lundi 24 juillet 2017

Fuerteventura

Samedi 8 juillet 2017

Au petit matin, j’ai quitté la marina de La Graciosa calmement, lentement, toujours avec attention. J’ai regardé une dernière fois ce havre d’une « encore certaine sérénité » qui devient de plus en plus rare. Mon regard a balayé l’ensemble du port bordé par quelques rangées de petites maisons blanches « noyées » dans le sable,  puis a ralenti en s’attardant sur la jolie petite plage, encore vide à cette heure, blottie dans le coin le plus abrité du port,  bordée de quelques troquets et restaurants, les tables et chaise à même le sable pour certains. Il est 8 heures, le long des quais, l’activité a repris et les terrasses commencent à se remplir. Les vedettes de transport de passagers ont repris leur activité depuis 7 heures. 
Bien sûr, depuis quelques jours, les vacances sont bien là et les gens de plus en plus nombreux . Mais les bateaux  visiteurs et de passage sont peu nombreux. Pendant 2 semaines, la fiesta  de la Santa Carmen s’abattra sur l’île qui va s’encanailler. Là par contre, les pontons seront remplis à bloc.
J’y serai bien resté à Caleta de Sebo pour assister aux spectacles quotidiens de la fête, mais bon, j’ai besoin de naviguer.

Java, sous génois seul, au grand largue, dans des alizés de nord-est d’une quinzaine de noeuds longe ( pour la deuxième fois, dans le sens de la montée la première fois) les côtes nord-ouest de Lanzarote sous un ciel nuageux .  Au fur et à mesure de la descente, la mer se forme progressivement pour atteindre 2 mètres de creux dans le détroit de La Bocayna au sud. Le vent aussi a forci pour atteindre une bonne vingtaine de noeuds. Je reconnais les hautes falaises puis la grande playa de Famara, puis La Santa, le Parque Natural de Los Volcanes, les multiples cônes volcaniques du Parque Nacional de Timanfaya noyés dans des champs de lave noire et épaisse, El Golfo , la cache des Salinas de Janubio , la hideuse, énorme et  ancienne construction jamais finie de la Punta Gines, la Punta Pechiguera avec son haut phare blanc.




             Champs de lave au Timanfaya ( Epaisseur 10-20 mètres ? avec des « îlots » émergeants »).

Et là, devant moi, à 5 miles, se dessine la petite île de Lobos  avec sa côte nord-ouest escarpée et abritant de nombreuses petites plages malheureusement mal exposées, sa «  grande » montagne de 108 mètres à l’ouest et ses multiples petits cônes volcaniques sur le reste. 



                                              Arrivée sur Lobos par le nord.

Dans le « El Rio » de 1 mille qui la sépare de Fuerte Ventura, la mer est agité et le vent assez fort. Juste en arrivant près du seul abri de l’île, je fais une fausse manipulation en voulant régler la luminosité de mon GPS et me retrouve avec un écran noir que je ne réussis plus à« rééclairer" mais l’alarme de  l’AIS en pleine forme. Ca fait tout drôle et fout un coup de stress de se retrouver  sans carte, sans repère. On retrouve à poil et dépité: comme quoi les habitudes … Heureusement, j’avais étudié peu de temps avant la carte, et je suis déjà venu ici l’hiver dernier.  La meilleure zone de mouillage est occupée par une dizaine de bateaux  sur bouées ( catamarans de location avec skipper, bateaux de loisirs de pêche …) . Sans carte, je joue la prudence et mouille un peu à l’écart  et à distance de la côte. Java remue un peu, tangue surtout mais de manière raisonnable. Par contre, ça piole. 




                                Carte du mouillage avec Java en triangle noir.

Lobos, Parque Natural, très préservée abrite une faune et une flore très interessantes. Par contre, y accoster  n’est pas évident ( gros ressac sur le seul quai où viennent les vedettes pour y débarquer les touristes à la journée). Pourtant, j’aimerais bien visiter cette île sauvage. Lobos signifie loups en Espagnol. En fait, il s’agit du nom qui était donné à une espèce de phoque très répandue  sur l’île mais aujourd’hui disparue. 

Dimanche 9 juillet,

Même si ce matin, Java roule bien, la nuit a été bonne et le vent  s’est calmé ( de façon provisoire, il forcira en fin de fin d’après-midi). Depuis hier, j’ai réussi à débloquer mon GPS et ai déplacé Java    
à moins de 100 mètres  de l’entrée d’un petit lagon ( 300 mètres de diamètre environ) peu profond   et protégé par une barrière de rochers recouverte à marée haute d’un mètre d’eau. Cet endroit, interdit au mouillage à présent, était utilisé auparavant par des multicoques qui venaient notamment pour y caréner. 
Il est 11 heures, 4 catamarans sont déjà à poste avec leurs passagers, leurs canoës, leurs planches … la musique à fond. Des gros  rires s’y échappent mais je suis peinard à l’écart. Je viens de gonfler l’annexe très légère avec mon petit gonfleur électrique ( avec l’âge …). La légèreté de l’annexe ( 15 kgs)  est un atout évidemment mais entraine, en plus de sa relative fragilité, quelques inconvénients auxquels je n’avais pas pensé. Elle est beaucoup mais alors beaucoup plus sensible au vent, toujours prête à s’envoler. La marée  était basse à 8h30              ( 2 mètres de marnage) et le lagon se remplit. L’eau déferle sérieusement sur la barrière de rochers. Il me faut attendre encore une bonne heure pour espérer y entrer. Mais sincèrement, rien n’est joué. Il s’agit tout de même d’un abri «  de haute mer » avec un vent aux saute-humeurs dans la force mais  heureusement pas en direction. 





                                                 Les faux- phoques disparus.

16h30. Finalement, j’y suis allé sur Lobos avec ma petite annexe et mon sac à dos bien au sec dans un grand sac étanche. J’ai échoué sur la plage tout au fond du lagon où de nombreux  petits murets de pierres posés en arc de cercle protègent du vent les quelques plagistes. 



                                   Mon annexe: « Que comodo » avec Java tout au fond.

Juste après un ancien site romain en cours de fouille,  j’ai rejoint une petit route de terre qui mène au Puertito, le seul endroit habité de l’île: pas de véhicule à moteur, rares vélos, juste quelques quads pour les gardiens du parc ( je n’ai pas vu un seul rouler). Et là, j’écarquille les yeux devant ce tout petit village, ancien hameau de pêcheurs,  complètement improbable , rustique et décalé  situé dans un site réellement extraordinaire. Les pieds dans l’eau , environ une trentaine de « maisons abris » minuscules, toutes simples,  couvertes de panneaux solaires, blanches aux portes et fenêtres colorées  s’agglomèrent le long des toutes petites ruelles tordues ( et à l’écart quelques habitations avec un groupe électrogène pétaradant!). Le village est défendu par une multitude de rochers qui abritent comme plusieurs piscines naturelles complètement protégées et bordées de sable. Cet endroit est une merveille. Par contre l’accès par mer est très , très délicat et n’est envisageable possible uniquement  que pour des petites embarcations et pour connaisseurs ( moins de 10 embarcations à flots et quelques  barques en bois à sec). 
Je n’y suis resté qu’une demi-heure puisque je voulais visiter le reste de l’île, en suivant les petites routes balisées dans un paysage volcanique semi-désertique: la grande lagune, le petit phare inhabité perché en plein vent sur la Punta Martino, les anciennes salines. Entre le Puertito bien à l’abri avec une eau plate sans ride et le phare situé face aux alizés qui soufflent encore à 20 bons noeuds, le contraste est saisissant, comme si je changeais de climat en l’espace de trois quart d’heure. 




                                                         Faro de Lobos sur son éperon.

En fait, les anciennes salines « Salinas del Marrajo » situées entre le petit lagon et la « grande «  Montagna de La Caldera , construites dans les années 1950 n’ont jamais servies puisque le froid est rapidement apparu comme un moyen de conservation plus pratique que le sel. Partout, il existe des projets non aboutis mais j’ai l’impression ( je peux me tromper) qu’ils sont plus nombreux sur les îles et souvent disproportionnés. 

 Amis plaisanciers si vous mouillez à Lobos, démerdez-vous pour débarquer et allez au moins une fois au  Puertito, et même s’il a perdu sa vocation première, vous vous en souviendrez. Et dire, que j’aurais pu passer mon chemin! Par contre, il faut mouiller à la hauteur des bouées de mouillage en place par environ 7 mètres de profondeurs, pas très loin du débarcadère en allant vers le lagon. Au delà, les fonds apparaissent toujours clairs mais ne sont que de la roche recouverte d’une extrême fine couche de sable sur laquelle l’ancre reste … posée!!! L’abri est souvent venté, un peu rouleur mais à mon avis très acceptable ( éviter d’y aller quand le Rio chahute de trop ou si le vent ne vient pas de sa direction habituelle). 

Mardi 11 juillet  18 heures, toujours Lobos,

Je suis peinard à poil à la table du cockpit de Java qui évite sur ancre, tantôt sur  babord, tantôt sur tribord. Comme toutes les fins de journée, le vent  a forci, surtout par rafales mais ce soir, il n’est pas trop furieux. Devant moi, la pointe nord de Fuerteventura avec son port-marina- station balnéaire de Corralejo, son Parque Natural de Las Dunas au bas d’une chaine de volcans et le long de la côte des dizaines et des dizaines de voiles de wind-surf qui colorent et agitent le ciel. 
Dans une heure, Java sera tout seul, juste bercé comme il faut,  dans ce super mouillage qui ne demande que la peine d’y venir pour en profiter. Je suis un contemplateur et je suis servi. J’étais venu y passer une nuit et j’y ai déjà passé quatre. Cet endroit me captive. Le parc naturel et le tourisme ont trouvé, je le pense, un bel équilibre, loin du tourisme de masse bruyant et envahissant. 
Cet après midi, je suis reparti au Puertito, endroit vraiment sublime avec une atmosphère unique et bon enfant, animé et feutré. J’ai mangé dans le seul restaurant local dont  les murs baignent dans la mer presque haute. Je suis seul à ma table, accoudé à une fenêtre ouverte et admire cette mer qui chahute et écume sur les roches. J’avais réservé pour un plat de poissons grillés ( choix simple: poisson ou paella ).  Je comprends pourquoi, ce petit établissement  ne désemplit pas tant l’assiette était bonne et copieuse: des poissons tous frais et bien grillés avec des pommes de terre arrugadas et le mojo rojo maison. Quelques habitants ou locataires des petits maisons chantaient en jouant de la musique.  






                                            Le puertito de Lobos

Mercredi 12 juillet,

Aujourd’hui, j’ai escaladé la montana de la Caldera  point culminant de l’île, pas bien haute  avec ses 127 mètres mais permettant de dominer toute l’île mamelonnée de petits cônes volcaniques, sans aucun arbre visible ( ni sans doute aucun arbre, ni arbuste du tout). J’ai juste remarqué , au fond d’un petit vallon, un îlot de quelques dizaines d’agaves avec leurs grosses tiges florales passées.  Mais le panorama est magnifique, perturbant, sec et venté, voire  presque hostile par manque d’eau.

En réalité, ( j’ai lu le règlement à la maison du parc) , le débarquement sur île n’est autorisé qu’à l’embarcadère ( le ressac est y souvent assez fort, on peut y débarquer des gens mais pas y laisser une annexe) et qu’au Puertito ( entrée non balisée,  délicate entre les rochers sur une eau agitée: une  connaissance précise des lieux est nécessaire pour y entrer en sécurité).  Pour l’instant, le débarquement en annexe au fond du lagon semble tolérer.  Encore un endroit épatant qui deviendra quasiment impossible à visiter avec ses propres moyens. 





                                   Vue de la Montana de la Caldera: particulier.



Jeudi 13 juillet,

Ce matin, près 5 nuits passées sur un Java isolé au mouillage à Lobos,  je lève l’ancre vers le sud- est de Fuerteventura pour environ 35 milles. Je n’ai pas décidé de la destination précise. L’alizé souffle plein nord entre 15 et 20 noeuds et la mer est agitée, clapoteuse, moutonneuse  mais pas franchement désagréable. Sous génois seul, Java roule à 5 noeuds environ et  longe la côte dominée par de multiples cônes volcaniques à 1 mille de distance environ . Les villages sont rares et présentent une certaine végétation , palmiers notamment. La crise a laissé quelques constructions inachevées polluer le paysage. Je passe devant Puerto Rosario, la capitale de l’île avec ses 50 000 habitants. Vue de mer et malgré ses structures portuaires et industrielles, la ville  colorée et  paraissant dans son jus s’étale en pente douce jusqu’au rivage rocheux et sablonneux.
Cinq milles plus bas, je longe le complexe touristique de la capitale avec sa marina assez discrète devant une colline complètement garnie de divers petits groupes de constructions peu esthétiques mais assez  basses . Puis juste à coté, un grand espace vert contraste et jure dans ce paysage pelé, le golf…
Puis la côte devient plus sauvage jusqu’à la pointe  Punta Lantailla avec son phare à petit air arabe, haut  perché sur une falaise impressionnante.  A un moment, une coulée de lave noire se tortille au fond d’une vallée et vient mourir en virgule sur 2 kms environ jusqu’à la Punta Las Borriquillas derrière laquelle s’abrite un petit village de pêcheurs très particulier d’aspect ( plein de petits abris dans un « grand » et seul bâtiment au toit plat). Les petites barques de pêche colorées ballottent  au mouillage ou se reposent  devant les « cabanons ». Les pêcheurs y vivent-ils? 
Comme logiquement, le vent forcit à la Punta Lantailla, la côte s’oriente presque sud donc plus abritée. 





                                           Faro de la Entallada à la punta Lantailla

A  2 milles à l’ouest existe un mouillage possible dans la petite baie d’un village de pêcheurs, Las Playitas, encore faut-il que le plan d’eau soit suffisamment calme face à l’Océan Atlantique. 
En entrant dans la baie, je reste ébahi devant un étonnant village coloré qui s’accroche aux petites collines,  bien planqué et bien protégé des vents d’ouest à nord-nord-est en passant par le nord. 
L’ancien village de pêcheurs est resté intact et calme même en saison. La cale, fonctionnelle avec un ressac  modéré, est bien pratique pour accoster. Le front de mer a été aménagé sobrement sans accès aux voitures. De belles ballades sont possibles sur les collines escarpées en suivant  les sentiers côtiers. De l’autre côté de la baie, devant une grande plage au sable gris, s’étend un complexe hôtelier discret, noyé dans la végétation. Je trouve l’aménagement de cette baie réussi avec un bel équilibre entre la vie quotidienne des habitants à l’année et les touristes. 




                             Arrivée à Las Playitas: très bonne surprise.

Mardi 18 juillet.

Samedi et dimanche derniers, j’ai parcouru l’île en voiture du sud au nord, de l’ouest à l’est.  Je suis passé par Giniginamar, charmant petit port de pêche avec une probable possibilité de mouillage devant la grande plage de sable noir  mais avec un débarquement pas forcément évident, puis par Tarajalejo puis La Lajita.  Puis j’ai longé la partie la plus touristique de l’île entre Costa Calma ( avec sa plage de  28 kms de long et ses hideuses constructions sur des kms de bord de mer ) et  Morro Jable ( avec son port de plaisance triste et toujours pas finalisé depuis une quinzaine d’années). Cette partie de côte est le royaume du vent, et de la glisse ( wind-surf, planche …). 





                                             Port de plaisance en panne

 El Jable avec ses « montagnes » de sable balayées par le vent  ne m’a pas conquis, pas plus que le Parque Natural de Jandia, avec ses montagnes arides et ses vallées ( point culminant de l’île à 807m). 
J’ai visité Pajara, Toto, Tuineje, bourgs de «  campagne » un peu perdus dans un paysage de basses montagnes arides qui conservent quelques traces d’un passé agricole assez riche avec ses multiples terrasses en ruine ( Fuerteventura exportait en Europe !!! Tomates notamment ).




        Chèvrerie intensive ( Fuerteventura était le domaine de la chèvre, partout, partout!)

J’ai visité Aguy, petit port de pêche, charmant endroit, géologiquement intéressant ( avec des fragments visibles de la plaque continentale africaine) plein d’histoire avec son puerto ( juste un « abri » face aux vents dominants)  de la Pena où débarquèrent les conquérants hispaniques puis d’où s’exportèrent des denrées agricoles. Comment faisaient-ils , les anciens?




                                           Toto: quelques palmiers.





                                                 Port de la pena





                                                            Port d'Aguy.



Tôt le matin, au fond de sa vallée aux nombreux palmiers, Betancuria, première capitale de l’île, était encore endormie avant le flot de touristes qui s’agglutineront dans la petite partie historique toute soignée. J’ai poursuivi vers le nord passant par La Oliva ( encore une capitale de l’île pendant quelques temps) puis j’ai découvert un charmant petit port de pêche El Cotillo (mais aussi « grand » port de commerce pendant quelques siècles) puis le phare de Toston dominant une ribambelle de « grandes piscines naturelles.





                                                        Betancuria





                                            Culture en terrasses modernes.





                                         Montana avec couleurs superbes vers Tuineje

0247 Marmottes locales



El cotillo

Puis j’ai atteint Corralejo , ville très active, proche de l’île de Lobos, port de pêche toujours en activité , devenue aussi port de plaisance, de commerce et de transports de passagers, hypertouristique avec de multiples infrastructures d’accueil, haut-lieu de wind-surf de l’île ( comme Costa Calma et Morro Jable). 
Je suis redescendu par Puerto de Rosario, capitale actuelle de l’île, un peu plus de 50 000 habitants , plus mignonne vue de mer que de la terre. Une quinzaine de kms plus bas, El Castillo, haut de tourisme allemand, avec sa petite marina touristique, son golf,  ses bungalow, ses touristes … ne m’a pas franchement emballé. Plus bas, un champ de lave tristounet se poursuit par une coulée de lave qui vient mourir au petit port-plage de Pozo Negro.Après ce tour de l’île sur deux jours, j’ai rejoint Java à Las Playitas, qui est réellement un endroit attachant. En réalité, en face du vieux village, la station touristique bien qu’assez discrète est très étendue avec piscine olympique, terrain de golf … Je me suis fait même bouffé par des moustiques nocturnes sur Java Ben ouais, qui dit golf, dit arrosage donc eau … et sales bestioles.





                                                         Pozo Negro

Autant Lanzarote m’avait séduit par des superpaysages ( aménagements respectueux des terrains pour la vigne, énormes champs de lave noire épaisse,  collines volcaniques aux couleurs extraordinaires du Timanfaya ,  agriculture active,  envie d’être belle, autant Fuerteventura ne m’a pas enthousiasmé, avec ses montagnes arides souvent sablonneuses , son agriculture à la peine avec des multiples ruines: murs,  moulins, bâtisses, éoliennes,  anciennes fermes en ruines …. son tourisme de masse. Par çi par là,  les chèvreries et les serres en toile marron sont devenues énormes mais bien seules dans un paysage paraissant délaissé avec si peu de « verdure » malgré quelques cultures d’Aloe Vera. 


                                                   Marmottes locales ( dorment-elles?).

Ce matin, j’ai quitté Las Playitas, pour Gran Tarajal, tout proche à 2 milles, port de pêche et de plaisance  étendu, bien protégé et bon marché, à proximité de la ville, sécurisé où il est possible de laisser un bateau en sécurité. Les pontons sont en bon état avec eau et électricité, les sanitaires sont propres, un gardien veille 24h sur 24. Gran Tarajal est une « vraie » ville vivante,  intéressante avec des « vrais habitants » canariens de tout âge, de nombreux commerces  avec un petit tourisme local dans un environnement assez préservé. Seules les infrastructures du port sont complètement démesurées, je dirais au moins deux fois trop grandes,   avec des pontons très distants, des parties inexploitées, des parkings immenses… Seul le coin des pêcheurs avec une bonne vingtaine de bateaux  colorés et entretenus parait d’une grandeur adaptée, avec sa petite coopérative de pêcheurs ,  ses frigos, son camion de transport frigorifique, son restaurant, son travel-lift et le terre plein. 
Dans les falaises que j’ai longées ce matin, j’ai observé  un magnifique couple de vautours percnoptères ( malheureusement en sérieux déclin) au vol ample, lent, planant avec le dessous des ailes contrastées de noir et blanc: superbe. 


Vendredi 21 juillet,

Hier,  j’ai navigué environ sur 25 miles entre Gran Tarajal que j’ai quitté vers 9 heures et le mouillage de Puertito de La Cruz à l’abri de l’extrémité sud-ouest de la péninsule de Jandia avec son petit phare.
Ce fut une journée de navigation typique des Canaries dans des alizés constants en direction mais perturbés par le relief et les diverses brises solaires et autres. Les vents étaient nord nord-ouest à 10 noeuds au départ puis à 15 noeuds puis à 0 noeuds, puis à 20 noeuds puis à plus de 25 noeuds devant Moro Jable puis à 15 noeuds et enfin à plus de 20 noeuds en arrivant au mouillage.  Dans ces conditions, les voiles sur enrouleurs sont une merveille de confort et de rapidité. A l’abri de la côte, la mer était belle, juste un peu clapoteuse par moments.
Autant sur terre, les paysages ne m’avaient pas conquis, autant vu de mer, la donne change complètement et le panorama devient très interressant. De Gran Tarajal à Costa Calma, s’étendent les montagnes donnant sur du marron bigarré, escarpées,  nues, juste coiffées de quelques nuages et séparées par des profonds ravins. La côte est dans son jus presque vierge de constructions modernes. Trois villages de pêcheurs occupent soit fond de ravin ou plaine côtière. Tout d’abord, Giniginamar s’étale tout en long avec ses petits immeubles  blancs, ocres et oranges, aux toits plats,  avec ses restaurants de bord de mer,  avec sa plage de sable gris et ses quelques petites barques colorées qui se balancent et avec ses rares palmiers. Puis Tarajalejo rajoute sa petite marque d’originalité avec ses toits en tuiles orangées et sa vingtaine de campings-cars qui s’agglutinent au bout de la plage. La Lajita fait plus cocon avec ses maisons toujours colorées et regroupées. Il est possible de venir mouiller devant chacun de ses villages. J’avais pensé à Giniginimar mais le débarquement sur les plages peut être assez sportif dans le ressac.

Et puis, tout change. En bas du Jable, ensemble de « montagnes » de sable ( grandes collines), très ventées qui éclaircissent le paysage, en bas de 3 colonnes d’éoliennes,  s’étale Costa Calma, avec ses 3-4 kms de groupes d’immeubles  pas très jolis ( jusqu’à 8-9 étages ) de couleurs variées ( ocres, blancs, beige, bleus). Des milliers de touristes surtout étrangers, allemands et anglais surtout ( avec leurs propres cabinets et cliniques médicaux), profitent de l’eau turquoise et des multiples plages de sable doré  ( notamment la plus longue des Canaries, celle de Sotavento avec ses 28 kms) et s’adonnent aux joies de la glisse. 

Puis  la montagne reprend ses droits avec le Parque Natural de Jandia et le point culminant de Fuerteventura à 807 mètres. Et de part et d’autre de la Punta de Morro Jable ( encore un haut lieu du wind-surf), les mêmes immeubles hideux étalent leurs hautes silhouettes devant les grandes plages de sable doré. Le haut phare blanc de la pointe a dû s’y résoudre. Le vieux Morro Jable, au fond de son ravin, se protège derrière la pointe. Son port se situe encore un peu plus à l’ouest, agrandi et rénové, voici 15 ans et resté inachevé au niveau de sa partie plaisance. 

Là devant moi, apparait  à un mille environ, une zone de survente avec son moutonnement blanc caractéristique. Il est temps de réduire la voilure car la transition va être brutale ( on passe de 5 à 25 noeuds en 3 secondes). Vers 15 heures, j’ai jeté l’ancre devant le mignon village de Puertito de La Cruz avec ses petites maisons rassemblées à l’ouest de la cale encastrée dans la roche et de l’unique éolienne qui ne tourne plus.  Devant la plage de sable blanc et la grève rocailleuse et rocheuse, les maisons gavées de soleil, surtout blanches avec des ouvertures colorées viennent jusqu’à se poser sur la roche même en bord de mer. L’ensemble est authentique et esthétique. Et à la pointe ouest, le Faro de Jandia occupe la Punta Del Tigre. 



                                          Arrivée à Puerto de la Cruz 

Devant la cale occupée par une dizaine de petites embarcations , une dizaine de barques et deux bateaux de pêche roulent dans le vent soutenu. Une fois de plus, Java se retrouve seul dans ce mouillage du bout du monde. Attention, les fonds sont trompeurs et pas aussi sableux qu’il n’y paraitrait. De nombreux rochers et coulées  de roches garnissent les fonds. Dans cette eau heureusement transparente, il ne m’a été facile de trouver un endroit sableux assez grand pour y mouiller.  Le vent souffle 15-22 noeuds. Java tire sur son ancre et pivote sans arrêt sur un bord puis sur l’autre sans mouvement brutal. Presque systématiquement, je vais vérifier la tenue de mon ancre. Ici, elle est très bien placée bien enfoncée dans le sable. Je peux descendre à terre peinard. La semaine passée à Lobos, mon ancre s’était bloquée dans une fente de roche et j’avais préféré changer d’emplacement. A Las Playitas, c’était la chaine qui s’était fichée dans une anfractuosité de roche une dizaine de mètres derrière l’ancre, j’avais encore préféré déménager. 
Aux Canaries, le vent peut souffler fort même dans des abris. De plus en plus souvent, je vais choisir mes mouillages en me mettant à l’eau ( après un premier ancrage d’attente).  Sur des fonds très variés, les cartes ne sont pas forcément assez précises  et les documents pas toujours très fiables. 

Le climat des Canaries est souvent donné comme étant le meilleur du monde, pas trop chaud, pas trop froid, peu d’écart de température entre l’été et l’hiver, entre le jour et la nuit … Tout cela est vrai à un détail près… le vent. Et oui, aux Canaries, ça souffle fort quasiment tout le temps, toute la journée, sans arrêt. Les alizés sont infatigables et puissants15, 20, 25, 30 noeuds en permanence. Ils conditionnent l’organisation de la vie. Aux Canaries, les navigations sont musclées , les mouillages sont toniques et les débarquements en annexe chahutés. Préférer les petits mouillages aux marinas est un choix courageux mais tellement récompensé lorsque l’annexe est remontée sur la cale et la plage, et qu’un monde inconnu et souvent singulier se révèle. 





                                               Les pavillons font la gueule

Aujourd’hui, les alizés soufflent à 20 noeuds, la mer moutonne,  écume sur les plages et éclabousse les rochers. Allez hop, en route pour la petite cale avec l’annexe. A marée haute, le ressac est plus fort mais me semble gérable en prenant son temps. Ca y est, je suis à terre parmi des vieilles barcasses la plupart en repos éternel. 





                                              Bâtisses de bord de mer

Le Puertito de la Cruz se mérite aussi par la terre, plus ou moins 20 kms de piste qui zigzaguent en bas de la montagne. Effectivement, il s’agit d’un village du bout du monde ayant perdu un peu son âme, ne sachant plus tout à fait ce qu’il est entre un passé, surtout  de pêche,  sans doute difficile et un présent un peu désoeuvré malgré un tourisme de passage (  voitures tous-terrains, quads, buggys, bus 4/4 … mais en petite quantité). A l’entrée du village sont installées une bonne cinquantaine de caravanes sans roue, posées à même le sol et aménagées en maisons secondaires avec leurs antennes râteaux ou satellites mais pour la plupart délaissées, semble t-il !!! Le bourg semble plutôt vide avec bon nombre de maisons semblant peu habitées. Deux bars-restaurants  constituent l’ensemble des commerces. Dans celui qui domine la mer et Java,  j’ai mangé un plat de chipirones ( petits calamars frits), succulent et copieux avec un service impeccable, gentil et attentif. La promenade digestive m’a mené au phare de Jandia avec un petit centre d’interprétation très intéressant du parc naturel.






                                                         Caravanes posées




                                  Accès au village par le chemin côtier.

De part et d’autre de la cale, certains vident leurs poissons tous frais, d’autres pêchent, d’autres se baignent ou lézardent au soleil, d’autres palabrent … tous bien à l’abri du vent, sous le soleil. La vie s’écoule dans la simplicité, sans bruit.  Java m’attend fidèlement dans une eau turquoise moutonneuse. 

Demain matin, je pars pour Gran Canaria à peine plus grande que Fuerteventura mais dix fois plus peuplée … Je retrouverai la bruyante Las Palmas, ses 400 000 habitants, ses ridicules zones piétonnes mais aussi les commodités d’une marina bien achalandée. 
     

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