dimanche 15 mars 2015

Transat Cap vert- La Martinique février- mars 2015

Bonsoir à tous,

Je devais déjà traverser l’Océan Atlantique l’année passée, à la même époque, avec mon ami Vincent puis travailler à la Martinique en collaboration avec un confrère généraliste jusqu’à la fin 2014.  Mais en janvier 2015 le début de l’épidémie de Chikungunya m’avait interpelé et j’avais renoncé à ce projet.
Depuis,  cette épidémie a sévi et touché environ le tiers de la population de la Martinique et de la Guadeloupe ( soit environ 250 000 habitants sur  800 000 des 2 îles). Bien entendu, toutes les Antilles ont été touchées ainsi qu’à divers degrés de nombreux pays de la région ( Guyane, Brésil…).
En fin de carrière, je ne m’y rendais pas pour exercer une grosse activité et en plus supporter la prétention et l’arrogance des ARS ( agences régionales de santé qui ont remplacé les DDASS départementales). Les ARS, d’une façon générale, veulent imposer aux médecins, leur façon  à elles d’exercer la médecine alors qu’elles ne sont que des administrations régionales,  en réalité centralisées ( chapeautées par l’Etat) et hégémoniques. On se rappellent encore, voici quelques années des péripéties délirantes et inefficaces de la prise en charge de la grippe H1N1 par ces fameuse ARS et Madame Bachelot, la ministre de la santé de l’époque ( un fiasco à 200 euros la vaccination  et seulement 10% de la population vaccinée!!! Heureusement que cette épidémie n’était qu’un ballon de baudruche percé …). Malheureusement ce sont  toujours bien ces ARS ( aux pouvoirs devenus hypertrophiés) sourdes et aveugles qui gèrent ces périodes d’épidémies et toujours sans tenir compte de l’avis des professionnels de terrain, professionnels qu’elles ne considèrent  que comme de simples pions à  leur disposition.
Et à 60 ans, par égoïsme assumé, je n’avais pas envie d’exercer en situation de crise. Malgré tout, je me sens toujours gêné  vis à vis du confrère avec qui je devais collaborer alors Dominique, encore une fois, tu m’excuseras.

Je vais vous narrer telle qu’elle s’est déroulée,  ma première traversée océanique atlantique de février-mars 2015 qui plus est en solitaire, avec peut-être trop de longueurs et de détails ( chacun y retrouvera ses centres d’intérêts). En mer, quand tout va bien, le temps ne manque pas et je me suis pris au jeu d’écrire.
Au risque de me répéter, j’ai choisi de vous raconter ma navigation au jour le jour.

Navigation en solitaire? Non pas exactement puisque j’ai une compagne et un compagnon à bord.
Mon compagnon, vous le connaissez déjà, il s’agit de ma mascotte «  Le Castor », l’optimiste maladif, la casquette vissée sur le crâne , les oreilles à l’horizontale , le regard divergeant, les deux incisives supérieures proéminentes et les pouces des deux mains invariablement dressés vers le haut. Finalement, je l’ai prénommé «  P’tit Pierrre » du prénom d’un ouvrier agricole petit par la taille mais généreux par le coeur qui a accompagné mon enfance.

Ma compagne, fine et élégante, s’appelle « Georgette ». C’est ma « Miss Barreuse », mon régulateur d’allure ( dénomination mal choisie à mon avis) qui désigne un pilote autonome éolien et non électrique qui, tous deux, peuvent remplacer un barreur.
Mon pilote électrique bruyant, énergivore  mais tout de même bien pratique me sert dans les manoeuvres de port et lors des petites navigations.
Ma « Georgette» à moi est un Windpilot Pacific de construction allemande ( comme son l’indique bien). C’est une merveille à 3500 euros ( mais achetée d’occasion à moitié prix).
C’est une belle fille presque parfaite, élancée comme une libellule, gracieuse, souple, équilibrée, contorsionniste, silencieuse, discrète, plus sobre qu’un chameau puisqu’elle n’utilise que le vent pour fonctionner. Elle est efficace, fiable, courageuse, imperturbable , infatigable, ne consomme aucune boisson, ne fume pas. Et , elle est tellement divine à regarder travailler…
Elle fonctionne 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, bosse comme une cinglée sans broncher sans déposer d’avis de grève ni demander d’augmentation de salaire, sans aucune contestation et sans aucune vibration désagréable. Ca va en faire des jalouses mais Georgette est comme cela.
Elle peut être un peu fainéante dans le petit temps ( moins de 8  noeuds de vent au portant) mais plus le vent souffle, plus elle apprécie. Elle peut se révéler un peu encombrante sur le tableau arrière,  et à l’arrière du cockpit avec le système de transfert de commande entre le régulateur lui-même et la barre du bateau ( mais elle peut s’enlever rapidement lors des séjours prolongés dans les ports ou dans les mouillages). Elle est exigeante quant au bon réglage et bon choix de la voilure. Un brin précieuse, elle ne supporte pas les algues ou autres corps étrangers dans les pieds.
Elle demande aussi un certain apprentissage et donc un peu de patience  et d’indulgence lors des premières utilisations pour comprendre les bons réglages.  Mais ensuite, elle se régale et je me régale.
Contrairement à un pilote électrique qui donne un cap magnétique précis , un régulateur donne un cap par rapport au vent ( si le vent tourne, le bateau aussi).
Mais  malgré ces petits défauts, ma « Georgette», à moi,  reste quasiment  presque magique. Je l’adore, je l’admire. Dans les pires situations, elle est encore là. 
Georgette était une magnifique poule marron,  d’une intelligente supérieure qui avait pris pour habitude de venir me chercher sur la route du retour de l’école quand j’étais tout gamin. Elle était mon guide en quelque sorte, un petit peu comme un régulateur d’allure. Je l’avais appelée Georgette puisque je trouvais qu’elle ressemblait plaquée à la maman d’un petit copain qui portait ce prénom.

Qu’est-ce je m’amuse en mer! Prénommer des objets! En fait, je me suis entouré de bons souvenirs d’enfance. 

Le jeudi 26 février 2015 ,  Mindelo,

Hier, j’ai récupéré les papiers administratifs de Java aux bureaux de la police maritime et des services de l’immigration. Puis j’ai complété l’approvisionnement en eau et en nourriture pour plus d’un mois ( je prévois large). 
Ce matin, j’ai acheté quelques produits frais aux marchés colorés et bruyants de Mindelo: fruits, légumes et poissons. J’ai ensuite finalisé ma situation avec le bureau du port de la marina. Puis j’ai effectué les derniers rangements sur Java en essayant de tout caler le mieux possible.



Pour les fruits et légumes. 




                                                            Et le poisson.

Les dernières prévisions météorologiques ( notamment les GRIBS) étaient correctes: alizés de nord-est en place mais avec tout de même une houle résiduelle de nord de 3-4 mètres. Mes voisins partis mardi dernier avaient décidé de partir d’abord au Sud pour espérer éviter cette houle. Un autre voilier partant aujourd’hui avait décidé comme moi de tirer droit sur les Antilles.

Je ne suis pas en course et je ménage donc ma monture. Je limite la vitesse  de Java à 6 noeuds sur la journée et 5.5 la nuit.

A 11 heures, sous moteur, je largue les amarres pour le port du Marin à la Martinique à 2086,57 miles environ et au cap 271° précisément. 
Le temps est beau et le vent souffle à 15-20 noeuds orienté au nord-est. Le port de Mindelo est très venté pendant l’hiver avec souvent 30 noeuds allant fréquemment jusqu’à 45 noeuds dans les rafales. C’est impressionnant. Pendant mon séjour, des bateaux  ont lâché  ou cassé des amarres, des taquets de pontons ont été arrachés, des défenses ou pare-battages se sont percés. Les pontons se vrillaient et se courbaient  et  les bateaux qui y étaient amarrés souffraient de mouvements de rappels assez violents et désagréables.
Aujourd’hui, c’est donc plutôt calme. Pendant la première demi-heure, je suis resté dans le port pour ranger les pare-battages, les amarres, la défense d’étrave, pour dérouler en partie la GV ( Grand-Voile),  pour présenter le tangon de GSE ( Génois Sur Enrouleur). En fait,  il s’agit de préparer le bateau pour la marche à la voile et ainsi éviter d’aller sur le pont quand Java aura quitté la protection du port.
Toutes mes voiles, GV de 25 m2, GSE de 33 m2 et trinquette ( petit génois de 14 m2) sont sur enrouleurs et je les manoeuvre toutes du cockpit.
Puis, j’ai déroulé  le GSE avec 2 ris ( toutes mes voiles possèdent  trois ris et prendre un ris consiste à diminuer chaque fois la surface de la voile ) et j’ai arrêté le moteur.

A 12 heures, Java sort de la baie de Mindelo, droit sur l’île de Santo Antao  puis je prends le cap au 271°( sur la Martinique)  directement sous  une allure portante ( à 20 ou 30° du vent arrière). Je règle Georgette, mon régulateur d’allure fonctionnant avec le vent et fixé sur le tableau arrière. Je  stoppe mon pilote électrique. Georgette a pris le relai.
Le vent a forçi progressivement, 30 noeuds  puis 35 noeuds entre les 2 îles de Sao Vicente et de Santo Antao ( effets d’accélérations connus). J’enroule le GSE à plus de 3 ris ( il reste environ 8 m2) et rentre la GV qui empêchait le GSE de bien travailler. 
J’avance bien à 6 noeuds dans une mer normalement agitée en rapport avec la force du vent.
J’ai vu trois oiseaux bizarres que je ne connaissais pas, très élégants avec une longue queue et un vol  gracieux  et parfois stationnaire pendant quelques secondes . Ils ressemblent à des sternes de Dougall. Après consultation de bouquin d’ornithologie, il s’agit vraisemblablement de phaéton à bec rouge.
Le vent est resté stable et régulier pendant 4 heures.

A 16 heures, après avoir dépassé la pointe sud-ouest de Santo Antao, en 5 minutes, le vent est passé de 30 noeuds à plus rien. Panne sèche! Ce sont les reliefs élevés des îles qui expliquent ce phénomème d’accélarations et de désaccélérations. Et j’ai navigué au moteur pour sortir de cette zone déventée. Parfois le vent faisait semblant de revenir et je déroulais le GSE pour rien, pour l’enrouler de nouveau cinq minutes plus tard puisqu’il faseyait.

A 18 heures, le vent s’est établi au nord-est à 8-10 noeuds et a forci progressivement pour s’établir à 15 noeuds jusqu’au lendemain matin. Le GSE était déroulé en entier et tangonné ( le tangon est un tube qui relie l’extrémité extérieure de la voile, le point d’écoute,  au mât permettant ainsi de la stabiliser ( technique utilisée au portant évitant à la voile de battre tout en augmentant son rendement et en limitant son usure).
Deux bandes de petits dauphins se sont amusés quelques minutes à l’étrave.

A 20 heures, je ne suis plus l’abri des îles et la mer est devenue forte avec une houle de 3-4 mètres de nord nord-ouest comme annoncée mais elle  était très très courte, abrupte, dure avec une aptitude à déferler rapidement .
Je suis rentré dans la cabine et me suis enfermé ( capot de descente et panneaux de descente fermés ).
Malgré le vent modéré toujours à 15 noeuds pendant toute la nuit, les mouvements du bateau étaient incessants, saccadés, désordonnés,  pénibles un peu comme si j’étais  dans un vieux train ou tramway qui roulerait sur des rails décalés en largeur et en hauteur. J’étais sans repère, « comme dans une machine laver le linge », disent certains navigateurs.
Je n’ai pas réussi à organiser un endroit pour bien me caler ( celui que j’avais prévu ne me satisfaisait pas) et je devais y repenser. J’ai donc mal dormi.
N’étant pas encore très éloigné des côtes ( une cinquantaine de miles tout de même), je me suis obligé à une surveillance extérieure toutes les heures cette première nuit.
Ce jour, je n’ai pas vu un seul bateau tout comme la nuit d’ailleurs ( en mer, à distance des côtes et des grandes voies maritimes, les risques de collision sont très faibles).


Vendredi 27 février.

8 heures.  
25° dans la cabine.
J’ai mal dormi et je me « réveille » fatigué dans une cabine bien instable et remuante .
Je grignote mon petit déjeuner pour recharger mes batteries: jus d’orange pressée frais, pain beurre, banane et yaourt.
Les conditions extérieures restent identiques et je maintiens la même voilure. Le temps n’est pas vraiment beau. Le soleil, noyé dans une brumasse laiteuse, est pisseux, froid, métallique . La mer est verte, sombre, forte,  irrégulière.

12 heures. 
J’ai accompli 121 miles depuis hier midi. Je réchauffe du poisson-riz au déjeuner.




20 heures. 
J’ai passé l’après-midi enfermé aux abris  dans la cabine à me reposer et à m’organiser un nid douillet pour la nuit. J’ai tout de même resserré un écrou du régulateur d’allure de même qu’une vis de fixation d’un panneau solaire dans le cockpit. 
Dans l’après-midi, le vent toujours nord-est a forci à 25 noeuds et j’ai enroulé le GSE à 2 ris. 
La mer s’est durcie. Les vagues de 2 mètres dues aux alizés  de nord-est et celles de 4 mètres de la houle de nord-nord-ouest courte et cassante se rencontrent et se surajoutent pour former une mer croisée très difficile à négocier.  Les lames déferlent et des trainées d’écume apparaissent ( cette houle était probablement résiduelle de vents  forts présents plus nord en Atlantique). 
Evidemment, le capot  et les panneaux de descente sont clos et le resteront jusqu’au lundi 2 mars. Le pont est régulièrement rincé par les vagues déferlantes qui attaquent par le travers et 3/4 arrière,  et  rendent la marche du bateau chaotique avec des embardées. Java part parfois au lof en prenant chaque fois un coup de gite ( un bateau part au lof lorsqu’il remonte brutalement et irrémédiablement vers le vent sans que le barreur ne puisse le retenir). Même le cockpit n’évite plus les paquets d’eau de mer et chaque sortie oblige à porter les cirés. Deux minuscules  poissons volants sont venus s’échouer dans le cockpit.
En fin de journée, le vent a encore forci à 35 noeuds avec toujours cette mer forte, croisée, imprévisible, agressive. J’ai enroulé le GSE à beaucoup plus de 3 ris ( il reste environ 6-7 m2). 
A bord, je suis bien seulement allongé. Sinon, je m’agrippe plutôt des 2 mains pour les déplacements. Je me nourris en grignotant des fruits frais et secs, des légumes, des yaourts, du pain fromage. Il est  trop dangereux d’utiliser le réchaud dans ces conditions ( risque de brûlures notamment).

21heures.
Comme tous les matins et tous les soirs, je contrôle visuellement le pont, le gréement, les voiles, le régulateur d’allure. Tout va bien. 
Allez hop, à la bannette.
J’ai réussi à me garantir un bon calage sur la banquette bâbord du carré.



                                                     Bannette de mer.


Samedi 28 février.

8 heures.
J’ai dormi par tranches mais je suis bien reposé. C’est un sommeil de marin: singulier, jamais réellement dans les bras de Morphée qui doit se morfondre mais la navigation, c’est la navigation. 
Le soleil est tristounet et la brumasse toujours présente.
Le vent souffle toujours 30-35 noeuds dans ma petite voilure identique. 

12 heures. 
Java a accompli 130 miles en 24 heures.
Dans la matinée, la mer est devenue très forte avec des tourbillons d’écumes à la crête des lames. La mer était  courte, méchante, croisée avec des lames  de plus en plus hautes et déferlantes. Elle malmenait et cognait le bateau comme des coups de boutoirs. Les lames s’écrasaient sur le pont et dans le cockpit et les départs au lof devenaient de plus en plus fréquents. 
Mais que faire d’autre? La voilure était adaptée, le cap que je suivais était logique par rapport aux deux systèmes de vagues.  
Mais comment pouvais-je être aussi malmené en ce moment, en cet endroit, sur la route des alizés?  Je ne comprenais pas mais peu importait. Georgette rattrapait les embardées et travaillait merveilleusement bien. Jamais,  je n’ai  eu besoin d’intervenir. Que faire d’autre que d’attendre et se mettre aux abris? La mer , vraiment mal lunée ,  se calmera bien.

15h30.
J’étais allongé, cette fois-ci, dans la cabine arrière, bouquinant tranquillement l’ouvrage «  les grands navigateurs » d’Alain Bombard. Dehors, la mer s’éclatait. Et juste au moment où  Amundsen plantait le drapeau norvégien au pôle sud le 14 décembre 1911, j’ai senti le bateau partir au lof mais plus vite et plus fort que d’habitude, puis un silence bizarre puis le bruit d’une déferlante qui s’explose sur le tiers bâbord arrière. Le choc  a été violent. Et j’ai senti Java giter de plus en plus , allant jusqu’à se coucher. Toujours allongé, de ma couchette, j’ai vu le niveau d’eau passer au travers des hublots du pont puis l’eau de mer s’écouler par les joints des capot et panneaux de descente fermés et enfin des objets  voler dans  la cabine. J’avais chaviré à 90°!

Là, je me suis répété ce que j’ai toujours lu sur les voiliers: ils  se redressent toujours. Effectivement au bout de 2 secondes environ, j’ai senti ce mouvement de redressement progressif et sans à-coups. Java était retombé sur ses pattes. Rassurant.
Je suis sorti de ma couchette rapidement. Devant moi, P’tit Pierre, le castor,  était toujours bien calé sur son chauffage, harnaché au tuyau de cheminée, toujours égal à lui-même, les 2 pouces des mains bien dressés vers le haut : «  Tout va bien ». Bon, puisqu’il le dit …
Divers objets en désordre jonchaient la cabine . Je soulève le plancher:  le fond de cale ne contient que très peu d’eau. Rassurant.
Je jette un coup d’oeil par le petit panneau de pont. Le mât est debout, le GSE gonflé et le bateau a repris normalement sa route. Rassurant. 
Je passe le ciré et le harnais, et sors dans le cockpit. Je récupère et remets en place  les caillebotis du fond de cockpit restés coincés dans les bouts et les filières. Sous le choc de la déferlante ou du chavirement,  deux arceaux de la capote s’étaient bien tordus ( dont un sérieusement)  et le tissu s’était déchiré mais sans grande gravité. Une barre de maintien  en inox du panneau solaire bâbord  s’était arrachée et la barre de support inox de la partie haute du même panneau s’était déformée. Et ma paire de gants marins avaient disparu. Sinon, tout était resté à poste et fonctionnait correctement. Je pompe les quelques litres d’eau qui s’étaient engouffrés à  bord. Rassurant.
Bien entendu, pendant ce temps-là, les conditions de mer étaient restées identiques, toujours aussi exécrables mais j’ai conservé exactement les mêmes réglages et le même cap puisque ils me semblaient bons. 
 Et,  n’ayant plus rien d’urgent à effectuer à l’extérieur, je me suis rapidement remis aux abris. Je rentre dans la cabine. Comme tout était bien calé, la vision du carré n’était pas catastrophique. Mais à ce moment-là, le GPS principal  a bipé et sur l’écran est apparu:  «  pas de position GPS ». Bizarre! J’avais toujours la carte sur l’écran mais plus la position. Pour l’instant, j’utiliserai donc mon petit GPS portable de secours pour établir ma position.

Finalement, je m’en sors bien. Même si ça bouge bien, il est difficile de rester les bras croisés dans ce genre de situation et j’ai commencé par le ménage intérieur.  J’ai essuyé l’eau de mer qui avait giclé par les joints du capot de descente et par l’aérateur du carré, et qui avait éclaboussé vers mon coin navigation et s’était faufilée dans des endroits improbables. J’ai récupéré tous les objets et choses un peu volages: l’ail, les échalotes, les oignons, quelques pommes , bananes, sets de table, serviettes …, ustensiles de cuisine mais ce n’était rien de bien grave. 
A la fin, il restait deux récalcitrants qui prenaient un malin plaisir à m’énerver en se glissant ( volontairement, j’en suis sûr) dans tous les coins les plus reculés, les fissures les plus étroites de la cabine ….J’ai nommé, j’ai nommé, j’ai nommé … les grains de riz et les cure-dents.
Enfin, j’ai essuyé les quelques endroits où l’eau graisseuse de fond de cale avait jailli.
Deux ou trois heures plus tard (et oui,  faites un essai et aspergez votre cuisine partout, partout, avec un kilo de riz , vous comprendrez, et en plus ici, çà remue ), l’intérieur était presque parfait , juste un peu humide.

Dehors, la mer était toujours en grande forme,  décidée à faire durer le plaisir,  mais aucune autre vague vicieuse n’est venue déstabiliser Java. Il en suffit d’une; Certains marins les appellent  les vagues  scélérates.

20 heures
Je pense ressentir une certaine amélioration: les lames déferlent moins et mes départs au lof deviennent plus rares. Le vent me semble identique et j’ai conservé mes plus de 3 ris dans le GSE. Java avance toujours à près de 6 noeuds. Sur le pont, tout va bien.
Je me suis renfermé. 
Quelle journée! J’ai pris un apéro, double! J’ai dîné et je me suis couché.



                                                 çà a un petit peu bouger dedans!




                                              Et dehors aussi, arceaux de capote déformés.


 Dimanche 1er mars.

8 heures.
Il fait 25° dans la cabine fermée mais un peu humide.
Le soleil apparait plus franc à travers des nuages.
Je n’ai pas beaucoup dormi mais me suis bien reposé.
J’avais mis le nez 2 ou 3 fois dehors. Vers les 3 ou 4 heures du matin, l’état de la mer s’était un peu amélioré.
Ce matin, le vent souffle à 25 noeuds. Des creux de 3 ou 4 mètres sont présents avec une mer toujours croisée et abrupte, mais moins déferlante.
Le petit GPS me donne une position à16°07.173 N et 031°13.707 W et un cap à 270°.

12 heures.
Aujourd’hui, c’est dimanche et j’ai décidé de me reposer. Je m’occuperai des petits problèmes quand une véritable accalmie apparaîtra .
Evidemment, Java est fermé à triple tour. Le confort est spartiate (même pas une étoile au Michelin). Au déjeuner, des pâtes « iront bien avec moi ».

20 heures.
Toujours aussi haute, la mer devient de plus en plus  rangée ( ou de moins en moins désordonnée). Le vent de nord-est continue à mollir à 20-22 noeuds et je passe mon GSE à un ris ( 27 m2 déroulés sur 33). La vie à bord retrouve un certain confort.


Lundi 2 mars.

8 heures.
J’ai bien fait de me lever ce matin après une nuit de sommeil correcte.
Le soleil brille. La mer est devenue peu agitée. Le vent de nord-est souffle à 17-18 noeuds et j’ai déroulé totalement GSE.
Et pain grillé et thé sont de sortie au petit déjeuner.

J’attaque le problème du GPS-cartographe dont l’écran m’indique la carte mais pas la position. Ce n’est pas pratique. A priori, il s’agirait donc d’une non-réception. L’antenne, en forme de champignon et fixée sur le balcon bâbord arrière, n’aurait-elle pas supportée le trempage lors du chavirement? 
J’enlève le chapeau et aussitôt , 2 ou 3 cm3 d’eau en profitent pour déguerpir!!!  Quel matériel soit-disant nautique et étanche de M…! Avec une petite seringue d’eau douce, je rince toute l’électronique. J’essuie. Je laisse sécher. Puis je nettoie délicatement tous les éléments de connexion avec une petite brosse. Je recommence 3 fois l’opération. Je mets un coup de bombe de 3 en 1. Je laisse sécher deux heures à l’air. Puis je remets le capuchon et refixe l’antenne à sa place. 

12 heures.
Je mets le GPS en marche. Incroyable, il me donne ma position: 15°43.869 N et 033°38.582 W soit à 505 miles de Mindelo et 1582 miles du port du Marin. 505 miles en 4 jours restent corrects.

Cet après-midi, je me détends. En fait, j’ai écrit mes petites aventures tranquillement assis à la table à carte.

20 heures.
Aujourd’hui, fut la première journée vivable, agréable, normale depuis mon départ jeudi dernier.
Et ce soir, j’ai trinqué avec mon Papa qui aurait eu son anniversaire le 3 mars.
Je reste trainer un peu dehors, dans le cockpit. La mer est belle, sereine. La lune est presque pleine. Le ciel est dégagé. Les étoiles brillent. La voie lactée est floconneuse. Il fait bon d’être là. Et pourtant deux jours avant…

Mardi 3 mars, 

8 heures
J’ai bien dormi.
25° dans la cabine.
Beau temps.
Vent nord-est 15 noeuds. Mer agitée. Sous GSE entier.
Un poisson volant encore vivant de 20 cm s’est échoué dans le cockpit: allez hop, retour à l’eau salée (il est chanceux,  j’ai encore du frais au frigo ).



12 heures.
Java a accompli 130 miles en 24 heures. Il reste 1452 miles jusqu’au port du Marin et j’ai effectué 635 miles depuis Mindelo.
Je m’aperçois sans grande surprise  ( puisque je sais qu’il existe un problème depuis quelque temps) que mes panneaux solaires et mon éolienne ne rechargent pas mes batteries. Ces dernières  sont encore  chargées à 12.3 volts et cependant le moteur refuse de démarrer !!! J’ai l’idée de décompresser le moteur avec la petite commande prévu à cet effet, , et là, il démarre. Je le fais tourner une heure pour la charge des batteries.
Je mets ensuite le nez dans le coffre à batteries et simplifie au maximum. Je vérifie le serrage de tous les fils, agrandis le trous des cosses en cas de doute, lubrifie et resserre le tout. A présent, le moteur démarre normalement et je m’en servirai une heure par jour pour une recharge suffisante pour le fonctionnement du frigo et des appareils de navigation ( GPS  et feux de mât notamment).

20 heures.
Aujourd’hui, ce fut  enfin, la première journée plaisance avec les capot et panneaux de descente ouverts. 


Mercredi 4 mars.

8 heures.
Beau temps. 
Mer  agitée avec houle de nord de 2 mètres.
Vent nord-est 10 noeuds. Vitesse 4 à 5 noeuds. Georgette travaille correctement malgré le peu de vent, la houle et l’allure portante.

12 heures.
Java a accompli 117 miles en 24 heures.
Je m’occupe diversement: sieste, lecture, écriture, rêverie, contemplation.
C’est une superbe journée de mer avec un vent un peu faiblard mais l’équilibre se rétablit.

Aujourd’hui, malgré tout, je sens une certaine routine et des habitudes s’installer. Je suis bien avec moi, P’tit Pierre et Georgette.  Nous nous arrangeons bien.
Je n’ai pas vu un seul oiseau ce jour mais les poissons volants sont nombreux.



Amerrissage raté!


J’ai même essayé de pêcher mais de nombreux petits paquets d’algues marrons viennent s’agripper à la ligne. J’ai tout ramassé. Pourtant la mer est d’un beau bleu vif.



                                                                 Pénibles, ces algues!



Jeudi 5 mars.

8 heures.
Depuis 3  ou 4 nuits , je dort correctement puisque le vent est suffisamment constant pour m’abstenir pratiquement de réglage . Je peux juste avoir besoin de border ou de choquer la voile,  ou de tourner la molette de Georgette pour fignoler le cap.
Beau temps nuageux avec un vent mollasson d’à peine 10 noeuds donc GSE entier et Java avance à 4,5 noeuds.

12 heures.
Me voilà en mer depuis 1 semaine.
Java a accompli 117 miles en 24 heures, 869 miles  en une semaine et il en reste 1218 avant la Martinique.
Même mes descriptifs deviennent répétitifs. J’ai vu  encore quelques oiseaux, des poissons volants. 
Les tapis d’algues marrons sont de plus en plus denses aujourd’hui et gênent même parfois le fonctionnement de Georgette qui peine à s’en démêler la patte ( elle est cul de jatte). J’imagine le même scénario au niveau du safran et des quilles de Java!
Je n’ai pas été sur le pont depuis trois jours sauf aujourd’hui afin de prendre une gaffe pour enlever les algues du safran du régulateur. C’est idiot puisqu’elles reviennent au fur et à mesure que je les enlève.

20 heures.
Même vent et même voilure toute la journée. J’ai cependant essayé de porter GSE et trinquette en ciseaux  mais sans avantage évident. J’ai donc enrouler la trinquette.
Au dîner,   je termine ma réserve de légumes frais ( concombre, tomate, radis blancs …) mais bien entendu, j’ai toujours les patates, les oignons, les échalotes, le gingembre, l’ail, les carottes sans compter, le beurre, les yaourts … et les fruits, pommes, un ananas, bananes, oranges.






Vendredi 6 mars.

10 heures. 
Même si j’ai gardé l’heure française à ma montre,  je décale inconsciemment.  Ici, le jour relève à 9 heures et la nuit tombe à 21 heures.
Beau temps un peu plus chaud avec un vent nord-est à 10 noeuds. mais la mer reste cependant agitée avec cette houle de nord qui perdure.

12 heures.
Java a accompli 102 miles en 24 heures.
Le vent passe est sud-est  en mollissant à 8 noeuds et je change d’allure. J’ai passé le tangon à tribord. Je suis bâbord amure! Georgette continue à bien bosser et j’en suis agréablement surpris.

16 heures.
Depuis Mindelo, Je vois mon premier bateau, un vrai grand bateau qui approche sur bâbord arrière. Nous sommes au milieu de l’océan atlantique et  le voilà qui passe à 1/4 mile de Java  en ralentissant sérieusement,  avant de reprendre sa vitesse de croisière!

20 heures.
Le vent forcit à 20 noeuds puis 25 noeuds à 21 heures puis 30 noeuds à 22 heures. J’enroule le GSE à  un ris puis deux  puis trois. La mer devient forte mais peu abrupte et peu déferlante.




     

Samedi 7 mars.

10 heures.
Toute la nuit, le vent a soufflé fort.
Temps nuageux.
27° dans le carré. Ce matin, le vent a faibli, à 15 noeuds. GSE entier.
Mais la mer reste toujours agitée et rugueuse! Java roule.

12 heures:
Java a accompli 117 miles en 24 heures.
J’ai vu quelques oiseaux, genre puffins.

18 heures.
Tout à coup, j’entends un bruit qui m’était familier, celui de mon éolienne qui tourne!!! et qui charge!!! Elle a fonctionné 2 heures! Elle m’agace. Je l’enlèverai à mon arrivée, la contrôlerai, la réviserai , la nettoierai. Mais elle m’agace!

20 heures.
Vent d’est 20-22 noeuds. J’enroule le GSE à un ris.
Il a continué à monter à 25 noeuds et est passé plus est nord-est. J’ai enroulé un ris de plus et en ai profité pour passer tribord amure et changer le tangon de côté. Le bateau roule dans 2-3 mètres de creux.

Dimanche 8 mars.

10 heures.
Vent  est nord-est à 20-22 noeuds. Je passe le GSE à un ris.


12 heures.
Java a accompli 126 miles en 24 heures.
Beau temps nuageux  avec quelques gouttes de pluie.
Tous les jours, les algues marrons sont présentes en grandes quantité et rendent la pêche impossible. 

20 heures.
Le vent est est 20 noeuds. Sous GSE à 1 ris.


Depuis que je suis parti de Mindelo, la mer reste constamment  pour le moins agitée et souvent forte. Mon allure est presque vent arrière et le roulis me gêne beaucoup et me complique l’existence à bord, pour tout. A bord, je me déplace comme un mec bourré qui s’agrippe aux mains courantes, aux épontilles et à tout ce qui est possible de crocher,  toujours, tout le temps. J’écarte les jambes ( pas de mauvais esprit) et je suis penché en avant dans ce lieu instable qui se meut de tous les côtés avec des mouvements de rappels pas trop sympathiques et jamais prévisibles. Je m’adapte mais ne m’habitue pas.  Evidemment, tous les objets ont une fameuse tendance à glisser et à se balader selon les lois têtues de la  pesanteur. C’est bouffant, usant, énervant. Tout devient galère: verser de l’eau dans une casserole, remplir un verre, se servir à manger, faire la vaisselle, la vinaigrette et même  tuer le homard ( je rêve) …, s’habiller, se déshabiller, se laver … C’est tellement difficile de se préparer un petit pastis que je n’en bois plus! Et je n’y peux rien, 24 heures sur 24.




Cuisiner devient parfois de la haute-voltige.



Je suis dans un voilier qui se tortille et se contorsionne sur sa trajectoire et je subis.  P’tit Pierre s’en fout, il ne prend jamais d’apéro.
J’ai retrouvé ce témoignage qu’avait écrit  sur le journal de bord Monic, notre équipière lorsque nous  naviguions en Irlande ( automne 1980, je crois) sur le premier muscadet ( petit voilier  de 6.40 mètres) que j’ai possédé. T’en souviens-tu l’ami Bébert? Je le trouve particulièrement éloquent.

«  Ah, que j’apprécie ce mouillage . Sa tranquillité contraste tant avec les deux journées de navigation précédentes où nous avons été ballotés dans tous les sens. Je me sens à ces moments, dans une très mauvaise forme et montée contre cette mer qui ne veut pas me laisser tranquille… J’aspire beaucoup à vivre ma tranquillité et ne supporte pas qu’elle soit niée… Chaque fois, je me sens comme le galet prisonnier que la mer ballote à sa guise… Sensation désagréable qui peut arriver à son point de non retour quant à mes émotions vis à vis de la mer.
Calme! Merci tranquillité! Mes sens agacés ne peuvent plus jouir du temps, des moments… Je me crispe à vouloir le calme, le silence, la paix. Je me contracte, mon corps tout entier bloque, mon esprit et mon corps s’unissent pour refuser… Je ne profite plus… Je refuse cet élément qui joue avec mes sens et se moque de mes sensations…
A partir de ces ressentiments, je ne suis plus capable d’enregistrer quoique ce soit qui se rapporte à la conduite en mer… Je me sens incapable, sans goût ( dégoûtée), pas disponible du fait que mon équilibre premier soit nié… inexistante…
Crevée, mes forces m’abandonnent ainsi que ma volonté pour réagir. Je ne vaux plus rien sur le bateau… Je ne peux plus goûter à ce nouvel élément et apprentissage.
Cette description négative n’est valable que pour certains moments où je ne me sens pas exister mais manipulée, ballotée… sentiment tout à fait insupportable… C’est pourquoi, j’apprécie aujourd’hui ce mouillage… ».

Et Monic ne souffrait pas du mal de mer. Elle décrit parfaitement cette sensation difficilement supportable de ne plus s’appartenir et de subir les mouvements incessants du bateau.  Je n’en suis pas à ce stade là, loin s’en faut mais c’est ce dont j’ai le plus souffert durant cette traversée.



                                                Aquarelle de mon ami Bernard Bourlès dit Bébert ( Irlande 1981!!!).




                                                   C'est moi! Toujours en Irlande en 1981!



Lundi 9 mars.

10 heures.
27° dans le carré. Pression atmosphérique stable.
Temps nuageux.
La mer est agitée avec un vent d’est nord-est 22 noeuds. Sous GSE 1 ris.
Tout est fermé. J’ai simplement enlevé un panneau des descente et le panneau de pont des toilettes restent la moitié du temps un petit peu entrouvert. La mer  reste un peu croisée et  pas une heure ne s’écoule sans qu’une lame ne  gicle dans le cockpit, et bien entendu dans la cabine si elle pouvait. Même, ici assis à la table à cartes, je m’en méfie ( elle a été éclaboussée plusieurs fois). Je suis vigilant et j’ai réussi en grande partie à garder l’intérieur de Java à l’abri de l’humidité.

12 heures.
Java a accompli 130 miles depuis 24 heures.
Le vent passe de nord nord-est à est nord-est et monte à 25 noeuds. J’enroule le GSE à 2 ris et abats de 30°. Toute l’après-midi, le vent est irrégulier entre 15 et 25 noeuds, obligeant à nombreux réglages de voile.
Temps nuageux avec quelques gouttes de pluie mais pas suffisamment pour me prendre une douche.

20 heures.
Vent stable à 25 noeuds. GSE à 2 ris.

Mardi 10 mars.

10 heures.
Beau temps nuageux. 26° dans la cabine.
Le vent est resté stable à 25 noeuds toute la nuit. J’ai bien dormi 2 fois 3 heures.
Pas de réglage cette nuit.

12 heures.
Java a accompli 129 miles depuis 24 heures.
Vent nord-est à 20 noeuds. GSE à 1 ris.
30° dans la cabine.
La mer est agitée avec toujours cette petite houle bizarre de nord,  piquante et agressive qui éclabousse le pont et le cockpit m’empêchant de lire tranquillement à l’extérieur.

Aujourd’hui je lis un bouquin de James Cook ( 1728-1779), navigateur  anglais de la deuxième moitié du XVIII , titré «  relations de voyages autour du monde ».  Il s’agit d’un ouvrage écrit par lui-même, un genre de carnet de voyages qui décrit précisément le déroulement  de ses trois  voyages autour du monde, de ses découvertes tant territoriales  que scientifiques et qu’humaines 
( le deuxième voyage  par exemple a duré 3 ans et 70 000 miles avaient été parcourus !!!). En tout, il résume neuf ans de navigation ( effectués en 11 ans) dans des lieux peu ou pas connus avec même beaucoup de navigations dans le grand-sud  ( jusqu’au 70° de latitude sud!!!)  mais aussi le grand nord ( jusqu’à 71° nord dans le détroit de Behring ). L’ouvrage que je lis pour la première fois est intensément  riche avec une description très précise de la réalité quotidienne de voyages extraordinaires à la limite du crédible. Ce  bouquin remet du bon sens et du réalisme dans les idées et dans les actes , bien loin de la mentalité déconnectée du vrai monde de nos technocrates de tous bords  qui savent tout sur tout dans la théorie mais en fait ne connaissent rien de rien dans la pratique de la vie ordinaire citoyenne. C’est un super bouquin  dont le style n’est pas très agréable  mais d’une richesse inattendue et ébouriffante. 

Ceci étant, beaucoup de bons sauvages et peuplades « amis » ont disparu de la planète  à ces époques dites de découvertes . D’ailleurs Cook écrivit  ( sans une probable mauvaise foi ou sans   un aveuglément certain ou peut-être simplement par devoir d’obéissance à la couronne britannique): « N’est-il pas légitime de leur part ( des « naturels » comme il appelait les autochtones) de penser que sous les dehors d’une visite amicale nous venions envahir leur pays ». Tiens donc! 


17 heures.
Vent nord-est faiblissant à 15-17  noeuds. GSE entier.

20 heures.
Premier grain véritable mais pas trop fort. Assez souvent,  en approchant des Antilles, sévissent des lignes de grains pouvant être violentes avec des accélérations et des changements de direction subits et importants de vent où il est facile de casser du matériel ( normalement c’est plutôt en été).
Et ce soir au coucher, une ligne de grains s’étirent devant moi. Il m’est difficile de l’éviter. Alors sera t-elle pour moi ou aura t-elle disparu quand j’arriverai à ce niveau? Normalement ces lignes de grains se déplacent d’est en ouest, m’obligeant à surveiller plutôt mon arrière que mon avant ( du bateau évidemment).

Mercredi 11 mars.

10 heures. 
Je n’ai pas eu de grains cette nuit mais le vent est resté stable à 25-27  noeuds . GSE enroulé à 3 ris. La mer était assez forte avec quelques déferlantes bruyantes. 
Beau temps. Mer sombre et agitée.
Vent est nord-est à 20 noeuds. GSE à 1 ris.


12 heures.
Java a accompli 125 miles en une journée.

20 heures.
Vent 22-23 noeuds environ de nord-est. GSE à 1 ris.
Journée plutôt agréable.
Mer agitée mais cockpit au sec.
Après-midi de lecture et d’écriture.

Ma traversée se poursuit régulièrement.
Il me reste 443 miles à effectuer et j’en ai parcourus 1643.
Me refusant  de naviguer de nuit près des  côtes martiniquaises que je connais pas bien ( bateaux de pêche, éclairés ou pas, mouillages et ports encombrés à cette époque, divers trafics   …) , je commence à réfléchir sur la date de mon arrivée. Si le vent ne m’abandonne pas, je devrais arriver au port du Marin dans  l’après-midi de dimanche prochain. Sinon, ce sera lundi dans l’après-midi.
Finalement, le temps passe vite. 

La semaine passée, j’ai navigué dans une clarté permanente, solaire le jour et lunaire la nuit ( pleine lune le 5 mars). Ainsi, au clair de lune, l’environnement parait ouaté, arrondi, limé. Tout parait plus proche. Le paysage  marin a un charme fou dans cette lumière tamisée. 
Et puis cette semaine, en première partie de nuit , l’obscurité est totale mais au-dessus de ma tête,  le spectacle est permanent et affiche  complet. 
Quelques chiffres et nombres donnent le tournis et confirment l’impossibilité d’imaginer la grandeur de l’espace.La voie lactée, notre galaxie à nous, a un diamètre de 100 000 années-lumière et une épaisseur de ( seulement!)  2 000 années -lumière. La lumière se déplace à 300 000 kms par seconde soit 10 000 milliards de kilomètres par an. Je vous laisse déjà imaginer.
Et jusqu’ici, c’est encore très simple puisque la voie lactée, notre galaxie que je viens de décrire, n’est qu’une des milliards de galaxies recensés dans l’univers observable. Je pourrais donc continuer mes élucubrations sur l’univers inobservable  mais bon, le temps passe, j’ai le dîner à préparer et surtout vos neurones à protéger.

Après dîner, je m’allonge dans le cockpit et sans même avoir un bouton à tourner, dès la tombée de la nuit, le spectacle est là. Que c’est beau, un vrai ciel étoilé dans une vraie nuit noire sans aucun parasite lumineux comme ici au milieu de l’océan. C’est vertigineux. Je n’y connais pas grand chose mais je m’amuse à repérer mes quelques constellations adorées, la grande ourse,  la petite ourse, le dragon … Et je suis là  tout minuscule, sur mon petit voilier perdu au milieu de océan atlantique à déambuler dans cet univers inconcevable. Qu’y suis-je?





                                                    J'en ai connu des plus beaux!





Jeudi 12 mars.

10 heures.
Hier soir, vers 23 heures, il faisait nuit noire et je prenais l’air dans le cockpit avant de me coucher.
Je me suis aperçu que le bateau n’était pas stable sur sa route et que Georgette devait manquer  d’attention.
  • «  Georgette! Tu as bu , tu as la grosse tête ou tu veux retourner à la maison? » l’interpelais-je.
  • «  D’abord, tu me parles sur un autre ton. Ensuite, je n’y suis pour rien si Java fait la tronche. Enfin, je n’y suis pour rien non plus si tu ne fais pas ton job de capitaine… Ce n’est pas mon bateau, c’est le tien! »
Prudemment, j’arrête là la discussion et je cherche à comprendre. Je regarde le safran  de Georgette. Pas d’algue, il est propre. Je prends la barre à mon compte. Le bateau ne se comporte pas bien.
  • « Tu vois bien que je n’y suis pour rien! » balbutie Georgette.
Bizarre tout de même.  j’ai la barre bien en main mais ne peux piloter le voilier correctement. Mais je sens bien qu’il ne s’agit  pas un soucis matériel. La barre est saine. 
Je le répète, il fait nuit noire et je travaille avec une lampe de navigation. Pas facile.
Je repense à ces paquets d’algues permanents qui tapissent la mer et qui ont encombré maintes fois Georgette. Et si cette fois , ils encombrent peut-être le safran même ( le gouvernail) du bateau et l’hélice et perturbent la bonne marche du bateau. 
Je démarre le moteur, enroule complètement le GSE et entreprends diverses manoeuvres: marche vers le vent,  travers au vent, d’un côté, de l’autre, alternance de marche avant et marche arrière, alternance de petite vitesse et grande vitesse … Puis j’arrête le moteur, déroule le GSE et teste moi-même la barre. C’est incontestablement mieux mais non satisfaisant.
J’inspecte à nouveau Georgette sur toutes les coutures pour m’apercevoir que son safran n’est plus vertical et a pivoté sur son axe,  manifestement par le poids de gros paquets d’algues ( en fait cet axe sert de fusible en cas de choc avec un objet flottant évitant ainsi de casser du matériel). Au moins, c’est clair. Je ralentis Java, sors le safran de l’eau , le remets dans le bon alignement , resserre la vis de maintien et le replonge à la mer.
Georgette refait son travail admirablement. Puis elle a voulu me dire quelque chose mais je n’ai pas écouté.
La navigation à la voile n’est qu’une accumulation de petits ou gros soucis et de problèmes de toutes sortes. Avoir du bon sens et savoir bricoler sont une obligation pour qui veut croiser sereinement, sans trop se prendre la tête, surtout à distance des côtes. D’un côté, l’agacement  du soucis qui apparait,  et l’autre,  le plaisir de la solution.
D’ailleurs un autre disait «  que le voilier était le moyen le plus lent et le plus onéreux de se déplacer d’un point à un autre ». 

Ce matin, un gros grain bruyant mais de courte durée s’est abattu sur le bateau. Je suis sorti rapidement pour réduire la voilure ( GSE à 3 ris) et en ai profité pour prendre une bonne douche. J’ai pensé au savon mais j’ai eu peur de la panne sèche avant le rincage.

12 heures.
Java a accompli 121 miles ces dernières 24 heures et 1718 en deux semaines.
Je pense que depuis deux jours, les  tas d’algues que Java trainait dans ses appendices  ( quilles, safran hélice moteur) l’ont ralenti. 
Rapidement après le grain, le temps s’est stabilisé et j’avance bien avec un ris dans le GSE.

20 heures.
Belle journée plaisir d’être en mer.
J’ai vu quelques oiseaux et de nombreux poissons volants.
L’éolienne me nargue encore une fois et a tourné de nouveau pendant deux ou trois heures. Décidément, elle m’agace sérieusement. 


Vendredi 13 mars. 
C’est un jour à manger du lapin en mer!




                                                      Faute de lapin, pâtes améliorées.



10 heures.
Nuit peinarde avec vent régulier  de nord-est à 25 noeuds.
27°dans la cabine.

Quelques gouttes de pluie mettent au moins cinq minutes à tomber  puis le vent passe est sud-est en mollissant à 12 noeuds. Je déroule complètement le GSE et établis la trinquette , voiles  en ciseaux. Java avance à plus de 5 noeuds.  Cinq minutes plus tard, le vent remonte est en forcissant à 20 noeuds. Je ramasse la trinquette qui a eu sa promenade hebdomadaire.
Un quart d’heure plus tard, le vent souffle à 10 noeuds!

Les poissons volants,  tous les jours aussi nombreux,  ont un vol  vif, rapide et direct avec des trajets souvent courbes,  toujours au ras des vagues, avec  des distances de 20 à 100 mètres entre chaque amerrissage. 

J’avais mis ma ligne de pêche à l’eau mais je viens de la relever, pourrie d’algues, sous le regard intéressé d’un jeune fou ( de Bassan?).

12 heures.
Java a accompli 132 miles depuis hier midi.
Il reste 236 miles à effectuer. Normalement, sauf imprévu, je projette une arrivée à la Martinique dimanche après-midi.

20 heures.
Vent est nord-est faible de 6-8 noeuds en début d’après-midi mais Georgette a assuré sans trop d’écarts de route.
Puis le vent a forci à 20 noeuds puis 25 noeuds en devenant nord nord-est. Je suis sous GSE à 2 ris.
Cet après-midi, la mer était peu agitée, normale quoi. Ce n’est pas trop tôt. 
Normalement dans 2 jours, je serai peinard dans un mouillage au sud de la Martinique. D’un côté, je suis content d’arriver à bon port  et de l’autre, je suis content d’être en mer où je vis un moment privilégié et particulier de ma vie. Finalement, je suis heureux d’un côté et de l’autre. Je laisse le temps qui passe faire son boulot. L’arrivée dans un port ou un abri après une croisière si courte ou si longue soit-elle est un moment que j’apprécie très fort, encore plus s’il s’agit  d’un endroit que je ne connais pas ou que je retrouve après des années.

23 heures.
J’écris assis à la table à carte en pianotant sur le clavier de mon ordinateur. Tout est fermé. Je suis dans ma tanière. J’adore cette ambiance protectrice de la cabine d’un voilier,  plus, encore,  quand dehors il fait mauvais. 
Plus tard, je fais comme chez moi, je ferme la porte, tire les rideaux et vais me coucher. Bonne nuit,  à demain.

Samedi 14 mars.

10 heures.
Ca y est, je suis demain!
Bonne nuit avec vent constant.
27° dans la cabine.
Vent nord-est 20 noeuds.
Je suis à 128 miles du port du Marin et je commence à lever le pied pour ne pas rentrer en excès de vitesse dans la marina. Non, je plaisante. Mais je ralentis pour ne pas naviguer trop près des côtes la nuit prochaine.

12 heures.
Java a accompli 118 miles depuis hier .
Beau temps, mer peu agitée.
Très nombreux poissons volants.
Depuis avant-hier, j’ai l’impression enfin de naviguer sous les alizés,  comme je l’imaginais, sur une mer peu agitée à agitée sympathique, simple,  de bonne humeur et sans mouvement parasite.

20 heures.
Aujourd’hui a été ma plus belle journée de mer: ciel bleu, vent idéal, mer enjôleuse, superbe, peu agitée, festival de poissons volants… Assis  sur les banquettes du cockpit, j’ai pris un plaisir fou à admirer ce paysage océanique détendu, plus longtemps que d’habitude puisqu’il s’agit de ma dernière journée de traversée.
Je n’ai pas observé plus d’oiseaux que d’habitude. Pourtant, je suis à moins de 80 miles des Petites Antilles.

Dimanche 15 mars,

10H30 française et 5h30 locale.
C’était et c’est encore ma dernière nuit avant d’atteindre la Martinique dans quelques heures.
J’essaie de profiter au maximun de ces derniers moments en trainant un peu plus dans le cockpit pour admirer le ciel étoilé, les trainées phosphorescentes du plancton derrière le safran, en écoutant le bruit de la mer qui s’écoule le long de la coque. Le ciel est étoilé accompagné d’un petit quartier de lune. Je  goute à cette chaleur tropicale particulière des Antilles déjà un petit peu humide. J’étais bien assis sur ma banquette. 
La mer était vide. je n’ai pas vu un seul bateau éclairé et pour l’instant, je ne vois rien de la côte non plus , distante de 15 miles.
J’ai repris contact avec la civilisation en attendant quelques messages passer à la VHF en Français, Anglais et espagnol.  

A partir de maintenant, je mets le nez dehors tous les 10 minutes. Et à présent, je vais prendre le petit déjeuner dans un cabine toujours aussi remuante.

6h30.
Le jour s’est levé dans un ciel assez nuageux.
Je suis à moins de 10 miles de la côte et je ne vois toujours rien, même pas un oiseau, même pas un bateau. J’ai dû me tromper de carte! 

6h40.
TERRE!!! La Martinique à tribord. P’tit Pierre est content. Tout va bien.
Des oiseaux de mer d’ici , sombres aux ailes pliées et pointes volent doucement en groupe au raz de l’eau ( en fait ce sont des sternes fuligineuses).  La vie pointe son nez. 

10 heures.
Après avoir longé la côte sud de la Martinique sous GSE à 1 ris, je remonte le cul de sac du Marin au moteur, le vent étant pile poil dans le nez. Je fais le plein de fuel et obtiens une place aux pontons dans un port très vivant. Je retrouve avec plaisir cette ambiance nonchalante qui gomme tous les problèmes de la vie, c’est étonnant. Et pourtant il suffit d’un rien pour que la situation dérape st se complique…



   
                                               Arrivée sur le port du Marin.



Et je fais un petit restaurant sympathique et flottant, petit punch en apéro, bien sûr.

Mindelo-Port du Marin en Martinique: 17 jours.

Gildas au port du Marin à la Martinique, le 15 mars 2015.




Ma première « transat ».

Ma première « transat » est une très belle aventure. C’est une  expérience nouvelle , très enrichissante tant sur les capacités de Java que sur les miennes. Je me suis assuré ou rassuré. J’ai franchi une étape et  me sens capable de naviguer dans bien d’autres endroits au bon moment.  Mais à plus de 60 ans …
Mis à part les quatre premiers jours qui furent assez éprouvants, tous les autres jours m’ont offert du plaisir d’être en mer parfois loin des clichés des navigations paisibles, ensoleillées,  juste ventées comme il faut,  sur des bateaux qui ne bougent pas et sur une mer plate. Mais la mer ne se commande pas même sous les alizés. Il s’agit d’un plaisir qui se mérite et se cultive dans un monde marin de « brutes » où la vie est rude
J’avoue que je ne m’attendais pas à être aussi bousculé, surtout au départ, mais aussi ensuite avec cette houle de nord restée présente presque jusqu’à l’arrivée. J’ai dû m’y adapter. J’ai pensé à ceux qui , dans ces conditions de mer remuante, naviguent en famille avec des jeunes enfants. De telles croisières doivent être parfaitement préparées et organisées à l’avance pour ne pas devenir rapidement une galère ( repas préparés , habillements, coins repos, jeux …) surtout si le mal de mer s’installe à bord.

Je n’ai pas du tout souffert du mal de mer.

 Trouver un bon compromis entre les performances , la sécurité et le respect du bateau  sont  aussi un plaisir.  A nos âges  ( 33 ans pour  Java), Java et moi nous contentons d’une marche régulière et moyennement rapide, en laissant bien de la place sous l’accélérateur.
Bien manger, bien boire et bien se reposer sont primordiaux pour conserver  de la lucidité et de l’énergie permettant de parer aux imprévus. Au large, la surveillance pose moins de problème puisque les risques de collision sont minimes mais à l’approche des terres, la vie du navigateur solitaire est mise à rude épreuve. La gestion du sommeil et des périodes de repos n’est pas facile et il arrive au port, souvent bien fatigué. Dans le rail d’Ouessant, seul ou pas, la veille est permanente. Dans le golfe de Gascogne, en bordure des côtes, mettre le nez dehors toutes les 10 minutes est justifié. 

Maintenant, je connais  le ressenti éprouvé sur une navigation de 2 ou 3 semaines qui est bien différent de celui d’une croisière de quelques jours. 
Et j’essaie d’imaginer  ce qu’une navigation de plusieurs mois peut représenter pour le marin. La mer reste bien un espace de liberté où le navigateur peut être seul au milieu de nulle part , encore plus vrai s’il navigue en solitaire et encore plus vrai  pour celui  qui fréquente les hautes latitudes.

Environ, 1500 voiliers traversent l’atlantique tous les ans.  Et même, s’il ne s’agit pas d’un exploit, cette traversée reste malgré tout, malgré tous les moyens modernes de confort et de navigation  et malgré ce que diront les « grands navigateurs » vautrés  dans leur salon,  une véritable aventure aux multiples surprises. 

Le chavirage.

Le premier livre de navigation à la voile que j’ai lu est «  La longue route » de Bernard Moitessier.. Il s’agissait d’une récompense d’un  prix de français que j’avais obtenu à l’école d’agriculture du Nivot en 1969 me semble t-il! Moi qui ne connaissais rien à la voile, j’avais récupéré cet ouvrage avec peu d’entrain. Et cependant, j’avais dévoré et adoré ce récit ( je me souviens qu’un lexique à la fin du livre donnait l’explication des termes marins employés). Le côté « nomade du monde » et «  vie au jour le jour » m’avait interpelé. Puis j’en ai lu d’autres, de Moitessier mais aussi de Bercot, de Slocum … puis ceux de Jérome  Poncet et Gérard Janichon sur leur Damien ( Départ du vieux port de La Rochelle en 1969 pour un tour du monde en trois ans  sur  le plus petit voilier ( 10 mètres) étant monté dans les plus hautes latitudes au nord et descendu dans les hautes latitudes au sud….Arrivée toujours au vieux port de La Rochelle en 1972). 
Dans la plupart de ces bouquins, y figurait toujours un ou deux chavirages. 
Puis des courses transocéaniques se multiplièrent avec leurs lots aussi de chavirages.

Chavirage est un mot, qui fait peur, qui impressionne et qui marque les esprits. Il  signifie qu’un voilier  lesté se couche sur l’eau le mât à l’horizontale,  voire même complètement à la verticale dans la mer, le voilier étant  alors la quille en l’air ( en terme marin, on dit que « la niche est tombé sur le chien »). Et alors? Un voilier couché se redresse toujours ( sauf cas particuliers de voiliers mal conçus,  ou mal équilibrés, ou trop limites quand il s’agit de bateaux de course).
Les gros dangers du chavirage sont que le marin passe à l’eau ( s’il n’est pas attaché) ou que, lors d’un éventuel démâtage, le mât viennent abimer la coque, ou que le marin soit blessé par un objet en déplacement.

J’ai vécu la version simple sans démâtage, de loin la plus fréquente ( sauf si le voilier fait un tour complet). 

  Avec la version démâtage, à 250 miles du Cap Vert, je ne pouvais  que continuer à traverser  l’atlantique (  à cause du courant et du vent que j’aurais eu dans le nez si j’essayais  de revenir sur mes pas). La seule solution ( à moins de vouloir abandonner le navire) était de gréer un mât de fortune et de poursuivre le chemin avec une petite voilure, vent et courant dans le cul. La durée de traversée se voyait multiplier par 2 ou 3 soit 5 à 7 semaines de mer. C’est une autre forme d’expérience que je préfère laisser à d’autres mais bon…

Je suis persuadé que le nombre de chavirages est plus important que celui qui est comptabilisé. J’ai moi-même pensé à ne pas le raconter pour ne pas effrayer la galerie mais est-ce que tu caches ton accident de bagnole? Même si c’est moins impressionnant, pisser régulièrement debout appuyé sur le balcon arrière ou accroché au gréement est bien plus risqué ( ou de la jupe d’un voilier comme  Florence Arhaud ) et aller manœuvrer  ou changer les voiles sur la plage avant dans le gros temps présentent aussi bien des risques.

Le chavirage sur un petit voilier n’a rien d’exceptionnel et doit être une éventualité à prendre en compte dans la préparation du bateau pour le voyage. Java a donc chaviré dans un contexte à chavirage ( ni plus,  ni moins qu’un autre voilier de même taille)  et surtout  il s’est redressé rapidement. L’important est d’avoir tout prévu en conséquence. J’ai quelques points à améliorer, notamment au niveau des rangements et protection du matériel le plus fragile  et du matériel de secours.




3 commentaires:

  1. Salut ma Caille,
    Quelle belle aventure!! Je ne regrette pas de ne pas y avoir participé , on peut pas tout faire, mais je suis quand même un peu jaloux... Mais fier de toi! (C'est peut être couillon mais c'est comme ça !
    Très heureux de t'avoir lu et attend la suite de tes aventures...
    On t'embrasse
    Vincent

    RépondreSupprimer
  2. Matinal ou couche tard Vincent ?
    Nous avons littéralement bu ta page Gildas...
    Superbe aventure, on peut croire qu'une traversée aussi longue peut être ennuyeuse (après tout, il suffit d'attendre d'arriver de l'autre côté....) ben non
    Pense à boire un tipunch en songeant à tous ceux qui sont restés à terre mais qui pourtant t'ont suivi, yavait du monde sur Java !
    Bises à toi ainsi qu'à Georgette et P'tit Pierre (tu vois que tu lui as trouvé un nom au Castor !)
    Continue à nous embarquer sur Java..
    Claude et Pierre

    RépondreSupprimer
  3. Ben évidemment, l'heure affichée sur ce blog est antillaise et pour cause !
    Chez nous, il est 15 h 30.....
    Je retire ce que j'ai écrit Vincent !

    RépondreSupprimer