samedi 3 décembre 2016

Descente de l'Algarve sur les Canaries.

Descente de l’Algarve sur les Canaries. 

Dimanche 2 octobre 2016,

Contrairement à la marina espagnole au moins au 3/4 vide de Ayamonte, celle portugaise de Vila Real est presque remplie! Mais pourquoi donc? Ayamonte est une belle ville vivante, animée,  avec des beaux jardins et belles places, aux ruelles tordues bordées de maisons anciennes. La marina d’Ayamonte proche de la ville est plus facile d’accès, ne pose pas de problème de courants traversiers, et propose des tarifs quasi-identiques ( 23 euros la nuit contre 21 à Vila Real).
Vila Real est à mon avis plus fade,  moins charmante, plus cartésienne avec ses rues rectilignes se croisant à angle droit, moins surprenante, plus plate. De plus , la marina est sujette à de puissants courants traversiers et les accidents matériels sont assez nombreux lors des arrivées et des départs des bateaux visiteurs surtout. Il est important d’y arriver le plus possible à l’étale de basse ou haute mer pour s’y amarrer sereinement. Les espaces limités entre les pontons n’arrangent rien. 

J’ai fait le plein de fuel, d’eau, de liquides divers, de bouffes …
Ce matin, au réveil à 6h30, l’air est frais dans ce petit vent de nord et un ciel clair. J’ai prévu d’appareiller  à 8 heures pour les îles Canaries avec comme point de chute l’île de La Graciosa située à l’extrémité nord-est de l’archipel, à environ 580 milles. Les prévisions météorologiques sont correctes et me permettent d’espérer une navigation en 5 à 7 jours (des vents faibles sont également prévus, surtout à l’arrivée). 
Dès la sortie du chenal, pendant 2 heures, le vent de nord-ouest souffle à 25 noeuds. Sous le vent de la côte, Java navigue sur une mer peu agitée sous trinquette au 2/3 et Grand Voile au 1/3. 
Vers 10 heures, le vent vire nord nord-est en faiblissant à 7 ou 8 noeuds. Grand voile et GSE sont en ciseaux, complètement déroulés. J’avance à 3 noeuds. 
Vers 12 heures, le vent disparait et je mets le moteur pendant 4 heures.  Cet après midi, j’ai vu des centaines de dauphins. Les groupes se succédaient sans arrêt  mais peu se sont amusés avec l’étrave de Java. Je n’en ai jamais vu autant. L’eau bouillonnait. Certains sautaient hors de l’eau de 2 ou 3 mètres. Quelques retardataires semblaient à "la bourre". Les oiseaux de mer animaient le ciel. Notamment les fous de Bassan étaient en pêche avec des plongeons  extraordinaires. 

Vers 13 heures, une mouche vole dans la cabine et puis encore une autre et encore une autre. Mais d’où sortent-elles? Je ai toutes écrasées les unes après les autres: une hécatombe! 
A 14 heures, deux gros cargos sont en vue et sans que je reçoive leurs signaux AIS sur mon écran GPS. Bizarre!  Le problème serait-il chez moi? Probablement. Avec un logiciel téléchargé sur mon ordinateur, je vérifie les paramètres de mon AIS-transpondeur. Tout va bien!  Puis je vérifie les paramètres de mon GPS. Mon numéro MMSI ( numéro spécifique à chaque bateau et délivré par l’agence nationale des fréquences) n’y est plus notifié. Il a fait pschitt! Pénible l’informatique. Je le réinscris. Ca fonctionne. 
A 16 heures, je pêche un petit thon germon de 2 bons kgs: protéines  assurées pour 3 jours. 






                                       Pas sympa avec les poissons.

A 16h15, le silence revient. J’ai arrêté le moteur et remis les voiles en entier. Je suis au près par un vent d’ouest ( brise de mer) d’une dizaine de noeuds. 
A 18 heures, je découpe le thon et hop, au frigo.
A 21 heures, le vent a forci à 15 noeuds, toujours d’ouest. Le traffic maritime se densifie sérieusement. 

Lundi 3 octobre.

A 4 heures du matin, le vent tombe et je mets le moteur pour 2 heures.
A 6 heures, je remets les voiles en entier: vent de nord nord-ouest de 7-8 noeuds.
A 8 heures, je suis assez fatigué, mal reposé. Depuis hier soir, le traffic maritime est très intense ( quasiment comme dans le rail d’Ouessant mais en pire puisqu’il n’y a pas de rail donc pas de route précise et que je suis à la sortie  ou à l'entrée de « l’entonnoir »).  J’ai dû veiller en permanence. Ce sont les bateaux qui entrent ou qui sortent  de la Méditerranée.  J’en ai vu une bonne quarantaine à moins de 5 milles et 5 ou 6 sont passés à moins de 1 mille: des cargos, des bateaux à passagers, des tankers, ….. et entre autres un voilier de 100 mètres et un bateau à moteur de loisirs de 110 mètres de longueur.  En réalité, je n’ai vu que leurs feux de navigation et les cibles sur l’écran GPS. J’ai difficilement  réussi à sommeiller par tranches de 10-15 minutes, le minuteur de l’i-phone  me servant d’alarme de réveil ( très bien).

Java a parcouru 108 milles en 24 heures avec le pilote électrique aux commandes. 

A 9 heures, le temps est beau, la mer belle à peu agitée et Java avance tranquillement à 3-4 noeuds
De 10 heures à 19 heures, je suis sous spi dans des conditions idéales. Aujourd’hui, la mer est presque déserte: rares bateaux, pas de dauphins , rares oiseaux. La VHF reste silencieuse.






                           Sous spi, même par petit temps, ça avance.


19 h 30, la nuit approche, le vent forcit. J’abats le spi et je déroule le GSE seul  au grand largue dans un vent nord de 15 noeuds. 

Mardi 4 octobre.

Vers minuit, le vent de nord nord-est a forci à 20-25 noeuds. J’ai mis Georgette au boulot. 
La mer est toujours aussi vide de bateaux. J’ai « dormi » par tranches de 20 minutes avec l’alarme de l’AIS en route ( comme toujours en fait). 
A 9 heures, le ciel est voilé, le vent nord nord-est  souffle en plein dans le cul. La mer est agitée avec une houle de 2-3 mètres.

Java a parcouru 108 milles en 24 heures.

Puis pendant quelques heures, la mer est devenue forte ( creux de 3 ou 4 mètres) avant de se calmer à nouveau alors que le vent était resté stable! Le confort à bord devient relatif et mes mouvements sont calculés. 

Jeudi 6 octobre

10 heures et je suis reposé. J’ai bien récupéré la nuit passée.
Personnellement, sur un voilier de la taille de Java, la navigation en solitaire ne me pose pas de problème particulier pour la conduite du bateau. J’ai essayé de l’adapter au mieux et je m’adapte au mieux. Les petites astuces se multiplient et se complètent pour me faciliter la vie. 
Pour moi, la grosse difficulté de la navigation en solitaire est la gestion du sommeil et de la veille, et de l’équilibre entre les deux. Sur cette navigation de 5 ou 6 jours entre l’Algarve et les îles Canaries de l’est, j’ai éprouvé des difficultés à trouver cet équilibre. Jusqu’à ce matin, je me suis un peu trainé et j’ai passé mon temps à me ménager, sans avoir  envie de lire, d’écrire,de rêver, d’observer la mer…  Pourquoi donc?
  * Je ne me suis pas réellement reposé  lors ma première nuit de navigation où le traffic a été très, très dense!
* La relative proximité de la côte ( 100  à 150 milles environ) m’a empêché d’être serein dans mes récupérations et petites siestes. Ma crainte permanente provenait de la possible présence ou non de bateaux de pêche . Quelle était la règlementation en vigueur? Etait-elle suivie ? En clair, pouvait-il y avoir des bateaux en pêche avec peu ou pas de signalisation, surtout la nuit?  Ont-ils un AIS- transpondeur? Si oui l’utilisent-ils? Il existe également quelques zones d’exercice militaire…Pour un solitaire, la navigation côtière est terriblement éprouvante et je préfère être peinard à grande distance des côtes. 
Pendant cette croisière, la lune étant très petite et souvent cachée, les nuits étaient  noires. Seules les étoiles tapissaient majestueusement le ciel. J’ai à peine eu le temps de le remarquer. 
Seule la nuit passée, j’ai réussi à m’offrir des épisodes de réel sommeil. Et ça change tout. J’ai envie à nouveau de m’occuper. Je ne m’oblige plus.

Que s’est-il passé depuis mardi?
En mer, quasiment rien! Pas de dauphin, rares oiseaux, rares bateaux ( 5 ou 6 bateaux à moins de 10 milles dont un voilier de 21 mètres qui est passé sous grand-voile seule à 3 milles sur mon tribord hier soir). La mer était quasiment déserte et la VHF silencieuse. J’avais une impression bizarre d’être loin de tout et cependant proche de tout en même temps. J’avais la sensation qu’à tout moment une grosse activité maritime pouvait venir remplacer ce calme avec toujours cette interrogation de ne pas assez surveiller couplée à une lassitude de trop surveiller. Ambigu!

Le mardi  soir, à 19 heures, j’ai pris un premier ris dans le GSE et je l’ai tangonné. 
Vers 23 heures, le vent a continué à forcir jusqu’à 25 bons noeuds et j’ai pris un 2 ème ris dans le GSE.  Au vent arrière, la nuit a été assez pénible dans une mer forte et les mouvements désordonnés de Java. Toujours dans le doute de ne pas assez veiller, mes tranches de sommeil n’ont pas été efficaces.
On limite souvent les mouvements d’un voilier au roulis et au tangage. La réalité est bien plus complexe. Quand la mer est formée et que le voilier avance assez vite, il se surajoute un autre mouvement encore plus pénible ( A t-il un nom? S’agit-il d’une agitation anarchique  de l’eau  sous sa surface? ). Il s’agit de petits mouvements vifs, incessants, rapides, brutaux, , décalés ,   difficilement gérables  autrement qu’assis ou allongé. C’est comme       «dans une machine à laver le linge » disent souvent les navigateurs en courses. J’imagine qu’un train qui roulerait rapidement sur des rails parallèles mais décalés et tordus en permanence pourrait donner ce même style de sensation. Quand la mer devient agitée et que le bateau avance fort,  qui plus est proche du vent arrière, ces mouvements conditionnent la vie à bord, demandent beaucoup de patience, de concentration  et d’adaptation, bouffent beaucoup d’énergie. Je comprends que certaines personnes ne puissent pas  tolérer cette situation, sans même parler du mal de mer toujours aux aguets. 


Durant ces quelques journées, j’ai dû gérer l’alternance de Georgette et du pilote électrique de secours ( Raymarine ST 2000 trop juste pour le poids du bateau; le vérin de mon pilote principal est en panne). Le pilote actuel fait son boulot jusqu’à 15 noeuds environ en fonction de l’état de la mer mais est vite dépassé. Avant 15 noeuds de vent apparent, Georgette est un peu léthargique et Java fait des embardées. Malgré tout, je ne barre jamais en mer et heureusement. Je pense toujours aux premiers navigateurs solitaires à la voile,  sans pilote, sans enrouleur de voile, sans GPS, sans …, sans …, en fait avec pas grand chose mais qui réalisaient de superbes navigations et de véritables exploits. Et même si aujourd’hui, la navigation reste une activité exigeante et prenante, elle est devenue une activité de privilégiés. Par contre les outils  de navigation, les différents matériels électriques, informatiques … très sollicités en milieu marin,  sont devenus tellement nombreux qu’il est devenu indispensable d’avoir un minimum de connaissance de bricolage dans un maximum de domaines pour éviter de rester bloquer au port pour des soucis itératifs de diverses pannes. En  l‘espace d’une génération, les voiliers de voyages ont pris en moyenne au moins 2 mètres de long en plus  (et parfois beaucoup plus encore) avec souvent de multiples accessoires: chauffage, chauffe-eau, groupe électrogène portable ou le plus souvent fixe, dessalinisateur, machine à laver la vaisselle,  le linge ( à sécher le linge?), le réfrigérateur bien sûr mais aussi  le congélateur … les enrouleurs de voiles électriques, les barres hydrauliques, les propulseurs d’étrave … et plein d’autres choses encore que je ne connais pas et que je ne peux sans doute même pas imaginer quand je vois parfois « naviguer » et souvent  « stationner » dans les ports des luxueux bateaux de plaisance à voile ou à moteur de plus 100 pieds…

Le mercredi à 9 heures, Java a accompli 123 milles en 34 heures. 

Je ne suis pas toujours reposé et je vais passer ma journée de ma bannette à la veille  et à la conduite du bateau, à la bouffe , juste à assurer un minimun  syndical . 
A 12h30, j’ai empanné, et tangonné le GSE bâbord amure dans un vent de 20 noeuds toujours arrière. 
A 17h30, le vent de nord nord-est à 10 noeuds énerve Georgette qui batifole. Je mets le pilote.
A 18 heures, je vois mon premier bateau du jour à l’AIS. Il s’agit d’un voilier de 21 mètres de longueur, sous grand-voile seule et croisant à 7 ou 8 noeuds ( s’aide t-il du moteur?) passant à 3 milles sur mon tribord et suivant sensiblement le même cap que Java. 
A 19 heures, je remplace le pilote en panique par Georgette. 

J’ai toujours pris et  prends toujours un soin particulier pour garder l’intérieur de Java aussi sec que possible et globalement j’y réussi assez bien. En navigation, tous mes hublots et panneaux de ponts sont fermés. Au moindre doute, je mets en place la moitié ou la totalité du panneau de descente pour éviter l’intrusion de vagues trop curieuses.

A 23 heures, le vent a bien faibli. La mer reste agitée sans plus. J’ai remis le pilote au boulot.
Je viens de me coucher sur ma bannette, la lumière du carré encore allumée. Quand tout d’un coup, une vague vient s’écraser sur la coque de Java, côté bâbord,  dans un bruit énorme de fracas et de claque. Le bateau part brutalement à la gite et j’entends l’eau gicler sur le pont et le balayer mais surtout,… je vois au moins deux litres d’eau de mer  s’écouler par mon petit hublot resté en position aération … et aller se répandre  sur la banquette d’en face. Comme puis-je être aussi con? Pourquoi ai-je oublié de fermer COMPLETEMENT ce panneau ? Ce n’est pas bien grave. Mais d’où sortait-elle cette vague aussi virulente sur une mer aussi peu agressive? Bizarre. Incompréhensible.
Cette nuit-ci, j’ai décidé de me reposer vraiment. Tout était au vert: pas d’activité à la VHF, pas de bateau à l’AIS et petite vitesse dans un vent bien établi. Et je me suis effectivement requinqué.  Cependant, j’ai rêvé que je longeais des îles avec des bateaux de pêcheurs en pagaille, souvent sans feu dans une nuit épaisse. Je me disais pourtant dans ma tête que ce n’était pas possible , que là où j’étais, il n’y avait pas d’îles mais rien n’y faisait. Les mêmes images s’affichaient.  Je devenais « parano » avec ces bateaux sans signalement qui stationnaient juste devant l’étrave de Java. Mais il ne s’agissait pas d’un cauchemar mais d’un simple rêve presque controlé.

Ce jeudi à 6h30, je me réveille en pleine forme. Il fait encore nuit noire. Le vent est complètement tombé. J’enroule le GSE et mets le moteur. Il me reste encore 140 milles pour atteindre la Graciosa et j’ai décidé d’y arriver au plus tard pour demain soir pour éviter de passer une nouvelle nuit dehors près des côtes. Seul, je n’aime pas cela.
A 9h15, le jour s’est levé, le temps est nuageux et doux ( 24° dans la cabine ouverte). Le vent se rétablit et j’ai rétabli le GSE.

A 9 heures, Java a accompli 97 milles en 24 heures.

A 11h45, j’arrête le moteur et continue sous GSE seul. 
13 heures: l’heure du déjeuner approche. Je prends un porto  pour arroser le premier anniversaire de Léon. Ce midi, le menu affiché propose une salade  de tomates à huile d’olive et basilic sur une feuille de chicorée puis riz avec poivron rouge, oignon, ail, gingembre et rondelles de chorizo ( plat chaud tous les jours sauf impossibilité ou dangerosité de cuisiner) puis un petit flanc caramel au dessert, le tout agrémenté d’un petit rouge portugais.
15 heures, le déjeuner  s’est bien passé et tout va bien. Le vent est stable, le pilote sérieux aux commandes , le cap suivi et nous sommes dans les temps. 
Un avantage d’être seul en mer pendant plusieurs jours est de pouvoir gamberger profondément,  sans précipitation,  en étant certain de ne pas être interrompu et donc d’arriver à percevoir l’impossible sur la terre ferme , un peu comme un deuxième souffle pour les sportifs. Tu pénètres dans un endroit au-delà de la frontière terrestre par un chemin inaccessible puisque invisible au travers des préoccupations quotidiennes. Il ne s’agit pas d’ésotérisme mais d’une simple exploitation d’un temps indéfini. Ceux qui connaissent la voix de l’engoulevent d’Europe  ou le croassement du crapaud accoucheur comprendront plus facilement ( entendus «  facilement » par les initiés dans le Finistère et ailleurs mais à certains endroits et à certains moments). Certaines réalités ne se dévoilent qu’au bon endroit , qu’au bon moment et uniquement  à ceux qui savent.
A 18 heures, le vent a beaucoup faiblit et Java se traine et parfois je mets le moteur. 
22 heures, il fait encore chaud dans ce souffle léger. La mer est peu agitée, déserte.

Vendredi 7 octobre,

Une heure du matin: rien à faire, le vent est vraiment trop faible et je prends le parti de remettre le moteur, sans plus me poser de question,  jusqu’à l’arrivée si besoin. 
La nuit s’écoule tranquillement et je dors par tranches de 25 minutes. Pas de trafic maritime reçu.
8h30, le jour se lève dans un ciel nuageux avec toujours ce petit vent ( pourquoi ne dirait-on pas « venticule » ?)  inefficace. Un bateau de pêche navigue sans transpondeur. Les puffins m’accueillent en nombre. Les îles apparaissent droit devant.






                                     Graciosa et ses petits îlots apparaissent.



12h30, plutôt reposé, j’entre dans le port de « Caleta Del Sebo » à Isla Gracioza et accoste aux pontons.






Premier clin d'oeil de Graciosa.


22 heures, c’est la fête sur le port avec une bonne « musique live »  avec chanteurs professionnels et amateurs jusqu’à la moitié de la nuit, dans une ambiance bon-enfant. 

Dimanche 9 octobre 2016, La Graciosa

Ce matin, j’ai sorti mon « velodepoche » ( VDP) , histoire de le sortir de son coffre, de lui donner une bouffée d’oxygène et de le préparer à sa fonction. VDP était content. Je l’ai accompagné le long des pontons et l’ai attaché comme une vache avec un antivol à une balustrade sur le port ( je ne sais pas pourquoi je dis « comme une vache » puisque je n’en jamais vu  attachée de la sorte) . Je me souviens d’un grand-père sénan ( de l’île de Sein quoi) expliquant sur la grève devant le bar «  Le Cormoran Borgne » , à son petit-fils,  perplexe, que si on attachait une vache avec une corde, on amarrait un bateau avec un bout.  





                            La "capitale" au bas de la piste et Lanzarote dans le fond.



Le temps est nuageux, pas trop chaud, avec des alizés modérés, juste bien pour entamer quelques efforts physiques. VDP ne s’en doutait de rien .  Moi non plus d’ailleurs.  Et pour les autres, je n’en sais rien. Certains jours commencent ainsi tandis que d’autres, non! 
Je vais profiter que l’île n’est pas grande pour en faire le tour. Eh, eh! Pas con!  Je pourrai me vanter: 
-  Moi, Monsieur, j’ai fait le tour d’une île des Canaries, avec VDP . 
- Et elle était grande comment ton île? »
- Normale mais montagneuse .







                                             Les cônes volcaniques.


- Mais pour de vrai, elle est comment La Graciosa » me demanderez-vous
- Et ben, vous n’avez qu’à y venir ou faire un tour sur google est mon ami ».




                                                     Carte de la Graciosa.

La Graciosa est l’île habitée ( 500 habitants à l’année et 3000 au plus fort de l’été) la plus petite des Canaries située au nord-est de l’archipel, la plus proche de l’Afrique. Les Canaries sont en Espagne, l’Espagne en Europe mais pas les Canaries parait-il! Je ne sais pas pourquoi. Et cependant, les fonds de multiples subventions et d’investissements y parviennent bien. Ah, les méandres de la politique.





                   Pedro Barba, endroit envoûtant, ancien port devenu résidences touristiques.


Longue  6.5 kms et large de 3 kms , d’une surface de 27 km2, l’île, aux rares falaises, présente 4 cônes volcaniques  peu élevés ( 266 mètres maximun) qui dominent un sol assez vallonné et sablonneux.  L’Estrecho del Rio ( le détroit de Rio), large d’environ 1 km,  la sépare de Lanzarote dont les falaises hautes de 600 mètres et tombant à pic l’écrasent de leur puissance. 





                              De retour de Pedro Barba:Lanzarote coiffé de nuages 


L’île  aride, isolée, sans eau potable, sans terre arable, sans véritablement d’abri naturel,  resta inhabitée jusqu’à la fin du XIX ème siècle. La construction d’une usine de salage de poissons y amena la première colonie d’habitants. La pêche s’y développa. La vie était rude. Les habitants devaient traverser le Rio avec leurs petites embarcations pour vendre leurs poissons et s’approvisionner en eau. Il fallait avoir le moral. 
Puis la fée « tourisme » a débarqué et les activités de pêche sont devenues bien accessoires. L’île étant intégrée dans une réserve naturelle, les nouvelles constructions se sont bien intégrées. 

Neuf heures, monté sur VDP, j’attaque les 3/4 du tour de l’île pour 17 kilomètres tout terrain sur les pistes sablonneuses ( pas de route goudronnée) où circulent les quelques véhicules 4/4 promenant les touristes ou les officiels ( gardiens du parc …). Certains regards amusés nous observent VDP et moi éviter les pièges de la « chaussée » pas aussi plate que c’était écrit: trous ( fous, clous, flous…), tôles ondulées, plaques de sables, pierres, cailloux            (choux, genoux , bijoux …). Le paysage est singulier: du sable, du sable, de la lave, de la lave et quelques volcans et quelques plantes. Au milieu de l’île, entre les sommets de Agujas Grandes et Montagna Del Mojon, quelques rares et laborieux jardins potagers ou horticoles se protègent derrière quelques murets ou bâches anti-vent. Des feux-jardins montrent toute la difficulté de sortir la moindre verdure de cette non-terre agricole. 






                                    Playa Del Ambra au nord-est de l'île.

Je n’ai pas vu un seul animal domestique, ni bovin, ni ovin, ni même caprin. Entre autres, j’ai observé des goélands, quelques gravelots, quelques courlis, quelques sternes, quelques corneilles, et surtout des pipits de Berthelot. A distance des têtes volcaniques, les côtes sont basses avec des roches de lave ou de belles plages quasi-désertes.  




                                       Ancien port de Caleta Del Sebo ( mouillage et cales).


Sur le retour, la piste domine la « ville » de l’île «  Caleta Del Sebo apparaissant toute blanche,  allongée et en grande partie blottie autour du port protégé par 2 longs brise-lames:  transport de marchandises et passagers, marina et …  pêche.




                          Bateaux de pêche superbement entretenus: bluffant!


En moins de deux générations,  la pêche a été balayée  par un  tourisme encore acceptable. Sur les pontons presque pleins , les voiliers visiteurs ne sont pas très nombreux mais les bateaux à moteur de tous types sont souvent occupés surtout le week-end par des habitants de Lanzarote ou d’ailleurs qui viennent s’encanailler. En moins de deux générations, les préoccupations des îliens ont totalement changé et la réalité économique impose sa loi.




  Une des rues de la capitale. Sur la gauche une boucherie à l'enseigne verte:
                                           Carnicera Don Cochon!


L’île de Culatra dans la lagune de Faro a gardé, m’a t-il semblé,  pour l’instant encore, une vraie authenticité, un vrai équilibre  entre son histoire et l’activité de tourisme.

Les îles resteront toujours les îles où les existences ont depuis toujours été perturbées plus qu’ailleurs par des tas de facteurs humains, guerriers, politiques, économiques…  Les histoires insulaires sont toujours  meurtrières, violentes, difficiles  avec des populations souvent décimées par les multiples conflits militaires ou rejetées par mort économique. 

 Vendredi 14 octobre,

Je suis à La Graciosa depuis une semaine et je ne m’en lasse pas. Je vis dans un environnement superbe, envoutant, vivant, animé, pas trop bruyant le jour,  aux nuits calmes, aux pêcheurs discrets. 









                                       Playa Francesa et son beau mouillage.






               Merveilleuse plage de la Cocina au pied de la Montagna Amarilla.


Chaque jour, je me suis régalé avec des ballades peinardes dans la montagne ( il ne faut pas avoir peur du sable souvent meuble) et des petites baignades dans une eau de mer à 22° environ. L’île n’est qu’une succession motifs de cartes postales. 

Demain, je rentre en Bretagne ( Lanzarote-Brest direct!) jusqu’à la mi-janvier prochaine et Java reste seul aux pontons du port. 





















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