vendredi 7 juillet 2017

La Graciosa ( suite et fin)

La Graciosa, le mardi 4 juillet 2017, 20h 41mn 24s.

Depuis ce midi, je suis au mouillage de la Playa Francesca , située au sud de l’île, bien à l’abri des vents dominants. Cet endroit me fascine, me parle, m’absorbe, m’émeut. Au soleil levant et au soleil couchant, les lumières sont captivantes, délirantes d’originalités. 

Que bonita!

Je suis dans ce grand amphithéâtre naturel , improbable, harmonieux, extraordinairement envoûtant.  Java, seul dans cette grande  baie,  pivote sur son ancre tantôt sur tribord, tantôt sur bâbord. Après le grouillement de l’après-midi, les grandes plages de sable blond se sont totalement vidées. L’alizé de nord-est souffle tranquillement ( pour une fois) , le gréement siffle à peine, Java roule tout doux. 
Un paysage que j’ai appris à connaître, sublime, sans bruit parasite, se déroule devant moi: la toute proche Montagna Amarilla aux contrastes  de jaunes  vigoureux, la Montagna del Mojon qui cache son cratère, las Agujas Chicas aux stries géométriques , les falaises de Famara aux longues stries horizontales,  loin derrière à 30 kms, les multiples cônes volcaniques du Timanfaya serrés les uns contre les autres. Le cercle est presque fermé mais une petite vue se faufile sur l’horizon maritime vers l’ouest  et donne des idées de vagabondage . Le soleil couchant joue avec le défilement rapide des nuages. Le regard plonge et se noie dans ce jeu toujours changeant d’ombres et de lumières qui anime les multiples reliefs aux pentes abruptes. 


                                              Juste une goutte de beauté.


A la première vue, ce panorama volcanique pourrait sembler quelconque: des pierres, des roches, de la mer, du sable, quelques taches de végétations, du silence … Sans insistance,  l’oeil pourrait  glisser . A la seconde vue, il commence à se révéler et ensuite c’est du délice sans lassitude… Chaque élément pris isolément n’est pas extraordinaire mais le puzzle reconstitué est tout bonnement merveilleux et c’est beau partout, tout autour.

Malgré la beauté fantastique et unique de ce paysage, Java est seul,  loin de l’agitation de la capitale de l’île  « Caleto Del Sebo », proche mais cachée derrière une pointe rocheuse. 

Cet après-midi,  avec ma combinaison ( eau à 20-21°),  mon masque et tuba, j’ai longé le rivage rocheux sur 2-3 kms jusqu’à la Punta del Pobre. Je me suis régalé du ballet et déambulations incessantes de milliers de poissons d’espèces nombreuses , de  tailles diverses , de comportements singuliers, aux coloris souvent vifs et variés. L’eau claire et bleutée est superbe. La visibilité est impressionnante: au moins 20 mètres en profondeur et bien plus en latéral. Un régal.

Voici 2 semaines, je retrouvai Java bien campé sur ses deux quilles sur l’aire de parking. Que de poussières, que de poussières! Avant de le remettre à l’eau quelques jours plus tard, je l’ai nettoyé et caréné. 
Depuis 10 jours, j’attends un colis que je me suis envoyé en poste restante sauf que le paquet semble bloqué aux douanes et qu’il ne finit pas de ne pas arriver. Jusqu’à quand? Même si l’endroit est bon, l’attente est longue et surtout incertaine.  Il me tarde de naviguer et de déambuler dans cet archipel canarien  et j’ai hâte de connaître l’île de « La Palma » située à l’autre extrémité de l’archipel. Elle abrite , entre autre, le plus grand cratère volcanique du monde et propose un ciel nocturne hors du commun.  

Je me suis remis dans mes cours d’espagnol. J’ai commencé à potasser les cours de préparation du certificat de radioamateur: ce n’est pas de la tarte. La réglementation est ingrate et la présentation qui en est faite est tordue, complexe et peu logique. La partie technique plus concrète fait appel à de nombreuses notions assez poussées d’algèbre, de physique  … Je me donne trois mois en bossant tous les jours sinon je laisse tomber. 

En cette saison, je m’attendais à souffrir de la chaleur mais non. Les matins sont souvent nuageux, sans pluie, les après-midi dégagés avec une température de 23-25-27°. Les nuits sont douces avec une vingtaine de degrés. L’air est sec et le pont reste sans rosée; Le vent reste bien présent avec une bonne quinzaine de noeuds en quasi permanence, et des épisodes plus sérieux ( 30 noeuds dans la marina pendant une bonne journée, la semaine passée). 

Depuis quelques jours, les vacanciers sont plus nombreux mais l’ambiance est familiale, calme et bon-enfant. Les terrasses sont remplies et animées, la musique est souvent présente et les week-ends sont plus festifs. 
Sinon, le train-train suit son cours: la pêche professionnelle tranquillement active, le supermarché ouvert 7j/7 en continu de 8h le matin à 22 heures le soir, la boulangerie idem de 7heures à 20h30! Globalement, les divers commerces sont ouverts de longues heures. Il existe quelques exceptions:  la pharmacie ouvre de 10 à 14 heures, la banque de 9h à 13h30, la poste de 11h à 13 heures. La ronde des navettes n’arrêtent pas  de de 7h à 20h30, les 2 gros voiliers catamarans de loisirs baladent les touristes de 10-11h à 15-16h. 


Mercredi 5 juillet,

A peine 7 heures du matin, je me réveille avec le bruit d’un diésel tout proche! J’ouvre les stores de ma couchette. Le jour se lève et les repères de la côte sont bien toujours à leur place. J’ouvre le panneau de pont, sort la tête et aperçois 30 mètres devant moi, un bateau de pêche ( d’une dizaine de mètres ) de la Graciosa que je reconnais. Le pêcheur que je connais aussi , seul à bord,  me salue vivement. No problema? Ben non, no problema! « Todo va bien » me répond-il. Finalement, je me lève et observe ses techniques de pêche traditionnelle bien codifiées ( notamment avec des nasses ) pendant une petite heure. Puis il me dit  « me voy à la Montagna Clara ».  Je lui réponds « Vale, buena pesca ». J’en ai profité par prendre quelques photos avec la Montagne Amarilla en décor. Je les lui remettrai. En fait,  les marins pêcheurs, voire même les marins ont peu de photos de leur bateau sauf celles anonymes effectuées aux entrées et sorties des ports. J’espère lui faire plaisir: c’est un gars calme, charmant, tranquille, discret … complètement amoureux de son île.



                                    Pas de surpêche dans le secteur!

Je retrouve ici une compréhension entre gens de mer, une acceptation et un respect de la différence entre les marins qui vont en mer pour gagner leur vie et ceux qui y vont pour se promener. Bien entendu, quelques mauvais bougres existent aussi. 
En Bretagne, comme en France, les marins-pêcheurs et les plaisanciers ont (assez)  souvent du mal à se comprendre et la délicatesse est souvent absente. Bof, mais faut-il établir cette seule opposition entre professionnels et amateurs de la mer? Pas sûr! L’irrespect est aussi vorace de part et d’autre. 

22 heures, la nuit est presque sombre malgré une quasi pleine lune qui passe son temps à se planquer dans les nuages. D’ici,  La Graciosa est sans une seule lumière. Java  conforte sa solitude  en ce mouillage qui nous a encore offert un spectacle fantastique de coucher de soleil dans cet environnement primaire. 
Sur la pointe, près d’ici, une « habitation-abri » minimaliste , simple, modeste, réaménagée sur des vieux murs,  presque primitive, sans porte, à peine visible sur son piton rocheux,  parfaitement intégrée dans le paysage, abrite toujours les vies de quelques personnes . L’esprit et l’existence hippies perdurent  encore, par petite touche, de çi de là. 

J’adore ces mouillages perdus si proches de la côte mais si loin des gens eux aussi pourtant si près.  Il est possible et fort probable que Java soit le seuil bateau au mouillage sur plus de 100 kms de côte ( au mois de juillet, aux Canaries!).  

Buenas noches. 

Jeudi 6 juillet.

Ca piole toujours, comme au moins les 4/5 du temps depuis les 3 semaines que je suis à La Graciosa. Ca vente sans interruption ( je sais, je me répète mais c’est si présent):  non, pas la tempête, mais 18- 25 noeuds à l’aise, tout le temps. Ce fort vent de prédominance nord-est conditionne l’organisation des habitations, de l’agriculture, et en fait de toute la vie sociale. Il est difficile de s’y habituer même pour les locaux ( en Bretagne, c’est la pluie, aux Canaries, c’est le vent et tout le monde  fait avec ). Les journées sans vent sont exceptionnelles et redonnent instantanément une sérénité bienvenue. 
Hier soir, le vent était moins fort et les gens sont restés trainer à la plage. J’ai même assisté  au spectacle charmant d’une belle femme dénudée dans des figures répétées d’adoration à la pleine lune naissante, juste là devant l’étrave de Java. Pas de chance, ce soir, la plage est vide. Peut-être, une sirène!

Vendredi 7 juillet,

Ca y est j’ai reçu mon colis. 

Demain, je largue les amarres pour Fuerte Ventura.





   



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