jeudi 11 août 2016

Galice: de Corme à Noia.

Corme le 29 juillet 2016.

Le 26, je suis parti de Viveiro ( aux toits sombres ) pour Ceidera  ( aux toits en tuile orange) pour une navigation de 35 milles: beau temps, belle mer, vent portant 12-15 noeuds en moyenne. J’ai toujours tendance à longer les côtes d’assez près (entre 1/4 de mille et 1 mille voir plus évidemment en fonction des dangers) pour les petites navigations ( inférieure environ à 30-40 milles). Bien entendu, il faut être plus attentif et plus vigilant: petites embarcations plus présentes, engins de pêche ( filets, bouées …. avec des bouts parfois,  et même souvent flottants). En solitaire, il faut être dedans et dehors du bateau en même temps, descendre et monter très souvent, avoir l’oeil sans arrêt sur tout, sur la beauté environnante mais aussi sur la mer, sans arrêt. Attention, prudence, mais quel régal!
Cette navigation fut superbe et le passage devant le cap Ortegal, un point d’orgue , le long des hautes falaises assez pelées , impressionnantes  avec la sensation d’être tout petit sur une mer agitée par 20 noeuds de vent ne demandant qu’à enfler. 

J’entrai vers 15 heures dans la grande ria de Ceidera, port de pêche animé mais sans ponton. Nous étions  une petite douzaine de voiliers au mouillage loin les uns des autres dans ce super abri très spacieux. 




Toujours un nombre impressionnant de petites embarcations colorées et entretenues dans tous les ports comme ici à ceidera.


Après mon retour d’une ballade dans la campagne environnante, un voilier hollandais «  Cool Jazz » était mouillé devant moi  à une petite trentaine de mètres alors que la place ne manque pas !  Le soir, j’ai aperçu un des occupants larguer une longueur de chaine supplémentaire. Il restait à peine 20 mètres entre les 2 bateaux puis tout l’équipage est parti en annexe,  probablement à la fiesta du bourg. Le lendemain, je pensais mettre les pendules à l’heure en leur demandant d’aller plus loin mais je ne vis personne, ni le surlendemain matin, non plus. Ils s’étaient tirés en laissant le bateau au mouillage mais surtout sur  mon ancre qui devait même se trouver au devant de leur bateau me compliquant évidemment le départ. Voila le genre de comportement irrespectueux qui m’agace  par son égoïsme, sa connerie, son impolitesse, son manque de savoir-vivre … 

Pour rajouter à ces comportements inacceptables , en quittant la ria de Viveiro, Java sous voiles fut doublé par un autre voilier français type Pogo qui passa à 20 mètres au vent ( c’est autorisé mais inconvenant, ça ne se fait pas  surtout si près) sans me regarder,  ni me saluer ( ça se fait encore moins). Décidément, sur mer, les mêmes personnages puants ne changent rien à leurs habitudes terrestres : je n’existais pas, j’étais transparent… . Tout le monde fait des erreurs, commet des étourderies … mais  existe des lignes rouges à ne pas franchir. 

Corme, le 30 juillet

 La loi des séries doit exister. Hier dans la soirée, un Bavaria de 35 pieds ,  au pavillon allemand « Holiday »,  avec une famille à bord vient mouiller devant moi à 15m !!! et en conséquence , dans la direction de mon ancre !!!  Je lui demande de s’éloigner mais il ne veut rien entendre. Je décide de faire comme si je partais et reprends tranquillement de la chaine de mon mouillage jusqu’à ce que Java se retrouve le nez dans le cul de son voisin. Là, enfin, l’Allemand commence à réagir, avec violence, voulant venir aux mains,  et après des palabres et quelques gestes violents, remonte son mouillage pour « se poser » à quelques 50 mètres plus loin. Et bien voilà, ce n’est pas plus compliqué que cela. 

Le problème lié à cette situation où tu te retrouves avec ton ancre sous le bateau du voisin (ou même devant comme ici)  est ton impossibilité de partir facilement ( voire pas du tout  si vent fort) en cas d’urgence. Au mouillage, une ancre peut toujours déraper, le vent forcir ou changer de direction.  Personnellement, quelle que  soit la profondeur de l’eau, je largue  au minimum 30 mètres de chaine  ou 5 fois la hauteur d’eau maximale  ( donc 50 mètres pour 10 mètres de profondeur par exemple ). Ce sont , à la louche, les recommandations données par l’école des Glénan. Et  à tout moment, il doit  être possible de relever son mouillage sans obstacle et contre temps. Je m’efforce toujours  (sauf si zone de mouillage étroite) de ne pas me retrouver en situation de gêner un départ . Je ressens les comportements des 2 navigateurs cités ci-dessus comme étant une mise en danger d’autrui. Et bien entendu, le bateau fautif , lui, peut relever son ancre et s’en aller quand il veut.
Tous ces comportements imbéciles et insensés ont souvent lieu pendant les vacances avec souvent des gens qui naviguent peu et sont donc plus pardonnables. Mais ici  il s’agit de marins qui normalement naviguent … s’ils sont arrivés jusqu’ici. 

Revenons à nos moutons.




Village de Corme qui cache une convivialité dans les ruelles planquées derrière une rangée d'immeubles peu engageants ( assez fréquent comme disposition).


Corme, exposé sud sud-est blotti au bas d’une colline  dans un bel environnement  apprécié des touristes espagnols ( 1000 habitants l’hiver, 2500 l’été).  Vu de la mer, le village n’est pas franchement beau avec ses bâtiments de front de mer de 4, 5 ou 6 étages, sans beaucoup d’élégance. Malgré tout, habitat et port de pêche forment un ensemble harmonieux.
Par contre,  le coeur du village qui se cache derrière cette première barrière pas très alléchante, s’organise de manière très vivante et chaleureuse dans les multiples ruelles, souvent piétonnes. 
J’ai rencontré Roberto né ici et vivant ici qui m’a expliqué en espagnol et avec beaucoup de patience la vie dans le village et les environs. 

Camarias , lundi 1er aout.




Camarinas: Ville interessante avec petite marina et port de pêche ( souvent associés en Galice).

Primero, je suis en retraite depuis 1 mois.
Segundo, je suis en Espagne depuis 1 mois moins un jour.
Tercero, todo va bien. 

Primero, je suis extrêmement heureux de mon statut de retraité. Dans la vie, il faut choisir entre le temps et le fric et trouver un juste équilibre entre les deux. Les années passent et tant que la santé suit, une certaine forme d’inconscience, d’insouciance, d’aveuglément temporise , minimise …  et c’est tant mieux. Cependant le temps passe vraiment. Dans la glace, ça se voit. Dans les gros efforts, ça se sent. J’apprends à prendre mon temps,  à réfléchir avant de faire et éviter ainsi de recommencer trois fois la même chose. Et ça ne marche pas trop mal.  
Le statut de retraité supprime une grande contrainte, celle du travail et donc également celle d’une certaine notion du temps. Je ne cogite plus la navigation de la même manière. La grosse contrainte  est devenue «  MOI ».  et mon environnement mais plus le travail. 

Segundo, je suis extrêmement heureux d’être sur cette côte nord et nord-ouest de l’Espagne souvent délaissée par les touristes. La fraicheur de la mer ( 16-17-18°) explique ce renoncement.
La nature y retrouve son compte: pas de grosse structure touristique, pas d’immeuble disgracieux mais au contraire une côte et un paysage préservés. Les Asturies et la Galice restent cependant raisonnablement touristiques. Nombreux sont les habitants ayant quittés ces régions pour travailler et qui y reviennent les vacances venues. La beauté, la fraicheur, le côté sauvage attirent également une certaine catégorie de gens proches de la nature à la recherche de ballades et de calme… Et puis, il existe une grande personnalité de ces 2 régions si proches et pourtant si différentes l’une de l’autre,  dans la culture, dans la gastronomie, dans l’esprit,  dans les paysages, dans l’habitat… 
En dehors des grandes villes et des zones les plus touristiques,  les visiteurs s’adaptent : pas de panneaux en langues étrangères, pas de prix affichés, des horaires locaux, des habitudes locales… Cependant l’accueil est bien présent et même délicat avec une envie de t’apprendre et de te guider. On se sent chez eux, mais bien. 

De Gijon à Camarinas, mes navigations m’ont régalé.  Les côtes sont superbes  souvent rudes, abruptes avec des habitations dispersées . La basse et moyenne montagne est tout juste en second plan. Les villages et les ports se sont planqués le mieux possible d’une mer devenant particulièrement violente pendant la mauvaise saison. Mes escales se sont bien déroulées: Gijon, San Esteban, Castropol, Vivero, Ceidera, Corme, Luxia et Camarinas. Le cap Finistère est proche, à 20 miles environ mais quelques signes annoncent déjà un certain réchauffement et une moindre rudesse. A nouveau, quelques cultures s’étalent au pied des collines plus douces , les toits de tuile rouge se généralisent et puis … même les bouquins le disent. 




Pointe de Laxe: un peu agité et brumeux ce matin malgré l'absence de vent.


Tercero , todo va bien. 
Le temps est agréable, pas très chaud ( 25°) et frais la nuit ( 16°- 18° dans la cabine le matin), plutôt sec ( quasiment pas de pluie depuis mon arrivée ), plutôt ensoleillé ( 2 jours sur 3). Quelques jours ont été nuageux mais sans brume. Par contre, le vent est bien présent souvent 15-20 noeuds surtout est nord-est. 
Naviguer n’est pas seulement aller d’un point à un autre mais aussi changer de zones de navigations, de systèmes de vent … Il existe ainsi des points stratégiques qui jalonnent des retours en arrière difficile. Le cap Finisterre en fait partie. Après l’avoir franchi, descendre le long des côtes de Galice puis du Portugal est « facile » et  s’effectue quasiment toujours  au portant ( alizés portugais parfois forts jusqu’à 30 noeuds ) mais la remontée en est tout autre ( vents assez forts,   juste dans le nez,  garantis). 
C’est donc décidé, je continue vers le sud probablement jusqu’à Gibraltar et là, il me faudra décider : le sud vers Madère et les Canaries et …  ou l’est vers la Mer Méditerranée. 
Aujourd’hui, je n’élimine plus forcément  la Méditerranée que je connais si peu. La chaleur estivale et la pléthore touristique m’ont toujours effrayé mais ici il s’agirait  d’y entrer en septembre et d’en profiter ensuite au moins jusqu’à l’été suivant , voire plus en se planquant dans des coins reculés, voire même en  Mer Noire. En voilier, même pas très gros, beaucoup d’options sont possibles . A voir,  mais chaque chose en son temps.  

Le mercredi 3 aout. Finisterre.

Ce matin, j’ai quitté mon mouillage de Camarinas, près de la punta Insuela. Camarinas est une ville agréable,  colorée, active, animée mais un peu bouffée par les goélands.
Le bar de la marina accueille une clientèle variée mélangeant, avec intérêt, locaux et navigateurs dans une belle ambiance avec des prix abordables. La marina est petite mais bien tenue. Cependant, elle était largement incomplète durant les trois jours de mon séjour! Etant au mouillage, je débarquais en annexe que j’amarrais, en ayant demandé l’autorisation,  à un petit bout de catway.  Les  zones de mouillage sont énormes et à priori de bonne tenue. 
Je me suis tout de même offert une grande « raccion » de pousse-pieds ( 2 ème fois que j’en mangeais de toute ma vie) qui étaient délicieux.

Le temps était nuageux, sans vent. Je me rends à Finisterre pour 25 miles environ que j’effectuerai au moteur ( j’avais été plutôt chanceux jusqu’alors). Ayant du temps, je profite pour visiter la ria et finalement entrer dans le port de Muxia par curiosité et éventuellement faire le plein de gaz-oil  ( même s’il m’en reste encore pas mal).  Le petit port de pêche est à droite et la marina au fond, à gauche. Elle est presque vide et le poste carburant n’est accessible qu’à marée haute ( et la mer est basse! ). A proximité de la marina, existe une zone de mouillage sur bouées pour petits bateaux. Les bouts flottants, pièges à hélice, étaient assez nombreux et longs ( pas terrible en abord de la marina). 
A la sortie du port, un « zodiac »  accompagnait deux petits dériveurs légers d’école de voile, tous groupés. Par manque de vent, ils avançaient à peine. Un petit trimaran français d’une petite dizaine de mètres, quittant le port, s’est permis de passer, tout proche,  au moteur entre les deux petites embarcations … Une demi-heure après, j’étais à « allure-pêche » ( 3 ou 4 noeuds environ) avec ma ligne de 40 mètres qui trainaient au cul de Java. Et bien ce même trimaran s’est retrouvé à moins de 20 m sur mon bâbord.  Je lui ai montré la ligne et il s’en est écarté. Mais qu’est-ce qu’ils ont dans la tête, tous ces mecs  qui se croient tous seuls sur la mer ou qui pensent que l’eau  est moins salée juste là où se trouve le voisin? Pourtant le soleil réapparaissait. 

La côte est vraiment magnifique souvent abrupte mais parfois plus basse et accueille des jolies plages de sable blanc. L’habitat est rare. Toutes les pointes superbes mais dangereuses avec une mer qui déferle et de nombreux rochers qui s’éloignent de la côte ainsi la punta de la Barca, plutôt basse, avec son église bizarre à 2 clochers et son petit phare , ainsi le cabo Tourinan avec un petit rocher isolé, traitre,  affleurant  à presque 1 mille de la côte, ainsi les hautes falaises entre la punta Arnela et le cabo Finistère, longue ( 3-4 miles), étroite ( à peine 1 mille)  et haute ( 399 mètres ) langue qui pointe  vers le sud, indiquant la direction à suivre. 



Cap Finisterre: mer calme, calme ce jour là... ce jour-là.


Lorsque je navigue par petites étapes et que je trainasse, j’aime bien observer les côtes et la terre de près … mais tout de même pas trop près. La navigation réellement côtière nécessite une vigilance de tous les instants surtout à la belle saison où l’activité de pêche et de plaisance est à son maximum: bateaux de pêches professionnels et amateurs avec tous les accessoires: bouées de casiers, de filets avec souvent des bouts flottants, ( parfois entre deux eaux) ,  bateaux de plaisance à voile et à moteur,  jet-skis, canoës … sans compter les effets des courants, les déchets qui flottent … la brume qui peut tomber, le moteur qui peut déclarer forfait alors que le vent est absent … Il faut donc respecter une distance raisonnable, en garder un peu sous la pédale ( comme le pied de pilote pour le réglage des sondeurs). Malgré tout cela et malgré une navigation au moteur, je me suis régalé cet après-midi. Les couleurs étaient belles et l’endroit puissant avec une mer peu agitée mais houleuse. 




Un bateau de pêche : j'en ai croisé des dizaines et des dizaines, ( voire des centaines ?).

Je suis actuellement au mouillage au Puerto de Finisterre, à 100 mètres de la côte et 500 mètres du port,  entre  la punta  Conserva et la punta Porcallon , par 6 mètres de fond. La mer est presque plate. Quelques drisses claquettent avec peu de conviction dans le mât. La brume est bien tombée ( juste au moment où j’ancrais) avec une visibilité de moins de 1 mille. Tout est calme. 
Mon guide nautique me parlait de petite marina et de mouillages très fréquentés . Ce soir, en incluant le mouillage d’ensenada de Llagosteira, nous sommes 5 voiliers en tout !  Pourtant à première vue, l’endroit parait attirant et la météorologie favorable, alors?  Je m’attendais à voir une ribambelle de voiliers. J’imagine ce que sont tous les mouillages et ports de la Bretagne Sud en ce moment. 

Le jeudi 4 août 10 heures.

Depuis hier soir, je vis vraiment ma première journée maussade depuis mon départ fin juin. Cette nuit, la visibilité était plus que médiocre ( j’entrevoyais à peine les feux du port). Vers 3 heures du matin, un grain s’est abattu sur Java, avec bourrasques de vent et fortes pluies nécessitant une surveillance de mon ancrage. Je connais pas bien les fonds marins ici, normalement ça serait du sable. Mais l’eau me paraissait bien sombre hier pour du sable ( ou alors il est noir).  Donc les algues voire quelques  roches par-ci par-là pourraient être présentes. d’autant plus que hier, à la tombée de la nuit, un petit bateau de pêche professionnels avec deux jeunes marins à bord est venu pour relever une ligne de casier. Ils sont passés à 10 mètres au cul de Java et m’ont montré les quelques  belles poulpes qu’ils avaient pêchées. 
Le mouillage ne bougea pas. Le vent se calma et ma nuit repris son cours. 

La Galice est la région la plus humide d’Espagne, une sorte de climat breton à l’air plus chaud et à la mer plus froide.  Les brouillards sont assez fréquents ( plus de 10% du temps en été) et dans les rias de l’ouest, la brume peut durer une semaine de rang. 


Contrairement à ce que beaucoup de gens  pourraient penser, je ne m’ennuie pas à bord et ne réussis jamais à faire tout ce que je voudrais. J’ai toujours un temps de retard pour certaines choses.  Je prends du temps pour rêver, cogiter, contempler mais quand même! Je bosse l’espagnol, j’écris un peu. La question n’est pas « qu’est-ce que je vais pouvoir bien faire aujourd’hui? » mais «  par quoi, je commence?. 
En fin de matinée, j’irai au « bourg » avec mon youyou, me baladerai dans les rues puis je me dénicherai un petit restaurant avec  poissons et fruits de mer ( spécialités de la région). Puis j’avais prévu de me rendre au bout du Cap Finistère à pied, le long des sentiers côtiers, avec ma paire de jumelles et mon appareil photos et ainsi dominer le vaste océan au pied du phare. Mais avec la visibilité actuelle, je verrai même pas le bas des falaises! A défaut, je dégoterai comme  souvent,  au hasard,  un ou des  petits musées sympathiques et intéressants qui relatent la vie locale. 
Chaque jour est un peu comme cela, moitié du temps à bord, moitié du temps à l’extérieur. 

Je me sens bien au mouillage, Java aussi. Il évite tranquillement et librement autour de l’ancre. Au ponton ou à quai,  les aussières ou les amarres   bloquent, parfois brutalement, les mouvements du bateau, les défenses  frottent , parfois fortement les bordés rendant la vie à bord plus saccadée moins sereine. Pour moi, un beau petit mouillage peu fréquenté, bien abrité aux eaux calmes,  est du pur bonheur et un aboutissement réussi d’une belle croisière.  La plupart du temps,  sauf dans certains coins en pleine saison,  les places au mouillage sont grandes et nombreuses, surtout s’il sont un peu perdus.  
Un des  risques du mouillage est de déraper sur son ancre d’où l’importance d’en posséder une bonne avec la ligne de mouillage adéquate mais aussi de s’assurer de la bonne tenue des fonds ( pas toujours facile sans masque et tuba voire sans plonger).  Un autre risque est de d’être piégé dans un endroit devenu exposé par la rotation du vent d’où l’importance de bien suivre les bulletins météorologiques. Le plaisir de la navigation est de se déconnecter du monde, de se vider la tête,  tout en restant vigilant à la réalité. L’équilibre est toujours précaire et éphémère. La permanence de l’attention, de la vigilance se calque sur celle des mouvements du bateau. C’est jamais fini. 
Jusqu’à présent, le long de la « Costal del Morte » ( côte de la mort), j’ai visité une bonne partie des rias altas  entre El Ferrol et le Cap Finisterre   dans d’excellentes conditions. Ces parages peuvent être délicats à négocier quand le vent souffle fort et que la houle de l’atlantique vient se briser sur les falaises abruptes rendant impossible l’approche des abris où la mer déferle. A présent, vont se succéder les rias bajas, entre le cap Finisterre  et le rio Mino séparant l’Espagne du Portugal.   Dans ces quelques  rias successives ,  les mouillages sont possibles par dizaines. J’en ai déjà repéré quelques uns et même certains endroits où Java pourra se reposer sur ses deux quilles.  La Galice est un formidable terrain de jeu dans un environnement vallonné, riche au niveau de la pêche, des crustacés, des vins, des petits produits locaux ( fruits, fromages …), riche au niveau culturel et restant encore assez éloignée du tourisme de masse ( merci eau de mer fraiche). Les  visiteurs espagnols le savent bien, les étrangers non ou pas encore. Naviguer en Galice, la visiter est s’assurer de se mettre plein les yeux tous les jours.

Vers 11 heures, je me suis rendu au port avec mon annexe, sous une pluie fine. Le temps de balader dans les ruelles tordues ou zigzagantes puis  de manger un super menu du jour  ( au restaurant Apavaxia ) et un café dans un bar-pub-bibliothéque très original ( A Galeria), Les éclaircies sont revenues et je me suis rendu à pied jusqu’au phare du cap Finisterre qui est aussi le kilomètre zéro du pèlerinage de Compostelle ( zéro de fin ) . Les pèlerins y viennent pour y brûler leurs vêtements usés et s’offrir la fameuse coquille saint-jacques. Et malgré l’interdiction d ‘allumer du feu, il existe des traces de foyers par-ci par-là ou des petits agglomérats des restes d’équipements ( godasses, cadenas, chapeau, bâton …). Si le cabo Finisterre ( proviendrait du nom donné par les Romains «Finis Terrae »)  est bien le point le plus occidental de l’Espagne continentale, c’est le cabo de Roca au Portugal qui est le plus occidental de l’Europe continentale. 




"Restes de pèlerin" au cap Finisterre.

De retour sur Java, je décide de gagner la petite ria de Corcubion située à 5-6 milles de Finisterre pour y passer la nuit bien à l’abri: superbe navigation dans un beau paysage, à la voile ( «  allure- pêche et 2 maquereaux au bout de ligne) . Devant Corcubion, nous sommes à 2 voiliers  bien à distance l’un de l’autre donc normalement peinards,  pour la nuit ( attention aux cailloux qui veillent devant la plage  prés de Cee , tout au fond de la ria).  

Demain dans la matinée, je m’en irai sur Muros.

Dimanche 7 aout, au mouillage près de Freixo, 16 heures , 34 degrés dans la cabine toute ventilée et bien plus dehors!

Dehors, il fait très chaud, vraiment très très chaud. Même les goélands sont invisibles! Java est en disposition « canicule »: tout ouvert, volets et rideaux tirés,  grand taud ( 4 m par 3.5 m sur la bôme) en place. Je suis mouillé par 4 mètres de fond  dans le chenal à 1 mille au nord-ouest de Freixo. Heureusement, le vent souffle de nord-est à 15 noeuds et ventile bien. Mais l’air est franchement très chaud ( comme la journée d’hier où il a fait jusqu’à 38°). Les jours passés, la température,  à 25° environ,  était normale pour la région avec des fins de nuit  plutôt fraiches.  

Comme prévu, vendredi dernier, je suis arrivé à Muros vers 14 heures après une navigation à la voile, au portant, avec un tout petit vent. J’ai mouillé dans l’ensenada ( ensenada= anse en espagnol) de Muros à 30 mètres des quais et 100 mètres du port. 




Port de Muros: superbe ville.


Muros m’a bluffé par son charme. Il s’agit d’une ancienne  ville,  colorée,  située sur le bas d’une colline exposée à l’est, commerçante , port de pêche  très actif et port de plaisance avec marina depuis peu. Le front de mer est assez typique avec des immeubles de 3 ou 4 étages garnis  de nombreux bow-windows. En bas, s’échelonnent, de larges trottoirs, une route à faible circulation, un espace paysager ( laurier-roses,  bougainvilliers, hortensia, …), le chemin piétonnier puis la mer ou le port.  Mais le bijou est en arrière dans toutes les petites ruelles tortueuses et places piétonnes, avec des voûtes, des porches, des escaliers, des dallages, des vielles pierres de taille et tout un assortiment de surprises. Le plan de la ville et l’architecture sont improbables mais tellement captivants. On ne sait plus concevoir et encore moins concrétiser de telles réalisations tant nous sommes formatés, formés, éduqués, déviés, pollués, façonnés, abrutis, abêtis … jusqu’à anéantir toutes fantaisies et originalités. Muros est animée, touristique, active mais sans surpopulation de masse: pas de boutiques souvenirs à la con, pas de foule ni de bousculade … mais avec de nombreux bars, restaurants et terrasses bien pleins. Une belle plage de sable blond jouxte la ville. Le port de pêche est très actif, les poissonneries sont nombreuses sur le port avec de magnifiques  étals de poissons et fruits de mer.  Les bateaux de pêche sont très nombreux et de toutes tailles, toujours colorés, propres et entretenus. 
Malgré toutes les qualités de cet endroit, le port de plaisance est à peine à moitié-plein! Les mouillages sont peu encombrés ( une quinzaine de voiliers de passage). En 10-15 ans, de nombreuses marinas se sont construites. Les rares guides de navigation mettraient-ils en avant telle ou telle marina? 




Petite ruelle de Muros comme il en existe des dizaines.


Hier, samedi, je suis parti tôt de Muros pour me rendre tout au fond de la ria à Noia, tout au bout du bout. En remontant, je me suis arrêté  au port de Portosin pour faire le plein de gaz-oil: pompe fermée du vendredi 13h au lundi 9h ( je fais peu de moteur et il me reste du carburant pour encore 10 h de marche). Par contre, la marina est bien remplie.
Je mouille à marée presque basse près de Freixo, petit port de pêche et de de construction navale. Un gros et splendide  bateau de pêche, tout neuf, immatriculé à Lorient y est même mouillé et échoué ( et y a probablement  été construit) . Au fond de la ria, les bancs de sables sont nombreux et se déplacent tout comme le chenal. Ainsi, à marée basse, je fait le point en m’aidant de mes jumelles. Avec les 3 mètres d’eau supplémentaires  à marée, tout me parait clair. Peu de yachts s’aventurent ici. Je profite également de la marée-basse pour une cueillette de moules et de coques de bonne taille. Cuits à la poêle, ils deviennent un régal avec échalote, gingembre, ail , huile d’olive , 3 gouttes de vin blanc et accompagnées de haricots de mer de l’Aber-Benoit ( cueillis aussi par moi-même et séchés). 
Dix huit heures, repus, puis reposé, il est temps de continuer à remonter le chenal. J’avais bien vu un long pont routier qui semblait longer et surplomber Noia …  et qui ne figurait pas sur mes cartes.  Bizarre!
Port important dès le XV ème siècle, Noia m’attirait puisqu’il s’agissait d’une vieille ville surnommée «  la petite Florence ». Il était noté dans mon guide que le port et ses approches s’étaient sérieusement envasés mais je me voyais tout de même remonter jusqu’à la ville par le canal bordé de digues de calibrage et venir échouer Java sur ses 2 quilles  sur la vasière 
Mais, en remontant, je me suis rendu vite compte que le fameux pont routier ( inconnu de mes documents)  était construit avant la ville et qu’il était trop bas que pour je puisse passer en dessous… J’ai mouillé sans enthousiasme devant punta Testal à 2.5 kms du centre de Noia que j’ai gagné à pied.  La « petite Florence » est devenue un peu tristounette avec son port désert, effectivement envasé, avec de  grandes longueurs de quais inoccupés et des cales un peu fantômes … une grue souvenir.  Evidemment, la ville en pâtit. Elle n’avait pas, à mon avis, le charme plus intime de Muros. Sur les murs d’un musée maritime ( ouvert le dimanche de 12 à 13 heures, ne rigolez pas, c’était écrit) juste devant la rivière,  s’affichaient une vingtaine d’agrandissements d’anciennes photos de la ville au temps de sa prospérité. Il est difficile et douloureux d’imaginer la vie grouillante à une époque pas encore si lointaine. La ville tente de survivre, de sortir de son cauchemar ( avec comme point d’orgue, en 2014,  la construction du pont routier qui condamne définitivement l’avenir maritime de la cité et clos un riche passé ). Malgré de nombreux de bâtiments en mauvais état ou à vendre, des efforts visibles sont effectués. La tristesse et la morosité de Noia s’opposent  à la gaité et la joie de vivre de Muros. J’avais un sentiment étrange en quittant la ville vers les minuits, à pied,  avec tout un imaginaire désemparé. 




Noia: riche passé pour une ville désemparée.

Il est 17 heures. Le plan d’eau commence à s’agiter. La sieste est finie. Les bateaux de plaisance à moteurs et à voile, un jet-ski, 2 planches à voile, quelques pédalos  …. sont de sortie , le tout en petite quantité sur ce grand plan d’eau. La mer est bien montée et vient lécher la côte rocheuse  surplombée de pins à 100 mètres sur  mon tribord. La grande plage à 300 mètres est noire de monde.  Une cuillère  à maquereaux traine dans le courant derrière Java ( on ne sait jamais: un poisson affamé). Il est difficile de rêver plus tranquille. 




Au mouillage devant Camarinas.



Gildas  


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