou bâches anti-vent. Des feux-jardins montrent toute la difficulté de sortir la moindre verdure de cette non-terre agricole. 






                                    Playa Del Ambra au nord-est de l'île.

Je n’ai pas vu un seul animal domestique, ni bovin, ni ovin, ni même caprin. Entre autres, j’ai observé des goélands, quelques gravelots, quelques courlis, quelques sternes, quelques corneilles, et surtout des pipits de Berthelot. A distance des têtes volcaniques, les côtes sont basses avec des roches de lave ou de belles plages quasi-désertes.  




                                       Ancien port de Caleta Del Sebo ( mouillage et cales).


Sur le retour, la piste domine la « ville » de l’île «  Caleta Del Sebo apparaissant toute blanche,  allongée et en grande partie blottie autour du port protégé par 2 longs brise-lames:  transport de marchandises et passagers, marina et …  pêche.




                          Bateaux de pêche superbement entretenus: bluffant!


En moins de deux générations,  la pêche a été balayée  par un  tourisme encore acceptable. Sur les pontons presque pleins , les voiliers visiteurs ne sont pas très nombreux mais les bateaux à moteur de tous types sont souvent occupés surtout le week-end par des habitants de Lanzarote ou d’ailleurs qui viennent s’encanailler. En moins de deux générations, les préoccupations des îliens ont totalement changé et la réalité économique impose sa loi.




  Une des rues de la capitale. Sur la gauche une boucherie à l'enseigne verte:
                                           Carnicera Don Cochon!


L’île de Culatra dans la lagune de Faro a gardé, m’a t-il semblé,  pour l’instant encore, une vraie authenticité, un vrai équilibre  entre son histoire et l’activité de tourisme.

Les îles resteront toujours les îles où les existences ont depuis toujours été perturbées plus qu’ailleurs par des tas de facteurs humains, guerriers, politiques, économiques…  Les histoires insulaires sont toujours  meurtrières, violentes, difficiles  avec des populations souvent décimées par les multiples conflits militaires ou rejetées par mort économique. 

 Vendredi 14 octobre,

Je suis à La Graciosa depuis une semaine et je ne m’en lasse pas. Je vis dans un environnement superbe, envoutant, vivant, animé, pas trop bruyant le jour,  aux nuits calmes, aux pêcheurs discrets. 









                                       Playa Francesa et son beau mouillage.






               Merveilleuse plage de la Cocina au pied de la Montagna Amarilla.


Chaque jour, je me suis régalé avec des ballades peinardes dans la montagne ( il ne faut pas avoir peur du sable souvent meuble) et des petites baignades dans une eau de mer à 22° environ. L’île n’est qu’une succession motifs de cartes postales. 

Demain, je rentre en Bretagne ( Lanzarote-Brest direct!) jusqu’à la mi-janvier prochaine et Java reste seul aux pontons du port. 





















mardi 11 octobre 2016

L'Algarve

L’Algarve.

Samedi 3 septembre 2016, Portimao.


       
                                                    Cabo Sao Vicente

L’Algarve,  sud du Portugal s’étend du Cabo Sao Vivente  à l’ouest ( Cap Saint vincent) au Rio Guadiana à l’est ( rio qui fait la frontière avec l’Espagne et navigable sur 25 milles environ en voilier « normal »  sans démâter ( 18 mètres de tirant d’air et sans doute quelques mètres de plus au vu de la hauteur des mâts   des voiliers rencontrés plus tard sur le fleuve) .  Le climat est y quasiment méditerranéen avec néanmoins  une eau de mer  plus fraîche. 
La région est devenue très  touristique avec de multiples résidences, des marinas, des terrains de golf …  avec par endroit un véritable tourisme de masse et pourtant la pleine saison est terminée.




                                     Résidences d’été pleines à craquer. à Portimao

Portimao est un port de pêche et  de plaisance  avec une marina et une grande zone de mouillage derrière le brise-lame est. Les meilleures places sont celles situées au fond à tribord  du chenal en y entrant ,  le plus loin des bars à karaoké et du traffic maritime très dense, tout en étant assez proche de la plage « Praia Grande » .
La vieille ville de Portimao située à presque 2 milles de l’entrée ( possibilité de mettre l’annexe à un petit ponton,  rive droite, après le premier pont routier) n’a pas le charme  de Ferragudo situé rive gauche en face de la marina. Ferragudo est un  petit village de pêcheurs construit sur une colline avec un tas de petites ruelles tortueuses et souvent fleuries qui s’entrecroisent en descendant jusqu’à la rivière.
Il est 16 heures et depuis mon retour vers 13 heures sur Java , le trafic intense des bateaux à moteur, petits et grands devient pénible. Je décide d’aller passer la nuit ailleurs. Je lève l’ancre pour Alvor situé à 5 milles,  lagune avec au fond du chenal un village de pêcheurs. La mer redescend depuis 1 heure et l’étroit chenal de 1 mille de long environ, mal balisé,  n’est pas évident à discerner au travers des bancs de sable ( qui se meuvent d’une année sur l’autre) . Une bonne vingtaine de voiliers visiteurs sont sur ancre. Je vais au bout du bout pour rechercher un mouillage au calme et un gars sur son trimaran me propose de prendre la bouée du bateau d’un ami absent quelque temps ( sympa et commode). Les lumières du coucher du soleil sur cette lagune à demi-vidée de son eau sont superbes . Celles de quelques foyers d’incendies sur les collines d’en face un peu moins. 

Dimanche 4 septembre, Alvor. 

Comme chez nous,  lagune dit souvent beaucoup d’oiseaux . Ce matin, une ballade ornithologique m’a dégourdi les jambes: hérons cendrés, aigretttes garzettes, courlis corlieu, gravelots à collier interrompu, huitriers pie, moineaux domestiques, traquets pâtres, bécasseaux variables , chevaliers gambettes, barges à queue noire, mouettes rieuses, goélands ( cendrés et bruns?)… A 11 heures, la chaleur est déjà présente et je parcours vite fait les rues du village en fait très, très, touristique avec des dizaines de bars et restaurants … 
16 heures, il fait très chaud, 35° degrés environ  ( 32 dans la cabine ) avec une toute petite brise bien agréable sous le grand taud du cockpit. Je pense être arrivé en Algarve au bon moment, après les grosses chaleurs estivales et le flot de touristes. Personnellement, je n’y viendrais pas en plein été. La Galice est touristique aussi mais reste vivable, authentique, véritable. Ici, en pleine saison, j’ai l’impression que la ligne rouge doit être franchie dans beaucoup d’endroits mais peut-être reste t-il encore des coins peinards? 

Mercredi 7 septembre, Faro.

Lundi, j’ai passé  une journée à la vaste marina bien tenue mais chère ( 36 euros la journée) de Lagos pour lavage et remplissage de Java. La vielle ville est jolie mais très, très touristique et était bondée. En soirée, les rues piétonnes,  les terrasses des nombreux bars et restaurants étaient pleines à craquer … un lundi … en dehors de la période des vacances scolaires … Il faisait 40° ce jour, sans vent: chaud, chaud!
Hier, j’ai navigué de Lagos à Faro sur 35-40 milles … encore au moteur. La côte ouest de l’Algarve, jusqu’à Albufeira environ,  est très belle avec ses hautes falaises aux couleurs vives et bigarrées ( ocre, jaune, rouge, beige ….), irrégulières, aux multiples grottes de toutes tailles. 




                                               Falaises typiques de l'Algarve

Derrière les falaises, les collines sont souvent boisées en dehors des habitations et en deuxième rideau, s’étendent des petites chaines de basses montagnes ( 500 mètres environ) .  Ensuite, progressivement, les côtes très basses , les plages et les lagunes prennent le relais.
En fin de journée, je suis entré dans la lagune de Faro pour aller mouiller juste devant la ville près de l’îlot Margalha Franquia en compagnie d’une vingtaine d’autres bateaux ( dont la majorité étaient sur bouées),  de milliers d’oiseaux ( dont des cigognes) , et des avions atterrissant sur l’aérodrome international tout proche. L’entrée de la lagune demande une attention particulière: forts courants, tourbillons, engins de pêche notamment puis les chenaux sont balisés . 
Ce matin, après une nuit tranquille, j’ai pris un bon contact avec la belle ville historique de Faro, ses remparts, ses ruelles pavées, ses superbes vieilles bâtisses rénovées et à rénover, les nids de cigognes dans le clocher de l’église et bien d’autres édifices, ses terrasses adorables , son calme d’après-saison touristique …

Lundi 12 septembre.

Claudie m’a rejoint le vendredi 9 au matin  pour 3 semaines et je l’ai accueillie à Faro, avec ma petite annexe,  au ponton à essence du petit port de Doca de Recreia, accessible en passant sous le pont ferroviaire fixe , d’un tirant d’air de 1 mètre ( si, si un mètre)  à marée haute!





                                  Eaux paisibles pour l'accueil devant Faro

Après la visite de la ville et une réservation au chantier Nave Pegos pour mettre Java au sec cet hiver pendant 4 mois, nous avons quitté notre mouillage proche de la balise N° 22 pour nous diriger vers l’île de Culatra  où nous avons ancré près la « marina » pour les bateaux de pêche locaux de Ponta Cais , toute proche du village. 
Culatra est une île magnifique de singularité, de caractère, d’originalité . En y mettant les pieds, le monde change, les repères s’évanouissent ,  les yeux  voient l’improbable, le non-imaginable, le non-inventable … L’île très basse ( Sein serait presque montagneuse) n’est qu’une vaste dune de sable qui sépare la lagune de la mer et abrite environ 1000 habitants sur 2 villages ,  l’un près du  phare et l’original au milieu de l’île. Des petits chemins de sable rectilignes avec au milieu une bande bétonnée de 1 mètre de large  relient entre elles les maisons plus ou moins décalées, basses, coquettes et colorées toutes regroupées  prés du port, construites sur du sable. 




                                                     L’autoroute du village

Les habitants mettent beaucoup d’énergie pour assurer la survie de quelques arbres fruitiers, plantes et fleurs dans  leurs « jardins de sable ». Le pire ou le plus étonnant est qu’ils y réussissent sous forme miniature : pommiers, vignes, manguiers, citronniers, orangers, … diverses cactées, bougainvilliers, lauriers roses… Les façades sont souvent peintes et les entourages de fenêtre soulignés ou bien couvertes de mosaïques de toutes couleurs. Pas un seul immeuble ne perturbe cet agencement. 




                                                   Belle maison typique.

 Bien entendu, les voitures, cyclomoteurs … sont absents. Seuls quelques tracteurs plutôt discrets permettent de transporter quelques matériaux en roulant dans le sable. Je revis mon enfance avec les vieux tracteurs « Massey-Ferguson » 155, 165 … de plus de 40 ans, la plupart encore en fonction, usagers certes,  quelque peu rouillés …mais encore vaillants
Les commerces sont assez nombreux, sans marchands de souvenirs:  quelques épiceries, plus de bars et de restaurants, une pâtisserie artisanale comme vous n’avez jamais vue, une banque « crédit agricole » …
Le port et les rivages autour du village sont étonnants et cultivent un insolite surprenant dans un désordre indescriptible mais cependant structuré et fonctionnel… et actif. Ca pêche vraiment avec des petits bateaux , surtout avec des filets, me semble t-il. Un petit parfum africain se promène en ce lieu. De multiples petites cabanons de pêche s’alignent dans le sable près du port et le long du rivage. L’environnement est bordélique au possible, pas franchement propre mais pas franchement sale non plus. C’est particulier: bateaux cassés ou pourris, bateaux au repos sur le sable ou juchés sur des bers,  filets de pêche de toutes couleurs, de tous maillages, entassés sur le sable ou dans des gros containers en plastique, détritus de toutes sortes mais pas franchement de pourriture ou de mauvaises odeurs. Au contraire, cette île sent bon la mer, le sable, la bouffe, le temps qui s’effiloche… Mais P… quel B… De l’insolite à plein nez. J’adore.










                                                   Fouillis organisé.

Le soir venu, les capacités d’hébergement étant réduites, les habitants se retrouvent à nouveau entre eux. Le week-end était animé avec de nombreux « continentaux » portugais venus se détendre ou s’encanailler  ou retrouver leurs familles. S’y mêlent sans doute également quelques  touristes et quelques équipages de la cinquantaine de voiliers mouillés autour du port, avec une soirée festive au terrain de sport au son de la musique portugaise d’un orchestre. Tous les âges y étaient représentés, tard dans la nuit. 
Cette île, sortie de l’improbable,  présente une sérénité vivante allant des cris et courses des enfants,  aux démarches plus incertaines des vieillards  en passant par les activités de tous les âges … Claudie et moi nous y sentons bien et avons commencés à nous y balader sur les petits chemins bétonnés du bourg , dans le sable ou sur les grèves. L’approvisionnement est facile. Nous y trouvons de tout, même des crustacés et poissons frais. Seule l’eau, bien précieux sur l’île, semble difficile à obtenir mais nous irons faire le plein  juste en face à 2 miles, à la marina de Olhao.


Jeudi 15 septembre,

Hier, nous nous sommes rendus au cabo de Santa Maria à l’extrémité est de l’île de Culatra , à pied,  moitié sur la plage, moitié par  les chemins ensablés. Nous nous croyions presque dans un  désert de petits monticules de sable en partie couverts par des plantes dont il ne reste que feuilles,   tiges et fleurs grillées ( le lieu doit être magnifique à la floraison).  
Un village de maisons basses s’est construit  autour du phare. Les maisons et  centres de vacances plutôt discrets sont  propres, coquets,  fleuris, toujours sans véhicule à moteur, en bordure de grandes plages . La saison touristique était finie mais il en restait encore un petit peu l’odeur et les saveurs avec du rabattage près d’un restaurant ,  avec le jus d’orange pressé à 4 euros ou le mojito à 6 , deux fois plus cher qu’à Culatra à 4 kms de là ! ( à chacun ses repères). 
A Culatra, nous laissons l’annexe à l’intérieur du ponton extérieur ( endroit prévu pour les « visitantes »). Les petits bateaux de pêche y sont très nombreux et remplissent le port toujours très actif. Les vies des professionnels et des touristes ou visiteurs s’imbriquent sans heurt. Un pêcheur ne voulait même pas nous faire payer le poisson que nous lui avions demandé!!! Nous lui avons laissé 4 euros et il nous a donné un autre poisson! Malgré la barrière de la langue, les gens sont globalement accueillants et attentifs, veulent faire plaisir. Personnellement pendant ces trois jours, je n’ai jamais entendu d’élévation de voix ou d’engueulade ni  les enfant être grondés.



                                       Au milieu de l’île, en plein désert.


Cet après-midi, nous avons gagné le port d’Olhao à 2 ou 3 milles de Culatra. Le chenal qui y mène est plutôt étroit et tordu mais bien balisé. Les places pour les visiteurs sont comptées et sans commodités ( pas de douche, ni eau, ni électricité). Nous avons préféré mouiller en solitaire devant le marché couvert par 3.5 mètres d’eau.  Comme d’habitude, le vent  quasiment absent ce matin s’est levé brusquement vers les 13 heures et a soufflé à 15-20 noeuds jusqu’à 18 heures. Ce système des brises côtières est bien présent en été en Algarve avec un vent pouvant atteindre 25-30 noeuds: c’est on ou off, c’est trop ou pas assez! Pas facile ni pratique.


Vendredi 16 septembre, Ollhao,

Cinq heures du matin, tout va bien. Au mouillage, Java se balance mollement devant les bâtiments du marché couvert de Ollhao. Le ciel est clair et étoilé. La lune est pleine et descend à l’ouest.  Le vent est à peine perceptible. Dans un air à 20° environ, je ressens une petite humidité. Le reflux est engagé.  Les eaux plates, parfois ondulantes,  de la lagune  reflètent les lumières des quais encore déserts et caressent la côte avec un léger  flip-flop . Là-bas derrière, les lumières orangées de Culatra  sont toutes rassemblées et blotties entre elles. Les feux des diverses bouées latérales clignotent en rouge ou en vert. Le phare du cabo Santa Maria balancent ses 4 éclats toutes les 20 secondes. Quelques rares voitures passent le long des quais. Quelques goélands braillent. Quelques échassiers volent en criant.
J’écris tranquillement sur la table du cockpit, une tasse de café chaud à portée de la main. Le plan d’eau s’anime progressivement. Quelques bateaux de pêche de 12-20 mètres  d’où s’échappent quelques sons de voix, ronronnent ou pétaradent  en sortant du port, tous feux allumés et semblent glisser sur cette surface plane, sans ride. D’autres plus petits quittent la marina toute proche, certains à pleine vitesse, avec ou sans feux de navigation. Leurs vagues d’étrave viennent bousculer Java et la petite annexe accrochée à la poupe. Un cycliste longe le jardin public.  Dans ce silence relatif, chaque bruit est caractéristique et identifié. Peu à peu, comme dans un orchestre, les sons s’entremêlent et forment un tout. Toujours aussi lentement, le même cycliste passe et repasse. 
En fait, nous sommes mouillés à un endroit devenu interdit depuis fin août 2016! Java trône tout seul. C’était surprenant, trop bien. Hier, j’avais décidé de ne pas bouger. Personne n’est venu nous signaler cette interdiction que j’ai lue sur une petite note écrite en portugais  et affichée à plusieurs endroits du port. Rien n’est réellement prévu pour les plaisanciers visiteurs mais ce matin  je vais accoster  à la marina privé où il semble rester quelques rares places  sur le ponton extérieur.  
Peu à peu, la vie reprend son cours sur les quais, le marché couvert s’allume. Quelques camions de livraisons arrivent, des bruits de déplacements d’objets divers se multiplient. Un avion, au feux fixes blancs et  clignotants,  vert à droite  et rouge à gauche ,  s’apprête à atterrir sur Faro. La mer descend. Je devine un banc de sable qui se découvre. Quelques petits poissons paraissent jouer à la surface ou parfois même  sortent bruyamment de l’eau. 
J’assiste à la nouvelle journée qui commence,  à cette sortie de la nuit, à toute cette activité qui s’ébranle. Tout est encore paisible, ouaté , feutré mais plus pour longtemps.  Un petit vent de sud un peu frisquet se lève. Je m’en vais dans la chaleur de la cabine 

Hier soir, dans une ambiance intimiste, au calme  et à l’extérieur, le petit restaurant «  O Galo » situé près du marché couvert, au coin de ruelles pavées et piétonnières, nous a régalé avec un excellent  plat local  dénommé « cataplana  » mélange superbement épicé de fruits de mer, de poissons, de divers légumes ( cuits dans une cocotte en cuivre ),  accompagné d’un mélange de riz noir et de raisins secs: réellement succulent et original ( En réalité, la «  cataplana »  s’adapte à beaucoup de fantaisies…).
En arrivant,  nous avions déambulé dans les multiples et anarchiques ruelles piétonnes aux petits pavés  de la vieille ville.  Mon guide de navigation  âgé de 4 ans mentionnait un Olhao peu touristique. Et bien, l’évolution a dû être rapide. Les rénovations des maisons sont nombreuses, plutôt sobres et bien réalisées,  les commerces, restaurants et bars, pour touristes surtout, se touchent. Certains pays et régions  doivent bénéficier énormément des conséquences des différents évènements relatifs aux changements politiques des pays du sud et de l’est de la méditerranée. La chaude et belle Algarve  en fait partie et ça semble aller très vite. 

Sept heures et demi, le soleil se lève. Ses rayons envahissent la cabine encore fraiche et la lumière rasante embellit la nature avec  des tons rosés qui tapissent la surface ondoyante de l’eau . La mer est presque basse. La vie a repris son cours. Les bruits se combinent. Le marché est ouvert, les voitures roulent, j’entends parler, les bateaux passent . Les bancs de sable et de vase sont découverts. Les  oiseaux ,  limicoles notamment, petit-déjeunent. Les silhouettes des aigrettes,des hérons et quelques cigognes s’y détachent. Les pêcheurs à pied s’activent déjà. Seuls de nombreux goélands, toujours aussi fainéants, stationnent ici et là ou volent en gueulant. Et une nouvelle journée commence.  


L’Algarve est belle mais en voilier elle se mérite . Y arriver est relativement aisé mais en repartir en remontant les côtes ouest portugaise et galiciennes est plus délicat, dans un vent majoritairement contraire  et souvent assez fort. Il est donc plus facile de se diriger vers la méditerranée toute proche ou de poursuivre la route vers le sud ou sud ouest. 

Dimanche 18 septembre,

6h30 du matin, la lune n’est pas couchée et le soleil pas levé. Java est au mouillage dans la lagune à un bon kilomètre du port de Culatra à distance des bruits de la fiesta des pêcheurs de hier et de sa musique forte et tardive ( l’intensité du son augmente démesurément avec les heures qui passent). 

Nous avons passé deux journées  dans la magnifique ville de Olhao ( 45 000 habitants environ). Un vent nouveau souffle sur la  ville entière avec de multiples  rénovations réalisées  ( semblant de qualité) et  en cours ( à la vitesses grand V). La vieille ville avec ses nombreuses ruelles pavées et piétonnes est animée mais reposante à cette période.  Le front de mer avec ses deux gros marchés couverts, ses terrasses, son jardin public ombragé, sa longue promenade piétonne est très vivant. Malgré l’absence de plage toute proche, les étrangers et notamment des français achètent maisons et appartements en masse. En 2 ou 3 ans, les prix de l’immobilier ont flambé.
Hier midi, nous avons mangé au « Vai e Volta » sur une petite place juste à la limite de la vieille ville. La principe est original, simple, excellent et efficace. Le service d’une trentaine de couverts s’étend de 12 à 15 heures ( pas de service le soir),  sans réservation avec une formule unique: olives avec une petite sauce en amuse-gueule puis que des poissons frais grillés accompagnés d’une salade variée de tomates, de pommes de terre et de patates douces à l’eau, d’une mixture régionale à base de pain. Tout est excellent, servi à table avec gentillesse et sourires, et …. à volonté. Les serveurs passent et repassent avec leur plateau de poissons grillés tous chauds, vous en proposent et vous servent jusqu’à plus faim en s’étonnant que votre estomac ait un fond: le tout pour 10 euros plus les boissons à prix légers. La formule attire les foules. A 12 heures 01, le restaurant affiche complet et de nombreuses personnes  attendent tranquillement leur tour sur la place.  






                                                  Belles rues d'Olhao

En fait, Java n’a pas bougé de son mouillage devant le marché couvert. Hier, en fin d’après-midi, nous avons rejoint Culatra,  déambulé une nouvelle fois avec plaisir dans les ruelles ensablées. La fiesta des pêcheurs, commencée en début d’après-midi avait été bien arrosée et les Portugais parlaient plus forts que d’habitude. 

Aujourd’hui, cap sur la lagune de Tavira.   

Mardi 20 septembre,

Nous sommes arrivés dans la rivière de Tavira en fin de marée montante samedi vers 16 heures après une navigation à spectacle , 1/3 à la voile et  2/3 au moteur, sous le soleil et sur une mer d’huile. Un maquereau a mordu à la ligne de traine et passera à la marinade. Un gros poisson lune ( je pense, d’ environ 1.20 mètre de long) est venu se frotter à Java et à l’annexe. Nous le croyions mort ou malade mais il est ensuite reparti vers les fonds tranquillement en nageant! Quelques gros dauphins sont passés à 100 mètres en soufflant. Plus tard, dans un autre groupe, quelques dauphins ( quelle espèce? ) bondissaient hors de l’eau à des mètres de hauteur puis replongeaient brutalement. 




                                      Poisson-lune ( Bébert, confirmes-tu?).

Il n’existe qu’une toute petite marina privé pour petites embarcations dans la rivière où il est devenu difficile de mouiller sans gêner. Apparemment ici, chacun fait ce qu’il veut et aucune autorisation n’est nécessaire pour installer des corps morts  ( inutilisés ou utilisés très temporairement ) qui occupent toute une zone qui était accessible au  mouillage pour les bateaux visiteurs. J’ai donc mouillé un peu à l’intérieur du chenal qui part de Quatro Aguas vers l’ouest en direction de Santa Luzia, derrière un RM 10.50. Seuls 4 ou 5 voiliers visiteurs étaient présents.  
Ensuite, il est possible de laisser son annexe sur la cale près de l’ancien abri du canot de sauvetage ou au petit ponton du Clube Nautico ou éventuellement en ville à marée haute. Rien n’est franchement prévu pour accueillir les plaisanciers visiteurs ( idem pour  Santa Luzia) et aucun souhait n’est ressenti.
Malgré un abord touristique réel ( avec malheureusement le classique rabattage  que je hais, notamment devant les restaurants) , Tavira reste une belle ville avec les ruines paysagées de  son ancien château-fort, ses vieux quartiers,  ses ruelles pavées bordées de maisons typiques aux façades souvent faïencées, aux balcons en fer forgé, ses escaliers, ses espaces paysagers, ses anciens ponts surplombant la rivière ( presqu’à sec à marée basse), les rives actives ( activités pêche, passager  et tourisme).
Les marais salants sont toujours exploités, de façon industrielle et mécanisée pour le sel non culinaire ( salage des routes …) et de manière manuelle et artisanale pour le sel alimentaire. Dans cet environnement de lagunes, les oiseaux prolifèrent et le spectacle est permanent: barges à queue noire, huitriers pie,   bécasseaux variables, tourne-pierres, spatules, échasses blanches, avocettes, flamands roses, cigognes blanches ……..





                                               Du sel en veux-tu, en voilà!

Hier soir, nous avons  remontés la rivière en annexe sur 3 kms environ jusqu’à Santa Luzia  ( l’aller à la rame avec un  courant  favorable de 2 bons noeuds). Il est facile de laisser l’annexe sur le sable au fond du port de pêche sans gêner. Le front de mer est agréable et assez vivant. La vieille ville, sans relief, offre un habitat typique où les rénovations et ventes de maisons vont bon train. Mais l’ambiance y est plutôt triste avec visiblement un immobilier acheté par des étrangers qui ne vivent ici que quelques semaines ou mois par an. L’authenticité s’en va.  


Jeudi 22 septembre, Gueirreiros Do Rio,

Aujourd’hui, l’automne impose sa marque sur le calendrier. Nous sommes au mouillage devant le village de Gueirreiros Do Rio sur le fleuve Guadiana à 15 milles environ de son embouchure. Au lever, l’air est frais et le vent du nord modéré accentue cette sensation de fraicheur. 
Hier après des emplettes au mercado municipal  et une dernière ballade le long des marais salants toujours autant garnis d’oiseaux, nous avons quitté la rivière de Tavira à marée basse pour le fleuve Guadiana qui sépare, sur ses premiers 25 milles, le Portugal de l’Espagne. Pour une fois, nous avons navigué à la voile ( et non au moteur)  par beau temps, mer belle et vent de sud de 10 noeuds.  Les plages monopolisent une  côte agréable à l’oeil sur fond de petites montagnes. En dehors des hauts immeubles hideux de Monte Gordo à 2 milles à l’ouest de l’entrée du fleuve, l’habitat est globalement discret. Mieux vaut attendre la mi-marée montante pour  s’engager dans l’estuaire où l’entrée bien balisée est étroite et peu profonde, et délicate à la moindre houle. 
Le fleuve s’écoule sur sur 830 kilomètres mais navigable uniquement sur 25 milles ( largeur minimale 100 mètres) jusqu’à Pomarao ( sur 35 milles avant, jusqu’à Mertola: des bancs de sable  et des rochers barrent le cours d’eau). Sur le Guadiana, le traffic fluvial a été important pendant  plus de deux millénaires en étant sur la route commerciale de la Méditerranée  et de l’Atlantique: commerce  d’or, d’argent, de cuivre, de blé, de cuir, d’huile, de miel, de sel, de poissons, de café, de tabac … La contrebande y était bien installée jusqu’à récemment. Des villas et vestiges romains y ont été découverts.
 La remontée du fleuve à la voile et vent arrière avec deux noeuds de courant favorable est tranquille. Après le pont suspendu au nord d’Ayamote, l’habitat est épars. Beaucoup de maisons, de petits corps de ferme sont abandonnés ou à vendre, tant du côté espagnol que portugais. Quelques rares et belles propriétés sortent du lot. De chaque côté du large chenal bien balisé ( avec feux allumés la nuit), les mouillages possibles sont innombrables le long des rives bordées de collines, de vergers, de roseraies.

Vendredi 23 septembre,

Hier, dans la soirée, nous sommes remontés de Guerreiros à Pomarao, prudemment après Alcoutim, dans un chenal plus étroit et non balisé. Sur ces 12-15 milles , nous avons croisés une petite cinquantaine de voiliers mouillés de ci de là , la plupart inoccupés. Les collines ont un aspect méditerranéen avec les vergers de figuiers de barbarie, de figuiers, d’oliviers, d’agrumes divers, de vignes…Nous y avons vu des pies bleues et des poissons « sauteurs ». Pour éviter la zone de l’ancienne jetée de chargement de minerais, aux fonds malsains,  nous avons mouillé en assurant avec un orin ( que j’utilise exceptionnellement) à 500 mètres après Pomarao,  par 3 mètres d’eau ( Java était le seul voilier au mouillage) . 






                         Pomarao aux derniers rayons du soleil couchant.

Le bar-restaurant  Café Do Pais tout près des deux pontons nous a ensuite  accueilli chaleureusement pour un apéritif bien mérité, à l’abri du vent sur la terrasse qui domine le fleuve. Nous avons le lendemain bien mangé, pour pas cher,  dans le deuxième café-restaurant du village  « Chez Maria » près du pont et du barrage. Maria est seule aux commandes de son petit établissement et s’occupe de tout.  
Pomarao, environ 40 habitants à l’année, est un superbe petit village  à flanc de coteaux. Les coquettes petites maisons plein pied sont alignées en rang d’oignons sur quelques rangées, orientées plein sud. Malheureusement, c’est un village en difficultés, sans potentiel d’emploi, de plus en plus délaissé, avec des maisons occupées à la belle saison ou à vendre ou à l’abandon.

Dimanche 25 septembre,

Java est amarré au ponton aval d’Alcoutim sur le Guadiana.  Le petit bourg de 900 habitants est mignon, avec ses ruelles pavées, son vieux château aménagé, son petit port humainement vivant (  La Belle de Cadiz , bateau de croisière de 150 mètres avec seulement deux ponts ,s’y est amarrée ce matin. Cet après-midi, ce fut le tour d’un autre petit et antique  bateau de croisière fluviale  «  le Péninsular ». Tout le petit monde monte à la ville pour une heure ou deux. De l’autre côté du fleuve, côté espagnol, le Château de « San Marcos », récemment rénové et tout blanc crème,   domine la ville de Sanlucar et les environs. Nous l’avons visité ce matin.
Alcoutim a sa plage fluviale agréablement aménagée ( parasols, douches, toilettes, bar, restaurant) sur une petite rivière qui débouche sur le Guadiana:  baignade dans une eau plutôt propre à 22 degrés environ.  A distance de la côte et de la saison touristique, le séjour est reposant, tranquille sous un ciel lumineux avec 30 degrés dehors et autant dans le carré. 




                          Derrière mon chapeau, Sanlucar , l'Espagne 
                    et de l’autre côté du Guadiana, Alcoutim, le Portugal.


Mardi 27 septembre, 

Hier, nous avons visité Vila Real de Santo Antonio à l’embouchure portugaise du Guadiana. En 1755, la ville avait été détruite par un violent tremblement de terre et un raz de marée qui touchèrent l’Algarve ainsi que Lisbonne. Elle fut reconstruite au  XVIII ème siècle  comme un damier avec des rues toutes rectilignes qui se coupent à angle droit. L’ensemble est harmonieux mais n’a plus le charme des vielles ruelles tortueuses comme visibles dans beaucoup de vieilles villes du Portugal.  




                                               Coucher de soleil sur Vila Real

Au ponton d’Alcoutim, nous nous réveillons chaque matin avec les bêlements des moutons et le cancanement  des canards, voire le frou frou de l’eau sur la coque . La vie est paisible mais aujourd’hui, tout comme hier, il fait très chaud , plus de 35° dehors  à 16 heures et 34° dans le carré!!! Pour des bretons, l’heure n’est pas à la ballade pédestre mais plus à la petite bière bien fraiche.  Alcoutim nous a beaucoup plu.

Samedi 1er octobre, Vila Réal.

Ces derniers jours ont passé bien vite. Mercredi, nous avons redescendu le fleuve Guadiana jusqu’à la marina d’Ayamonte. Nous avons visité ce port de pêche et  ville touristique andalouse avec plaisir. 
Le lendemain nous avons gagné la marina de Vila Real où Java restera 3 nuitées.
Hier, nous avons pris le train pour Faro. Seul le front de mer est touristique. Rapidement, l’intérieur est avant tout agricole avec de nombreux vergers d’agrumes notamment et d’élevage extensif.

Ce matin, Claudie est repartie pour la Bretagne. 






                                       
                                     Java au mouillage toujours aussi docile