Jeudi 11 août, Puerto de Cruz
Je suis dans la plus grande ria de Galice, celle de Arosa qui propose de nombreux mouillages possibles et … de multiples marinas.
J’ai quitté Freixo, lundi par un vent de nord-est de 20 noeuds donc portant . Je me suis faufilé le long de la côte où travaillaient de nombreux bateaux de pêche , au filet, avec des casiers ( et à la ligne ?) . Je suis passé dans les étroits passages du canal de Sagres et le Paso de Carreiro au sud du petit port d’Aquino où j’ai failli m’arrêter. J’étais arrivé dans la ria d’Arosa et je suis remonté, le vent dans le nez, jusqu’au port de Riveira où j’ai passé une nuit tranquille au mouillage à l’abri derrière la petite île de Corosa.
Java n’avançait pas bien , comme freiné et j’ai probablement pris un bout ou des bouées de casiers ou toute autre M… dans l’hélice. Il me faudra échouer afin de nettoyer.
Séchoir à grains caractéristique de Galice ( ici sur le port de Cambaros).
Au matin, le vent a bien forci, toujours de nord-est et j’ai décidé de remonter jusqu’à la petite et récente marina de Puerto de Cruz où je suis arrivé péniblement avec Java qui patinait dans 25 noeuds de vent dans le pif. Puis pendant deux jours, le vent a soufflé fort, jusqu’à 30-35 noeuds avec de nombreuses et violentes rafales. Le port est bien protégé et abrite beaucoup de bateaux de pêcheurs professionnels « cultivant » des moules dans des « viveros » très, très nombreux dans la ria et nécessitant beaucoup d’attention à la navigation ( la Galice fournit, je crois, 97% des moules espagnoles, le tonnage produit est impressionnant).
Hier, j’ai fait le grand nettoyage du bateau: dedans, dehors, y compris l’annexe… J’ai même attaqué la grande lessive à la main, sur les banquettes en « treadmaster » du cockpit , avec ensuite un séchage ultra-rapide au fil à linge improvisé, pavoisant bizarrement Java.
Ce matin, je suis venu m’échouer sur la cale de la marina afin de vérifier les dessous du bateau. A marée basse, j’ai inspecté et je n’ai rien trouvé! Les cochonneries s’étaient volatilisées tout comme mon anode d’arbre d’hélice. J’ai simplement noté quelques brins de filets autour de mon coupe-orin ( qui avait fini par effectuer son boulot. Juste avant d’arriver à la marina, j’avais senti le moteur perdre du régime probablement dû au départ des bouts de filets, bouées de cassiers ou autres M…).
La Galice vit son été le plus sec depuis la fin du XIX ème siècle. Malheureusement de multiples incendies ( la plupart du temps d’origine criminelle ! ) ont ravagé et ravagent encore des milliers d’hectares de forêt ( conifères et eucalyptus notamment) . En permanence, depuis 3 jours, je vois des flammes ou de la fumée qui s’échappent des collines environnantes ou plus lointaines. Avions et hélicoptères bombardiers d’eau n’arrêtent pas leur manège. A la nuit tombée, les collines rougeoient et au Portugal, la situation serait encore pire surtout dans les environs de Porto. Les différences de climat entre les Asturies, la Galice du nord d’une part et la Galice de l’ouest sont énormes ( quasiment 8-10° de plus dans les « rias bajas » que dans les « rias altas » ).
Incendies vus de Puerto de Cruz
Dans le nord de la Galice, les habitations sont pour la plupart regroupées dans des villes ou bourgades mais à l’ouest, l’habitat est plus dense et surtout plus dispersé. La religion catholique a fortement imprégné la vie et conserve une grande présence visible y compris dans les multiples fiestas. Cependant la plupart des églises et des chapelles ont des aspects bien moins ostentatoires que chez nous ( en tous cas pour celles que j’ai vues) . L’église n’est pas forcément au centre du village, ni le centre du village et donc le village n’est pas forcément autour de l’église. Il s’agit d’un ensemble où chacun a uniquement sa place.
Aux Asturies mais peut-être encore plus en Galice, des milliers d’éoliennes trônent sur les hauteurs et modifient incontestablement le paysage. Personnellement, c’est l’éparpillement qui m’agace. Autant, les grandes concentrations d’éoliennes sur des sites bien choisis représentent une bonne alternative aux énergies sales, autant les multiples sites de quelques éoliennes ne me paraissent pas indispensables.
Aux Asturies mais encore bien plus en Galice, la pêche, poissons et mariscos ( fruits de mer) font partie du paysage. Des milliers de viveros tapissent les rias et des centaines et des centaines de bateaux de pêche ( petits, moyens et grands) parcourent les rias et les côtes ( jusqu’à des dizaines de milles au large). Les chantiers navals ( « astilleros ») sont nombreux dans toutes les rias et paraissent productifs. Les poissons et fruits de mer sont sur toutes les tables.
"Bateau à moules" de 20 mètres de long qui se compte par centaines.
Un corollaire pénible à toutes ces pêches est la concentration inimaginable de goélands qui polluent vraiment par leurs cris incessants et leurs merdes conséquentes. Au vu du nombre de jeunes, le problème n’est pas prêt d’être résolu. Ca me rappelle la Cornouaille anglaise. Les goélands se multiplient proportionnellement à la nourriture qu’ils trouvent. Ici, ils sont gavés et délaissent même certaines caisses de poissons plus ou moins avariés laissées à l’air libre près des conteneurs poubelles. Et ils sont hardis, les coquins: l’un d’entre eux s’est posé à ma table ( et même SUR ma table) pour me piquer mes tapas! Ils sont beaux et élégants mais leur surnombre me fait les haïr.
Un autre corollaire à cette concentration de bateaux, de pêche, d’aquaculture est la qualité de l’eau de mer qui me parait pas terrible. Les ports ne sont pas d’une propreté exemplaire, l’eau est souvent irisée d’hydrocarbures même au milieu des rias. Les sacs en plastique pullulent ( ici leur consommation est considérable et même démesurée). Les pêches professionnelles et de loisirs sont partout. L’Espagnol est pêcheur et le Galicien encore plus. Comment reste t-il encore du poisson?
"Eaux bonnes à la baignade" qu'ils disaient ( port-plage de Cambaros).
Puerto de Cruz est un petit village un peu triste avec peu de bars et pas de restaurant mais avec pas mal de petits commerces et même une supérette . Cependant la marina est bien tenue. Mais pourquoi donc avoir installé sur les catways des protections noires qui décolorent fortement et salissent les défenses et les coques ( louable intention mais conséquences désagréables: rien que pour cela, je n’y retournerai pas) ?
Le nombre de marinas a considérablement augmenté depuis 10-15 ans et beaucoup d’entre elles sont loin d’être remplies. Les infrastructures sont considérables. La plupart des marinas se sont intégrées à l’intérieur même des ports ( pêche et commerce) et construites lors de leurs agrandissements. Les travaux ont souvent été gigantesques avec des digues, des enrochements … impressionnants. Je me pose toujours la question de l’origine des financements … devant l’importance des travaux réalisés.
Dimanche 14 août, au mouillage entre Isla Toxa Grande et Isla Toxa Pequena, à 2 milles de Cambados au sud-ouest de la ria d’Arosa.
Java viens de passer deux jours , tout seul, à l’échouage, dans le vieux port sans marina de Cambados. La ville ancienne, très touristique ( c’est la première fois que je dois payer ma consommation lorsque l’on me l’amène) , assez jolie avec des bâtiments historiques, manque tout de même un peu d’harmonie. Elle est commerciale et vivante avec notamment un imposant marché aux poissons couvert . S’y promener est un plaisir. La Galice produit quelques vins. L’ »Albarino » qui à mon avis ressemble beaucoup au muscadet, est produit dans la région. Parfois, le vignoble pénètre les faubourgs de la ville .
Marché aux poissons Cambaros.
Au fond du vieux port, une plage accueille quelques amateurs du bronzage. Un panneau donne une note aux eaux de baignades: 3 sur 4 donc bonne. Cette notation est scandaleuse. Pendant les 2 jours de ma présence, des dizaines de chiens ( souvent en liberté) y ont fait leurs besoins ( la plupart du temps non ramassés), les eaux du port ont constamment été sales et polluées par les hydrocarbures et divers détritus. Quel intérêt d’instituer une notation concernant les eaux des ports toujours plus ou moins « crados » et d’ailleurs plutôt bien plus que moins? Malgré tout, je pense que les choses évoluent dans le bon sens : moins d’épaves à trainer, stations d’épuration plus efficaces, moins de carénage sauvage, plus de précautions dans les stations de carburant , plus grande prise de conscience des professionnels … mais on est bien loin du compte.
La pluie est toujours absente mais, les températures ont bien chuté. Les nuits ont toujours été fraiches. Comme ce matin, la brume et le brouillard gagnent du terrain ( habituels dans la région).
Cet après-midi, la brume s’est partiellement levée. Ce soir, à 19 heures, l’air s’est considérablement refroidi ( 17° contre 25° voici 2 heures) et la visibilité est inférieure à 100 mètres. J’ai tout fermé le bateau en laissant quelques filets d’air d’aération. Serait-ce déjà la fin de l’été? Nous sommes seulement deux voiliers sur une grande zone de mouillage, ancrés par 6 mètres d’eau, à 200 mètres du rivage et à 2 kms du bourg de O Grove. Ce brouillard dense mais peu épais ( le soleil est entrevu), dû à la grande différence de température entre l’air et la mer, me fait penser à celui des bancs de Terre Neuve et de Saint Pierre et Miquelon pendant l’été, dû à la grande différence de température entre l’air et l’eau.
Purée de pois assez fréquente ( normalement, c'est pire).
Lundi 15 août.
Cet après-midi, je suis descendu à terre sous le soleil. l’Illa de Toxa, petite île ( moins de 100 hectares à la louche) reliée à O Grove par un pont ( depuis certainement plus d’un siècle) est en fait un lieu touristique haut de gamme avec ses 2 grands hôtels 5 étoiles , avec le plus ancien terrain de golf de Galice, avec une petite marina privée , avec un quartier résidentiel de vacances luxueux et sans oublier la station thermale. A la vue de la valeur des voitures et des bateaux, la fameuse crise que nous vivons n’a pas touché et ne touche pas tout le monde de la même manière, loin s’en faut. Mais tout est calme et gardé plus ou moins discrètement. Décidément les terriens n’habitent pas tous les mêmes espaces. Une ségrégation de fait existe.
J’ai marché jusqu’à O Grove, port de pêche touristique assez vivant. Les possibilités de mouillages voire d’échouages sont multiples dans le secteur pour les bateaux à faible tirant d’eau.
Demain, je change de ria pour rejoindre celle de Pontevedra.
Mais en fait en quoi consiste un bon mouillage? Il est facile d’accès à toute heure de marée ( et aussi facile pour le départ), protégé de tous bords, avec un fond de bonne tenue, pas trop encombré … Mon petit Java avec son faible tirant d’eau et sa possibilités d’échouage me permet de multiplier ces bons mouillages non atteignables pour la plupart de bateaux devenant trop grands, aux grands tirants d’eau et sans pouvoir échouer. La plupart du temps, les zones de mouillages protègent simplement contre certaines directions de vent et il faut savoir quitter les lieux au moindre doute pour éviter de se faire remuer ( encore plus si des vents forts sont annoncés) .
Mercredi 17 août.
Hier, j’ai quitté mon petit mouillage tranquille. J’ai longé la côte ouest de la peninsula de O Grove, qui ressemble beaucoup à la côte nord de la Bretagne avec ses chaos de Granit encadrant les plages de sable blond ou blanc. J’ai rejoint la ria de Pontevedra où je suis arrivé en milieu d’après midi à Bueu, port de pêche sur la côte sud. Tout petit, Java est à l’ancre devant la grande plage de la ville en compagnie de 3 autres voiliers: un hollandais de 11 m de long et deux français de 15 mètres pour l’un et plus de 20 mètres pour l’autre. Décidément les voiliers de moins de 10 mètres ont disparu de la circulation. Depuis que je suis arrivé en Espagne, je n’ai pas rencontré de bateaux de voyage plus petits ( ou moins grands ?) que Java.
Hier, j’ai visité avec intérêt, et gratuitement ( beaucoup de musées sont gratuits en Espagne) le musée « Masso » du nom du patron et créateur des anciennes usines d’industries de conserves de poisson de Bueu qui ont périclité dans les années 1980-90. La pêche à la baleine y est relatée et sa suspension expliquée brièvement. J’ai visité ces dernières années plusieurs musées concernant cette pêche ( Madère, Canaries, Açores …). Tous relatent de l’héroïsme des marins-pêcheurs mais aucun du même héroïsme des marins de Greenpeace qui se sont battus comme des brutes pour parvenir à « interdire » cette pêche et probablement à sauver la plupart des espèces de baleines survivantes. Personnellement, même si la finalité était bien différente, j’admire autant le courage de Greenpeace que celui des pêcheurs. La « baleine franca » ( en espagnol ) a tout de même été exterminée. La commission baleinière mondiale a suspendu cette pêche en 1985 mais certains pays passent outre tels le Japon, la Russie, l’Islande… En 1980, 25 000 baleines avaient été pêchées contre 1 600 en 2015. Dans ce musée, j’ai visionné d’anciens films sur le dépeçage des baleines à terre : toujours aussi impressionnant.
Ce matin, il … pleut, si, si, pour de vrai, sans être le déluge, sans vent, mais avec des vraies gouttes qui mouillent. Ca fait tout drôle. Je crois que je vais rester peinard aux abris à bouquiner et écrire. La ria de Vigo sera pour demain. Les 3 autres voiliers sont toujours là et ce matin un bateau de pêche relevait ses filets tout proche d’eux. Il est fréquent, en Galice , qu’un bateau de pêche vienne travailler à proximité de voiliers au mouillage. Cela m’est arrivé à deux reprises. A chaque fois, je leur ai demandé si je les gênais mais non « no problema» dit avec le sourire en me montrant leurs prises! Comme je l’ai déjà noté, les bateaux de pêche, les ports et les marinas sont extrêmement nombreux et obligent professionnels et plaisanciers à se côtoyer en permanence. Et j’ai le sentiment que le partage de la mer est plus facile que chez nous, en Bretagne. Par contre, ça pêche partout et beaucoup et les engins de pêche, plus ou moins bien signalés, pullulent.
Hier, j’ai longé la côte nord de la ria de Pontevedra puis suis venu ici à Bueu. Je n’y ai pas noté de grosses pollutions. La ria de Arosa, que je viens de quitter, est bien plus grande avec de nombreux îles et îlots, et des « viveros » par centaines. Par contre, j’ai trouvé cette dernière ria très polluée avec beaucoup de déchets divers , de plastiques, avec une eau souvent très irisée de produits pétroliers … Pas très appétissants tout cela. Tant pis si je le répète.
Pollution encore et pourtant, je pense qu'il y a des progrès!
Jeudi 18 août.
Hier vers midi, le soleil est revenu et j’ai quitté Bueu pour la ria de Vigo. Après 3 ou 4 heures de navigation ( dont les 3/4 au moteur), en passant au milieu des vivaros ( passage prévu), je me suis planqué dans un vrai bon petit mouillage dans l’ensenada de Limens près de Cangas: calme, beauté du paysage, pas de passage, pas de bruit… Un autre voilier breton est venu me rejoindre pour la nuit.
Ce matin, au lever, il faisait frais ( 15 degrés dans la cabine) et le pont était trempé par la rosée. J’ai même mis mon petit chauffage Wallas pour un quart d’heure puis suis parti sur Vigo vers 9 heures. Toutes les rias sont très actives et le trafic maritime est intense ( je viens de compter plus de 50 bateaux qui naviguent ( qui bougent ) autour de moi , de la simple petite barcasse de 3 mètres de long au paquebot de passager de plus de 200 mètres de long).
Vendredi 19 aout Vigo.
Java est au ponton bruyant des petits bateaux de la marina du Real Club Nautico de Vigo en plein centre ville, près d’un grand centre commercial, du quai des gros paquebots de croisière et du départ des vedettes pour la visite des îles de Cies. La nécessité de réparer une fuite au niveau de l’annexe et de trouver une pièce pour mon verni de pilote ( encore lui) explique ma présence ici. La vielle ville n’est pas désagréable. La zone portuaire hyper active avec plusieurs marinas ( 4 ou 5), ses ateliers maritimes, ses trafics maritimes de marchandises et de passagers … s’étalent sur 4 kilomètres! Elle est dominée par des grands immeubles pas très esthétiques. Le tout n’est pas dysharmonieux mais il s’agit véritablement d’une grande vile très active, bruyante et assez poussiéreuse.
Samedi 20 août, Césantes.
J’ai quitté Vigo, hier après midi, pour me rendre à Baiona au sud-ouest de la ria. Le vent prévu de nord-ouest donc favorable a préféré venir de sud-ouest (en fait, il fait ce qu’il veut ) pile poil dans le nez. Tant pis, Baiona sera pour plus tard et je décide de remonter la ria jusqu’à l’ensenada de San Simon qui se cache derrière le pont suspendu de Rande. Le vent dans le cul est tellement un plaisir!
Je suis donc arrivé hier soir à marée haute dans cette anse qui représente en fait une mini-rade de Brest de 3 kms de large par 4 kms de long, peu profonde ( de 0 à 6 mètres d’eau, 2 en moyenne donc peu attrayante pour les « gros » voiliers ), bien protégée et calme. L’entrée de ce amphithéâtre naturel, presque comme un lac, s’effectue par un goulet de 200-300 mètres de large.
J’ai mouillé à 300 mètres du rivage devant le village de Cesantes en compagnie d’un bateau basque français de Bayonne, tout près de l’île de San Simon qui me fait penser à l’île de Tibidy au fond de la rade de Brest mais en plus « travaillée ». L’île ( 400 mètres de long par 100 ou 200 mètres de large à la louche), boisée de feuillus et d’eucalyptus, présente beaucoup de murs de protection et quais en pierre de taille et même un tout petit port, un pont en pierre avec plusieurs arches qui la relie à un autre îlot. La pointe sud est rocheuse et se prolonge par quelques amas de roches où trône un calvaire au milieu de la mer.
Mouillage devant l'île San Simon.
Il est 16 heures. L’odeur du pain qui cuit remonte jusqu’au cockpit où j’écris. Le plan d’eau est calme. Les espagnols sont à la sieste. Plus qu’une heure de tranquillité. Vers les 17 heures, tout s’anime jusqu’au coucher du soleil, puis bien plus tard dans les divers restaurants, troquets…
Que c’est beau. Que c’est beau d’être au milieu de ce cirque presque montagneux , aux collines boisées, aux villages de toits oranges. Comme souvent, sur la côte ouest de la Galice, le matin, le vent est calme puis vers 14 heures, il apparait tranquillement puis forcit jusqu’à 15-20-25 noeuds avant de disparaitre à la tombée de la nuit.
La mer monte assez vite ( 3.40 mètres de marnage pour un coefficient de102). Ce matin, en me baladant avec mon annexe, quelques pêcheurs à pied s’activaient avec leurs bouteilles de sel pour cueillir des couteaux ( peut-être que demain, moi aussi …).
Java pivote largement sur son mouillage et le paysage somptueux défile devant moi: il fait soleil, 24 degrés et le vent passé au nord rafraîchit , les cumulus se promènent dans le ciel. Je suis à la croisée des chemins. Parfois un avion, décollant ou atterrissant à Vigo, passe à basse altitude. Sur bâbord, à 2 kms, l’autoroute emprunte le pont et sur tribord, les trains, parfois de marchandise, longent le sud de l’ensenada. Le trafic autoroutier est inaudible, le trafic des chemins de fer semble limité et celui des airs clairsemé. L’habitat est discret. C’est beau et je suis bien. Il est dit que l’on reconnait le bonheur au bruit qu’il fait quand il s’en va. Pas ici, même silencieux, je le reconnais.
Je suis un amoureux des paysages maritimes indomptables, sans cesse changeants, sans cesse provocateurs, sans cesse théâtraux, parfois tendres, parfois rudes … Je crois que je viens d’en prendre conscience et qu’il s’agit probablement de la raison principale qui m’oblige presque à naviguer.
Coucher de soleil dans l'ensenada San Simon ( pas original, mais en bateau, on les voit).
Depuis que je suis « jubilado », je n’arrête pas de me répéter « prends ton temps!!! », « prends ton temps » et c’est dur! Et pourtant, sans cette prise temps, je passe à côté de l’intérêt de l’endroit où je suis. Découvrir moins mais bien, toute une philosophie à appliquer …
Dimanche 21 août 17 heures.
Je suis toujours devant Cesantes. Comme la plupart des après-midi, depuis je suis dans les « rias bajas" ( celles de l’ouest de la Galice), la brise de mer d’ouest voire d’ouest sud-ouest souffle assez fort ( jusqu’à 20-25 noeuds au moment le plus chaud de la journée et en fait conséquence de la différence de température entre l’air et l’eau ) et le plan d’eau s’anime mais sans devenir désagréable puisque l’ensenada est abritée et peu profonde. Il faut savoir tenir compte de cette particularité habituelle et prévoir un mouillage abrité de cette direction. Ce matin, le vent était nul et ce soir à partir de 21-22 heures, il deviendra fort probablement très modéré voire nul.
Cesantes à la tombée de la nuit.
En un seul jour sur un voilier, en navigation mais même aussi au mouillage ( pas dans les ports évidemment) , j’ai la sensation de vivre plusieurs journées tant les conditions sont souvent changeantes. Quelques cormorans pêchent, quelques sternes crient, quelques poissons ( probablement poursuivis par des plus gros qu’eux) émergent brutalement, bruyamment et furtivement de l’eau, une buse a survolé le plan d’eau et tout à l’heure, deux grands dauphins, aux mouvements lents et harmonieux, sont venus souffler à quelques mètres de Java … Je n’ai jamais le temps de tout faire. Marée basse: vais-je ramasser des coquillages ou bien prendre mes jumelles et me balader le long des vasières pour admirer les oiseaux ? Marée haute: vais-je sortir ma canne à pêche, ou bien gagner avec l’annexe cette petite anse à sec, paraissant coquine, cachotière, et planquée à basse mer? Et à toute heure de marée et du jour : vais-je bouquiner dans le cockpit ou sur la couchette, ou écrire quelques lignes, ou ne rien faire du tout ( pas facile: je ne m’entraine pas assez ou je n’ai pas la bonne recette … ) , ou regarder autour de moi tout ce paysage garni, toutes ces activités humaines de travail ou de loisirs qui défilent devant mes yeux ou bien aller prendre un pot au café d’en face, ou réparer encore ce P... de pilote électrique ?
Et même si 99% de mon attention est errante, le 1% restant est ( ou en tous cas, devrait être) toujours prêt à percevoir l’imprévisible et à réagir face un imprévu concernant le bateau, même au mouillage: Java ou son voisin qui dérape, une amarre qui lâche , le taud qui flotte anormalement, un bateau « ivre » qui s’approche trop près, l’annexe qui prend l’eau, pire le bateau qui coule ( non, je plaisante, quoique …). Avec l’habitude, ce 1% indispensable fonctionne tout seul en deuxième rideau: je n’entends plus les bruits continus et constants du bateau ( un voilier est toujours « bruyant ») mais je perçois presque l’inaudible.
Déjà 18h30! Entre temps, j’ai vu une aile volante toute proche et je me suis laissé attirer par tout ce spectacle nautique qui m’entoure. Deux « kite-surfs , voilure bleue et blanche pour l’un, rouge et verte pour l’autre, promènent rapidement les deux « pilotes » qui se débrouillent très bien sur cette surface clapoteuse. Un planchiste est moins à l’aise. Quelques canoës fendent les vaguelettes. De temps en temps, un bateau à moteur passe, souvent à fond… ou presque. La puissance des moteurs est devenue impressionnante , les vitesses sont ahurissantes et les limitations de vitesse peu respectées. J’entends un train qui siffle ( si, si) et un avion qui vient de décoller de l’aéroport tout proche. Le vent continue à bien souffler, le plan d’eau reste agité: tant pis pour la ballade en annexe. Le long du rivage, les petites barques sont chahutées. Le vent siffle dans la mâture. Les batteries sont chargées à 100% et j’arrête l’éolienne ( que j’ai fait fonctionner moins de 10 heures depuis que je suis en Espagne).
Lundi 22 aout.
Les brises de mer étant de plus en plus longues et fortes, j’ai déménagé de 2 miles pour me mettre plus à l’abri devant Punta Soutelo. Le coin est assez perdu, moins joli mais au moins, le clapot est bien moindre et le passage des bateaux à moteur quasi absent.
Ce midi, à peine arrivé, je suis descendu sur une grève toute proche pour la pêche à pied. Moules, coques et couteaux sont au programme. Je commence par les coques et les palourdes. En 10 minutes, j’en ai assez. J’allai attaquer les couteaux quand je vois un jeune gars avec un tee shirt vert pâle administratif qui s’approche de moi et m’explique qu’il est interdit de ramasser des coquillages ici et que normalement je devrais recevoir une " multa " ( PV en Espagnol). Je dois vider mon sac de cueillette . La pêche, même à pied, parait très réglementée et surveillée avec semble t-il des zones de reproduction, de ramassage des « lombriz » ( vers marins pour la pêche). Certaines petites pêches se pratiquent même à la rame avec des types d’enfin aux dimensions précises … Et c’est bien mais encore faut-il le savoir.
Mardi 23 aout.
Descente sur Baoina que j’atteins vers midi.
Avec beaucoup de plaisir, je retrouve cette belle ville, peut-être devenue trop touristique mais avec un charme fou: petites ou grandes plages de beau sable blond, petites ruelles piétonnes et animées avec une vie surtout extérieure, un magique parador sur la petite presqu’île nord.
J’adore.
Plage de Baiona avec les îles Cies au fond à gauche et le parador en haut à droite.
Demain, je quitte l’Espagne pour le Portugal avec pour destination l’Algarve au sud Portugal où Claudie me rejoint dans 2 semaines environ.
J’ai adoré les Asturies pour son authenticité, sa beauté sauvage, sa modestie et son tourisme modéré. Je m’y suis beaucoup plu notamment à San Esteban, Corme, Camarinas …
J’ai adoré la Galice pour la beauté de ses rias, son dynamisme, sa personnalité. J’ai beaucoup apprécié Finisterre, Muros ( vraiment super), l’ensenada San Simon, Baigna …
Les Asturies et la Galice sont deux régions avec du tempérament mais que j’ai perçu très, très différentes
J’y ai passé presque 8 semaines mais y serais bien resté encore un moment.
Et maintenant vive le Portugal.
"JUBILADO"