Lundi 6 mai 2019 , Terceira,
Funchal, capitale fleurie et paysagée, de Madeira , avec ses plus de 100 000 habitants , donne une impression de plus grande ville encore.
Funchal vu du jardin botanique.
Belle floraison des nombreux jaracadas appelés aussi flamboyants bleus.
Fruits et légumes au mercado dos lavradores.
On ne s'imagine pas tout ce que Citroën peut faire pour vous.
Elle est devenue très, très, très … touristique. Le port reçoit 2 ou 3 gros paquebots de passagers par jour. L’aéroport tout proche est également très actif. Et beaucoup de tout ce beau monde débarque à la capitale et notamment au niveau du port et de la vieille ville qui deviennent complètement bondés et quelconques. Les diverses agences de sorties en mer ou sur terre, tout comme les restaurants et bars sont légions. Malheureusement le racolage est devenu presque systématique . Personnellement, je ne le supporte pas. Cependant, la ville est belle avec de nombreuses rues pavées en gris ou en blanc avec motifs ou pas, souvent courbes où se cachent de multiples placettes pleines de terrasses et de vie.
Ci-dessus, 2 photos de la belle rue piétonne de Santa Maria dans le vieux quartier avant le déploiement de toutes les terrasses des restaurants et la cohue touristique.
Le jour, tout ce charme est occulté par les troupeaux de touristes. Il faut arpenter la ville tôt ou attendre la tombée de la nuit pour découvrir un certain calme et la beauté des vieux quartiers où se côtoient à présent les étrangers et les locaux dans des proportions plus respirables.
Et ci-dessous, quelques photos des nombreuses portes peintes dans le vieux quartier.
Les prix et les qualités sont très, très, très variables pour une même prestation selon les endroits . Tout est possible, les bonnes comme les mauvaises surprises. J’ai pu consommer un mojito sublime à 3 euros, préparé avec amour , en terrasse avec une bonne musique latino mais une autre fois un mojito merdique à 6 euros dans un bar touristique sans charme … Funchal est assez déconcertante et demande un certain temps pour mieux la saisir, comprendre son fonctionnement entre les gens qui y vivent et ceux qui ne sont que de passage.
Rue piétonne à la tombée de la nuit.
Ici, c'est 3 euros le mojito de compétition, gentillesse et sourires inclus y compris un pied de nez à Trump.
J’ai passé une semaine agréable dans la petite marina où il nécessaire de réserver à l’avance pour obtenir une place. Contrairement à ma crainte, l’endroit animé le jour sait malgré tout rester calme , nuit y comprise ( du moins en cette période) . L’accueil est efficace et sympathique, les prix sont corrects, les sanitaires propres. Par contre, les eaux du port sont sales et grasses mais n’empêchent aucunement les poissons de pulluler. La marina est très bien protégée même si la houle peut entrer dans certaines conditions et mettre les amarres à rude épreuve. Située en bas de la ville, elle est très recommandable et très pratique. Par contre, je n’y laisserai pas mon bateau pour un long séjour.
Marina de Funchal avec des espaces arborés en arrière plan. Java est le deuxième bateau à partir de la gauche.
Jeudi 18 avril.
J’étais en attente d’une fenêtre météorologique pour monter sur les Açores distantes de 480 miles, soit idéalement, environ, à 4 jours de mer. Mais il faut compter sur les alizés du nord, les calmes anticycloniques, les dépressions balayant l’archipel des Açores et souvent avec des systèmes météorologiques totalement différents entre Madère et les Açores. Et il faut jongler avec tout cela, éviter les coups de tabac, les vents contraires et les calmes: pas toujours évident. Et là une possibilité semble se dessiner avec deux bulles anticycloniques « jumelles » sur les Açores qui devraient amener un vent favorable de nord-est assez fort au départ puis s’affaiblissant progressivement en remontant, pour devenir absent à l’approche de Santa Maria, ma petite île de destination. Il est fort probable que la fin de la traversée se fasse avec monsieur « gaz oil » , le moins possible, je l’espère. C’est décidé, je pars, le jeudi 18 avril à 8 heures. Les vents actuellement de nord-ouest , donc dans le nez, doivent passer , nord-est à 12h 08 pétantes …
Je quitte la marina, comme toujours avec "un ne sais quoi d’appréhension" qui s’efface rapidement et définitivement sans que je ne m’en aperçoive. Sous le vent des montagnes, le vent est nul et le restera jusqu’à la ponta Do tristao, à l'ouest de l’île. Pendant quatre heures, je longe la très belle côte sud, très habitée et habillée de multiples cultures en terrasses que l’abandon atteint progressivement surtout dans les zones les plus escarpées. Je passe près de la marina de Ponta Do Sol totalement détruite par les grosses mers du sud et celle de Calheta à peine mieux préservée et d’où ne dépassent que cinq ou six mâts de voiliers. Un gros poisson volant frôle la coque. Sur Madère, la seule marina réellement protégée est celle de Funchal ( sans oublier celle de l’île voisine de Porto Santo mais où la houle a encore son mot à dire). Les cultures en terrasses occupaient avant, tout ce qui pouvait l’être, certaines en des endroits complètement délirants à flancs de montagnes sur des pourcentages de pente invraisemblables. Quel boulot, que de risques …. Une bande de petits dauphins viennent s’amuser à l’étrave. Les puffins répètent sans arrêt leurs vols planés au raz de l’eau. Il fait beau.
Belle côte sud-ouest de Madère avec une succession de falaises, de plateaux, de barancos et de nombreuses habitations et terrasses.
J’atteins l’extrémité de l’île et attends le vent avec impatience et une certaine inquiétude. S’est-il vraiment bien orienté? A cent mètres devant moi, la limite est nette entre le calme actuel et les vaguelettes déferlantes de la surface de la mer qui indiquent la présence d’un vent soutenu. Et en 10 secondes, le vent passe de 0 à 20 noeuds, de …. nord. Pas trop mal mais peut mieux faire. Je déroule la trinquette et les 2/3 de la grand-voile, borde le tout et hop c’est parti , pour du près, en gitant , dans une mer agitée et une grande houle de 3 mètres. Je suis dans le bain.
Dans l’après midi, le vent s’oriente progressivement nord-nord est , je peux bien ouvrir les voiles en choquant. Java limite la gite. Ca remue, tape parfois, mouille rarement mais au moins, j’avance bien. Je suis content. Le vent faiblit même un peu et j’établis le génois en entier avec quelques tours d'enrouleur dans la grand-voile. Il me manquait de naviguer, de quitter la vue des côtes , de passer quelques jours en mer, loin de « tout », tout seul sur mon compagnon de route. Rapidement, je retrouve mes habitudes de vie avec notamment l’installation de mon grand lit-banquette bâbord dans le carré où je trouve toujours une position suffisamment agréable pour me reposer.
La nuit tombe. J’allume les feux de mât, règle les instruments sur l’éclairage « nuit », prépare ma lampe frontale, vérifie le bon rangement de l’ensemble du bateau. Depuis midi, je n’ai vu qu’un seul voilier qui descendait ( des Açores?) et atteignait la pointe ouest de l’île et un gros bateau de pêche. Depuis rien. Normalement, je devrais être peinard dans cette traversée à distance des routes maritimes fréquentées. Bien entendu, j’ai mon AIS-transpondeur en fonctionnement, avec alarmes et qui permet une vraie sérénité , jamais à 100% mais tout de même bien efficace. Pour cette première nuit, je décide une surveillance visuelle toutes les demi-heures. Dans un secteur plus agité , vers 1 heure du matin, le pilote automatique se laisse « embarqué » et j’empanne , le génois à contre et le passage de la grand voile amorti par le frein de bôme. Je ne me casse plus la tête maintenant, je démarre le moteur et remets tout le monde d’accord et à sa place puis réduis un peu la voilure. J’ai eu un peu de mal à trouver mon rythme cette nuit et à me reposer réellement.
Vendredi 19 avril.
A 8 heures du matin, ce vendredi 19 avril , j’ai effectué 134 miles en 24 heures. C’est bien. Le vent ayant faibli à moins de 15 noeuds, je déploie les panneaux solaires pour assister mon éolienne à la recharge des batteries. Le ciel est nuageux, la mer est grise, parfois clapoteuse et désagréable à certains endroits . L’allure de Java est plutôt confortable. Le vent est assez changeant et demande des réglages de voile assez fréquents pour garder de l’efficacité. J’essaie de me caler sur un rythme repos-veille mais comme souvent, les deux ou trois premières journées sont plus délicates.
Ce jour, le temps est resté couvert. Quelques dauphins m’ont salué amicalement et dynamiquement devant l’étrave. Quelques puffins s’amusaient comme à leur habitude avec les filets d’air au ras de la mer. J’étais travers-bon plein puis au grand large dans un vent changeant de 12 à 17 noeuds environ avec quelques accélérations m’obligeant à plusieurs manoeuvres de voilure. La houle était de 2 mètres et j’ai eu deux passages de 1 ou 2 heures où la mer était plus « crado", turbulente, clapoteuse, désordonnée, chiante ! ( courants probables). La nuit, le vent a faibli considérablement aux alentours de 8-10 noeuds.
Samedi 20 avril.
A 8 heures, ce samedi, j’ai effectué 122 miles en 24 heures. J’ai fait un peu plus de la moitié du parcours: très correct au vu des conditions. La mer s’est bien calmée, la houle aussi et le vent … aussi. Un dauphin est passé sans même me regarder! Je pue ou quoi! On ne dit plus bonjour? Mais, bon, je suis au travers et Java avance peinardement, confortablement sur une mer belle mais sombre.
La nuit suivante, le vent est passé grand largue- vent arrière, faiblard et la vitesse s’en est ressentie: 3 noeuds ! J’ai mis les voiles en ciseaux et tangonné le génois.
Depuis plus de deux jours, je n’ai vu aucun bateau ni à l’écran, ni de mes yeux.
Dimanche 21 avril.
A 8 heures, le dimanche , j’ai effectué 94 miles en 24 heures. Le vent est très très faible et je me traine. Je mets le spi qui stabilise le bateau. Vitesse 3 noeuds!!! Vers 16 heures le vent change et je suis au travers bâbord amure ( a changé de 180° en 24 heures). Evidemment, je range le spi et redéroule le génois. La mer est plate comme dans un lac. J’essore les derniers brins d’air, finis par enrouler toutes les voiles et à 17 heures, je mets le moteur. Il me reste 100 miles à parcourir.
Aujourd’hui, j’ai vu quatre cargos qui se rendaient en Amérique du Nord ( venaient-ils de Méditerranée?). Dans l’autre sens, un autre se rendait en Allemagne. Ils sont passés à plus de 5 miles. Mais bon, j’augmente ma vigilance.
Lundi 22 avril.
6 heures du matin, ce lundi matin, je me réveille avec un petit bruit sympathique de clapotis. Chouette, le vent revient. Effectivement, il s’est levé avant le soleil , de sud ouest pour une douzaine de noeuds, pile poil pour pouvoir arrêter le moteur et arriver agréablement à Santa Maria sous voiles. La lune en petit quartier m’a suivi à la trace, accompagnée d’une avalanche d’étoiles toutes plus brillantes les unes que les autres. Je suis à 30 miles de Vila Do Porto, la marina de Santa Maria. J’aperçois quelques lumières de l’île et les éclats du phare de la ponta Malmerendo. Sous toutes voiles déployées, Java avance 5-6 noeuds au bon plein sur une mer calme. Le jour se lève, le soleil apparait, très beau ce matin avec des lumières chaudes.
Sur mon écran AIS, apparait la cible d’un cargo depuis déjà quelques temps et il ferait bien une route collision. Il s’agit du GPPO Amethyst qui se rend au Pays Bas ( je sais tout). Effectivement au fur et à mesure de l’approche, la route reste « collision ». Un voilier est prioritaire en dehors des chenaux ou rails … Prioritaire, oui mais pas forcément gagnant! Voyons voir. A 3 miles de moi, il modifie sa route clairement de 12° pour passer derrière moi. A 2 miles, il en rajoute 5° et finalement passe à 3/4 mile derrière. Merci Capitaine, nickel. La manoeuvre d’évitement a été très propre, bien anticipée, avec une bonne marge de sécurité, un plaisir où personne ne serre les fesses. Je le signale puisque ces manoeuvres d’évitement ne sont toujours effectuées ( et loin s’en faut) de manière aussi hâtive, aussi franche, aussi anticipée, aussi arrondie. Elles sont réalisées assez souvent au dernier moment ( à se demander si on t’a vu) , au minimum de distance ( il ne faut pas que ton cap et ta vitesse bougent de trop, et à la voile, ce n’est pas évident), tout à l’économie. Il m’est aussi arrivé d’être obligé de me dérouter pour éviter un gros risque de collision... Mais j’avoue que les choses se sont améliorées et que les AIS et les transporteurs ont bien facilité et « obligé » un meilleur respect des règles ( En effet il n’est pas difficile de photographier les écrans GPS où apparaissent les différentes manoeuvres des protagonistes. et leur numéro d’identification. En cas de doute, je le fais).
A 8 heures, j’ai effectué environ 100 miles en 24 heures avec environ 13 heures de moteur. Mais le vent est revenu, juste bien. Je suis au bon plein, la marina est à 24 miles droit devant.
A 10 heures, il me reste encore 13 miles de navigation. Les conditions sont idéales, le ciel est clair, le soleil réchauffe, la visibilité est bonne . Santa Maria apparait clairement, escarpée et verte. Je vois le phare de la ponta Castelo et le bourg de Maia et Calheta.
A 12h30, je m’amarre au ponton de la marina de Vila do Porto. « Que bon » !
Autant, un départ en mer me file une certaine tension, autant, le « post amarrage » dans un port me refile un sentiment de bien être avec un relâchement immédiat. Dans cette petite marina, l’accueil est détendu et les formalités sont vites réalisées. Plaisanciers, professionnels, pêcheurs se partagent cet endroit sereinement. Il y règne une ambiance conviviale. Le bar-resto du club nautique rassemble tous ces protagonistes dans la bonne humeur.
Et c'est parti, pour une randonnée dans un paysage vallonné et verdoyant.
Ici, au centre, un fossile de coquillage marin, parmi tant d'autres, retrouvé à 100 mètres d'altitude.
En ce moment, tout est tranquille et calme, bien loin de l’animation estivale notamment avec les Açoriens de la grande île voisine de Sao Miguel qui y viennent s’encanailler. La nervosité de certains conducteurs ou les pétarades de certains deux roues gâchent un peu cette tranquillité .
Mais je me sens bien sur cette petite île campagnarde et paysanne.
C'est un nouveau paysage bien loin de ceux de Madère et encore plus des Canaries.
Jeudi 2 mai 2019.
J’aurais bien prolongé mon séjour sur cette belle île bien accueillante. J’aurais pu randonner bien plus mais après consultation des prévisions pas très réjouissantes de la météo marine, je préfère, profitant d’une petite fenêtre, continuer ma remontée et gagner Terceira à 140 miles au nord ouest où Claudie me rejoint dans 10 jours.
Je quitte Vila do Porto à 6 heures pour environ 140 miles de croisière et en gros 30 heures de navigation. La nuit s’effiloche. Les pêcheurs aussi quittent le port. Après une demi-heure de moteur, je hisse les voiles pour une navigation au près. Ce matin les petits dauphins sont à la fête et viennent se défouler autour de Java: ça plonge, ça saute, ça se tortille , ça vient de tous les bords. Quelle énergie à cette heure!
Ah, les dauphins! Leur vitalité vous refile toujours la pêche.
Le vent passe nord est et Java se retrouve grand largue, vent arrière. J’enroule la grand voile et continue sous génois seul dans un vent forcissant qui me permets de mettre Georgette au taf ( le régulateur d’allure) . Je ne la trouve pas très appliquée, peut-être le manque d'entrainement? . Je remets le pilote électrique. Pas contente, la Georgette.
A la nuit tombante, le vent forcit encore et j’enroule un peu de génois. La mer devient « crado » et Java roule sérieusement rendant la vie à bord fantaisiste . Cette nuit, je suis obligé de veiller près des côtes et me donne un rythme d’un quart d’heure : se lever, regarder grossièrement par les hublots puis sur l’écran GPS et enfin, jeter un coup d’oeil plus approfondi du cockpit, à l'abri de la capote. Ainsi, près des côtes, la navigation en solitaire est terriblement contraignante et fatigante, presque pénible.
Tout d'un coup, vers les 8 heures, Java se met à zigzaguer puis j'entends un "glong" dans le cockpit!!! Je regarde, la barre se ballade. Le support (en fonte d'aluminium!) du pilote électrique au niveau de la barre s'est brisé net. Bon, Georgette reprendra du service pour les derniers miles, m'évitant ainsi de barrer. Elle n'en revient pas, la Georgette, elle glousse. J'aurais dû depuis longtemps modifier ce point faible . Ca sera fait solidement avec une pièce en inox.
Finalement, après une nuit quasiment sans sommeil, j’arrive à la marina de Praia da vitoria vers midi, le vendredi 3 mai, dans un vent soutenu de sud-est de 25 noeuds. « Que bon »! Una ducha et viva la siesta.
Marina de Praia.
Lundi 6 mai.
Voici plus de deux ans et demi que je n’ai pas vu une seule goutte de pluie en naviguant , je dis bien en naviguant, du Portugal aux Canaries, dans l’archipel des Canaries lui-même, des Canaries à Madère, de Madère aux Açores et de l’île de Santa Maria à celle de Terceira. Je le signale puisque depuis que je suis arrivé à Terceira, il y a 3 jours, il vente fort et pleut de façon discontinue tous les jours et la semaine ne s’annonce pas mieux! Et bien, ça fait bizarre. Je suis aux abris dans la cabine fermée , à écrire et apprendre un peu de portugais. Le vent est turbulent et accroche bruyamment les gréements. Mon éolienne se défoule.
Hier matin, au lever, les 13 degrés indiqués au thermomètre ont valu un petit coup de chauffage Wallas! Avec mes deux panneaux solaires et mon éolienne, je suis totalement indépendant au niveau énergétique et j’évite d’utiliser l’éolienne un peu bruyante dans les marinas sauf des jours comme aujourd’hui où les nuages sont épais et que le bruit du vent couvre celui de l’éolienne. En quelques heures, mes batteries seront pleines à donf. D’ailleurs, c’est fait, l'éolienne s’est arrêtée de tourner.
La marina est bien protégée et reste confortable malgré les 30-35 noeuds de vent de sud ouest. Pendant les périodes de calme, j’ai visité la ville baroque de Praia da Vitoria, bien calme et tristounette par ce temps: plages, rues, terrasses pratiquement désertes avec quelques piétons habillés chaudement qui se promènent.
Entre potes.
Gildas.