jeudi 21 juin 2018

Les Galapagos- Les Marquises en équipier


Comme sur des roulettes. 


Après avoir à nouveau préparé le bateau et rempli les cales de nourriture, le dimanche 20 mai, vers 8 heures,  nous avons quitté avec grand plaisir le Puerto Baquero Moreno de  Santa Cruz , avec pour destination les Marquises à environ 3000 milles à l’ouest.





Courses au marché couvert à Santa Cruz.

Je quitte les Galapagos avec un sentiment très mitigé. Ce sont des iles volcaniques au physique assez quelconque, au tourisme "Darwin-dépendant"  un peu surfait. L'accès au territoire est très restreint et ne concerne que 2 ou 3 % de la surface et la plupart du temps interdit sans le recours à un guide.
La faune tant terrestre que marine est dense mais peu variée. Le gros intérêt se résume  à
1)  l'observation facile de  seulement quelques espèces d'animaux terrestres et marins, parfois endémiques, plutôt grands et facilement visibles, et en exagérant à peine,  presque comptées sur les doigts de la main ( j’exagère un peu ),  phoques, tortues, fous, frégates, iguanes, pélicans, flamands roses...
2)  La prise de conscience ancienne de l'Equateur de la fragilité des milieux naturels et la mise en place de mesures de sauvetage de certaines espèces en voie de disparition et de protections draconiennes (peut être pas toujours justifiées à ce stade là) ,  de la Nature en général.

Je ne reviens pas sur la folie administrative  ( 7 contrôles à bord en 3 semaines avec chaque fois,  la visite de 2 à 7 personnes) et le délire du coût financier  ( 1600 euros à 3 ) seulement pour pouvoir jeter l'ancre  dans 3 mouillages en tout sur 3 îles différentes  et mettre les pieds à terre). Frustrant… et douloureux.

Mais ça y est, nous sommes sur la grande mer, peinards, loin de bien des contraintes inutiles. Nous avons retrouvé nos compagnons de navigation: dauphins, poissons volants, petits océanites  au croupion blanc, fous, puffins ... bien loin des bruits pénibles des groupes électrogènes sans silencieux d'échappement et des passages incessants, à toute vitesse,  des annexes,bateaux de tous genres,  taxis aquatiques... prenant un malin plaisir à raser les  voiliers.





                      Des conditions météorologiques optimales. Pour la pose.

Depuis notre départ, les conditions de navigations sont exceptionnelles avec une mer belle, des alizés établis de sud est, un ciel souvent bleu ou simplement nuageux, une température extérieure de 29 degrés et celle  de la mer a 22 degrés. Nous avançons bien sous grand voile haute et spi asymétrique  remplacé la nuit par le génois par sécurité.





                                Le coucher du soleil tant attendu, chaque soir.

La vie continuera, tranquille au rythme des quarts de 4 heures, de nos lectures, de nos rêves, des diverses  manœuvres, des repas, des petites siestes, des bâillements nocturnes, des couchers de soleil, des nuits étoilées... sans probablement une seule seconde d'ennui,  aussi bizarre que cela puisse être,  vu d'une cervelle de terrien.


Ce matin, j’ai  péché une dorade coryphène de 5 ou 6 kilos. Un régal tout frais mais nous en avons congelé aussi pour les prochain jours. 






                                         Belle dorade coryphène.

Voici déjà une semaine que nous avons laisse derrière nous, Las Galapagos
et sa garde rapprochée.



               Pleins de petits calamars qui sautent sur le pont et terminent dans la poêle.





                                             Beau travail de l'équipier.


Alors comment ca va?
Bien, pour sûr, " Todo va bien " . Que de progrès accomplis en Espagnol en
si peu de temps, grâce aux cours quotidiens et assidus avec mon équipier
Si, si, vraiment, tout va bien.
D'accord, Gildas , mais à part cela?
A plus de 1000 milles de la première terre, c'est le désert. Y'a plus de
voiture, y'a plus de commissariat de police, y'a plus de papillon, y'a plus
de bar... Le désert, je vous dis. Y'a plus personne, plus de bateau, plus
de vélo. Que de l'eau, que de l'eau partout, partout... et finalement si
peu dans le voilier. Que de l'eau et des poissons qui volent et aussi
quelques oiseaux isolés qui nous narguent et parfois aussi quelques
dauphins barjos qui bondissent hors de l'eau tout là-bas, sans même nous
regarder .



                                               Premières lueurs du jour.



D'accord Gildas mais encore. Tant de milles pour atteindre le désert. Quel
gâchis, que de temps perdu dans un monde où il reste tant à faire. Tu es
bien sûr d'être au bon endroit. Ben oui, le matin, le soleil se lève, le
soir, il se couche. Le soir, la lune se lève et le matin, elle se couche.
Sincèrement, c'est un peu cela mais surtout tellement d'autres choses qui
ne se vivent et ne se conçoivent qu'ici, où nous sommes perdus au milieu du
Pacifique.
Je suis sûr  que vous ne voudriez pas être à notre place à vous ennuyer
comme un cormoran qui se sèche les ailes  sur son rocher isolé. Mais quitte
à vous décevoir, notre place nous convient sur les flots à peine agités,
bercés par un vent tiède et portant. Évidemment, nous n'y passerions sans
doute pas notre vie mais c'est bien une croisière extraordinaire  que nous
vivons puisqu'il n'y en aura  pas dix.
Je pense que chacun ici l'apprécie, sans doute chacun différemment mais  à
sa juste valeur.

Hier, juste avant la nuit, nous sommes passés à travers un troupeau de globicéphales. Il y avait une douzaine de ces gros mammifères qui ressemblent à de gros dauphins, ou bien à de petites baleines. Ils font au moins 6 mètres de long et ont un grande aileron noir qui dépasse de l'eau, sans parler du jet d'eau.

Nous avons aussi croisé le cadre d'une fenêtre. D'où venait-il? Il flottait en mer au gré des courants.

Nous continuons avec un vent soutenu. Nous faisons de bonnes moyennes: 207 miles dans les 24 heures de midi à midi.  C’est le record pour le voyage et pour le bateau. Le courant nous a aidé  de 32 miles à notre faveur. Incroyable.
Demain, nous devrions avoir couvert plus de la moitié de la distance entre les Galapagos et les Marquises.



                             A peine , 2 ou 3 heures de pluie sur toute la traversée.





Aujourd’hui 29 mai, les vivres frais se sont finis. Nous allons passé mode conserves, pâtées, riz et produits congelés. Nous faisons notre pain.


7 mai 2018, 15 heures, l’ancre tombe dans le port-abri de Atuona sur Hiva Oa aux Marquises . Je suis content.



                                        Ca y est, Hiva Oa en arrière plan.


Sur le parcours des Galapagos aux Marquises, nous avons
couvert 3000 milles sur le fond en 18 jours et des poussières , 
la vitesse moyenne a été de 6,94 nœuds,
le courant nous a poussé de 281 milles ( quasiment 10%),
le vent a varié entre 4 et 38 nœuds ( juste un petit grain à 38 noeuds), et la vitesse du bateau entre 1 et 11 nœuds ( juste un surf sur une vague) , 
nous n'avons pas mis le moteur ( c'est vrai) , par contre nous avons consommé environ 300
litres de diesel pour le groupe électrogène, 
nous avons fait 108 quarts.



                                                      Port-abri d'Atuona.

Les conditions de notre traversées ont été globalement excellentes, voire optimales. La mer a été de belle surtout à forte rarement. Nous avons reçu très peu de pluies. La visibilité a été excellente.

Mon entente avec l’équipier a été excellente.
Mon entente avec le capitaine a été correcte.

Le  plus compliqué a été la multiplicité des pannes sur le bateau de marque française âgé de 4 ans, bien entretenu, bien équipé  mais fait vraisemblablement pour satisfaire les « au-moins » 90% des plaisanciers qui naviguent  quelques jours par an , à proximité des côtes et des réparateurs.Chaque matin, je m’interrogeais sur la panne du jour:
  • Fuite dans le système de distribution d’eau potable après le dessalinisateur  avec au moins 100 litres d’eau retrouvé dans le compartiment étanche du groupe électrogène bourré d’électricité et surtout sans aucune pompe d’évacuation!!! Réparation provisoire réussie.
  • Casse fixation vérin de hale bas de bôme: réparée
  • Rupture divers bouts, écoutes,  poulies et palans sous-dimensionnés: remplacements effectués
  • Pilote automatique un peu fantaisiste ayant débrayé 2 ou 3 fois sans prévenir:  le pied dans le gros temps . Un mystère.
  • Un chargeur alimenté par le groupe pour les  12 batteries du bord : non réparé. Heureusement le deuxième ( récemment réparé) a tenu le coup.
  • Rouet du groupe électrogène qui s’usait prématurément: changé.
  • Fuite de fuel à un filtre, bonjour les odeurs: réparé.
  • Fixation bôme ( poids: 300 kgs!) sur mât par un seul boulon sous dimensionné , bien fatiguée à l’arrivée ( très problématique, voire dangereux dans le gros temps).
  • Et j’en passe …Une avalanche.

Le plus compliqué a été aussi de supporter les défauts d’ergonomie invraisemblables du bateau:
  • Ma bannette était inconfortable, mal agencée avec une toile antiroulis inconfortable et peu fonctionnelle.
  • Dans le cockpit, je n’ai pas réussi à trouver une position assise confortable avec des banquettes trop profondes aux dossiers trop bas.
  • Combien de fois ai-je loupé une des différentes marches pour descendre dans la cuisine et les cabines?
  • Un poste avant atelier est accessible par une trappe type sous-marin obligeant les contorsions dangereuses. 
  • Les trappes des compartiments sous-planchers pas commodes et récalcitrantes prennent un malin plaisir à coincer les doigts .
  • Multiples bruits parasites ( trop intense pour être « normaux »)…
  • Et j’en oublie … mais à la longue, c'est usant.

Et au final, le plus compliqué a été de supporter la complexité et la fragilité de ce bateau de 57  pieds et l’hyperactivité de son  capitaine, très compétent et bricoleur, mais qui prenait beaucoup  plaisir à compliquer encore plus les choses. 

Et à l’arrivée, avec notre aide, le capitaine envisageait de repréparer le bateau pour la prochaine navigation avec les réparations des diverses pannes …, le plein du fuel en trimbalant plus de 300 litres en bidons  … J’avais déjà participé pendant une semaine à la préparation du voilier à Panama, puis aux diverses réparations …  et pour ma part il était hors de question que je fasse le boulot de ceux qui navigueraient par la suite. Le lendemain,  de mon arrivée, j'ai expliqué et donc quitté le bateau,  le coeur léger devant mon merveilleux équipier bien attristé.

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