dimanche 8 septembre 2019

Côtes Atlantiques françaises: Yeu- Ré- Noirmoutier. Belle Île.

Côtes Atlantiques Françaises, Août 2019: Penfoulic-Yeu-Ré-Les Sables-Noirmoutier-Belle-île- Les Glénan




                                                           Beaucoup de Pétoles cet été.


Ce mardi 6 août , au matin, à 8h15 le temps est maussade lorsque je quitte mon poste,  au quai de Penfoulic . Je zigzague dans l’étroit chenal qui permet de sortir de l’anse puis gagne la baie de Concarneau que je traverse au moteur.
Ma destination, le Fiers d’Ars sur l’île de ré est à environ 150 miles. A 9h30, par petit vent, je suis sous voiles au près bon plein. Pendant un grain, le vent monte à plus de 15 noeuds. Jusqu’à 12 heures, le trafic tant des bateaux à moteur que des voiliers est dense. 
A 14 heures, j’ai laissé Groix à 7 miles environ sur bâbord. Sur tribord, une trentaine de bateaux de pêche sont au boulot ( comme un agglomérat sur mon écran GPS).  Je suis peinard sous le soleil revenu, vent de travers 10-12 noeuds. 
A 17 heures, je suis au large, à deux miles de la pointe de Talus au sud-ouest de Belle-île. Le vent commence à s’essouffler et je remets le moteur vers les 20 heures, pour deux heures de temps.  Puis je tente les voiles pendant deux heures mais je me traîne, à peine à deux noeuds. Je rencontre quelques cargos qui sont sortis  de l’embouchure de la Loire.
Ce jour, le mer était belle et j’ai vu énormément de groupes de petits dauphins peu enclins à s’amuser: bonjour, au revoir. 

Ce mercredi 7 août, à minuit, le vent devient quasi nul et je remets le moteur et le garderai ainsi  jusqu’à l’arrivée! Le trafic est nul comme le temps pendant deux heures où il pleut dans cette nuit noire,  sans visibilité.  Je surveille mon écran GPS et jette un coup d’oeil à l’extérieur toutes les 10 minutes. 
Je passe au large de l’île de Ré, peu de bateaux. Et puis au soleil levant, les bateaux de pêche sont nombreux et comme d’habitude, avancent dans tous les sens. 
A 11 heures, j’arrive au pertuis breton. A 12  heures, j’ai contourné, le long banc sableux du Bûcheron, et emprunte le chenal qui mène au Fiers d’Ars et vais mouiller devant La Patache, en face du Golf des Portes en Ré. J’échoue rapidement sur le sable et profite de la marée basse pour ramasser des coques et des pieds de couteaux. 
Le soir, le coucher de soleil est magnifique ( de loin le plus beau du séjour). 




Entrée dans le pertuis breton: beaucoup de bateaux pêchent par deux.



Même les goélands attendent le vent.



                                        Belle lumière sur Ars au soleil couchant, coté Est.



                                          Pas pire non plus à l'Ouest, avec éclat du phare des Poulains.



Java, peinard devant La Patache, en pleine saison touristique.



Mais tout le monde n'est pas en vacances: ça bosse sur les parcs du Fiers ( Java sur la droite).


Vendredi, Claudie est venue me rejoindre avec Vanille, notre chienne « centenaire ».  Nous resterons quelques jours dans le chenal qui mène au Vieux Port. Le Fiers d’Ars reste une valeur sûre pour qui recherche un super abri , loin de la foule, avec un bon garde manger de coquillages à volonté. Mais posséder un bateau qui échoue, augmente considérablement les possibilités de vagabondage. 

Le transport en annexe ou à pied ( si marée basse) de  la «centenaire » à terre 3 ou 4 fois par jour complique un peu la vie. Nous décidons de gagner le port de la Criée à Ars et de nous mettre au ponton pendant une huitaine de jours ( marina très calme, sanitaires propres, parking jamais complet et Ars à  quelques pas). 

Et puis, ballades à pied ...



                                                        Le long des allées boisées.


                                                           Le long des plages animées.



                             A la pointe des Poulains, les gens s'amusent avec les galets.




                                          Pas vertes les algues, mais elles s'entassent aussi .



                        Les Portes en Ré, à l'extrémité de l'île, adorée de la jet-set et des artistes.



Les Portes: village joliment rénovée. Bizarre ce calme en pleine saison.




                                                L'aigrette garzette  poignarde les poissons.



                   L'avocette "sabre" le fond de l'eau et fouille la vase avec son long bec retroussé.




                        La nerveuse échasse blanche, par contre, ne sonde que rarement la vase.


La mouette rieuse tapote le fond de l'eau avec les pattes, en reculant, pour faire sortir les proies.




Des faux-canards ... pour attirer des vrais!



           Escapade hors de l'île : chenal menant au joli village de Mornac-sur-Seudre près de Royan.

Mercredi 22 août.

A 8h30, je quitte Ars en Ré pour Les Sables d’Olonne pour environ 25 miles de navigation. Je sors du Fiers au moteur puis hisse les voiles. Le vent de nord-est de 10 noeuds est travers, la mer est belle et le temps très chaud. 
En tout début d’après-midi, je remonte le long chenal qui mène à la marina et à 14 heures, je suis au ponton dans la grande marina. 



                                                      Les halles sont magnifiques.



Le poisson rouge est un joli et  bon restaurant. Ci-dessus, tableau composé de dessins d'enfants ornant  ... le petit coin.



ça pêche toujours aux Sables.



Vendredi 23 août.

A 8h30, je quitte Les Sables d’Olonne pour le port du Morin à Noirmoutier pour environ 42 miles de navigation.  Le temps est beau, la mer belle, le vent de nord-est de 10 noeuds environ puis il a faibli progressivement et vers 15 heures, à 11 miles de l’arrivée , je mets le moteur , pêche à la traine, sans succès … en attendant la mi-marée avant d’entrer dans le port d’échouage où s’abritent des centaines de petits bateaux de pêche-promenade et quelques dizaines de voiliers , et seulement quelques places pour les visiteurs. Je suis content de retrouver ce port où Java m’a abrité pendant l'équivalent une année entière quand je faisais mes remplacements au cabinet médical. J’en garde de bons souvenirs , dans cet endroit calme et local, bien loin de la grosse pression touristique , avec plages et ballades dans les marais à proximité.  


Toujours aussi mignonnes, les cabines de bain à la plage des dames.



Jetée Jacobsen: superbe vue de Noirmoutier en l'Ile.







Lundi 26 août.

A 8h45, peu après la marée basse de petit coefficient , je quitte le Port du Morin en laissant bien à l’écart la bouée bâbord au bout de la digue ( gros ensablement), direction pointe du Talus de Belle Ile à 45 miles environ. 
Le vent de 10 noeuds est nord-est , donc travers tribord, la mer peu agitée. Rapidement, la brume s’installe, assez dense parfois. Le vent diminue progressivement et à 15 heures, à 16 miles de Belle île , le vent passe nord-ouest, très faible et je mets le moteur ( Encore? Ben Ouai! ) et décide d’aller passer la nuit au mouillage au port de Kérel , proche du sémaphore. 
A 18h15, je mouille dans ce super endroit que je na connaissais pas: très beau et grand mouillage bien abrité des vents d’ ouest à nord-est en passant par le nord. Nous serons une quinzaine de voiliers à y passer une nuit tranquille. 


Mardi 27 août.

A 7h25, je quitte Port Kérel pour les Glénan à environ 40 miles. Au magnifique soleil levant, je contourne, au moteur, la pointe du Talus  puis passe devant Port Goulphar dominé par son phare à un kilomètre dans les terres. 
A 8h45, un petit vent de nord nord-est s’est levé et je suis sous voiles au travers dans une mer un peu remuante ( comme toujours dans ces parages). Quelques cormorans se promènent souvent deux par deux. Plus au large, les fous de Bassan volent toujours de cette même manière puissante. 
Vers 10 heures, une bande de grands dauphins m’accompagne pendant une petite demi-heure. Ils sont moins vire-voltants que les petits dauphins mais leur présence est tout de même bien sympathique.  Le vent tombe puis passe rapidement nord-ouest, faible et pile poil dans le nez.  Penfret est à 27 miles. et … je mets le moteur. J’essaie depuis toujours de limiter au maximum l'aide du moteur mais je dois admettre que sans moteur, les temps de navigation seraient beaucoup plus élevés, surtout sur les petits trajets. Je possède Java depuis bientôt 9 ans , j’ai parcouru environ 20 000-22 000 miles dont environ 4 000 au moteur soit environ 20%. 



                  Lever du soleil sur la pointe du Talus qui cache le super mouillage de Kérel.

Je m’essaie à la pêche à la traîne, finis par sortir 2 maquereaux qui me serviront aussi d’appâts pour le casier et la pêche à la ligne. A 16 heures, je vais mouiller devant la plage sur la côte Est de Penfret puis change d’avis et vais mouiller près de la Roche Lambert à l’Est du Loc’h, par fond de sable . 



Mouillage du Loc'h déjà plus tranquille qu'en plein été avec que des voiliers à  l'échouage: 6 biquilles ( et oui: 2 westerly, 3 RM, 1 biloup ) , 2 dériveurs intégraux ( 1 feeling, 1 ovni), un dériveur lesté (1 moustequaire club)  et un quillard béquillé ( 1 arpège) .


                                                  Transparence extraordinaire de l'eau.



                                                Eh, eh, super les appâts de maquereaux.


Aux Glénan, les planches à voile sont encore de sortie.



Fin de la saison pour Java en attendant le printemps prochain pour une croisière plus nordique.

Gildas.

dimanche 18 août 2019

Les Glénan.

La Forêt Fouesnant, le 4 août 2019,

Le 1er août, en fin d'après-midi ( marée oblige),  Java a quitté son abri de Penfoulic pour une petite escapade de 3 jours aux Glénan: grandes marées et beau temps au programme.


                                        A bord, tout va bien. Equipière et moussaillon ravis.

Le vent ouest sud-ouest d'une dizaine de noeuds nous propulse gentiment et en silence jusqu'à Penfret. Nous serons parfois escortés par des groupes de petits dauphins toujours aussi toniques.
Après quelques zigzags dans l'archipel, nous irons mouiller devant  la magnifique grande plage nord nord-est de l'île du Loc'h, parmi les cris des goélands et des sternes.
Nous passerons une nuit tranquille parmi une petite douzaine de voiliers et vedettes à l'échouage.

Le 2 août au beau matin, nous mettrons pied à terre avec l'annexe et partirons pour un tour de l'île, la plage est encore quasi-déserte.


Mer descendante avec Fort Cigogne à droite et Saint Nicolas au milieu en arrière plan.  

                     
Je prends un plaisir fou à redécouvrir cet environnement marin breton tellement puissant et envoûtant,  aux multiples paysages rythmés par les marées.  Toute l'île a été clôturée pour protéger la nature des stupidités humaines. La ferme  a été rénovée. "Dans le temps",  j'ai galopé sur toute cette île, domaine des rats, avec des bâtiments en ruine.


La clôture en premier plan, puis la cheminée de l'ancien four à goémon,  avec l'étang à gauche et la ferme en arrière plan.



La végétation souffre de la sécheresse mais les petits moutons d'Ouessant ( au milieu de la photo) y trouvent tout de même leur bonheur.


                                                        Paysage sec mais coloré.

La randonnée est courte mais expose de magnifiques panoramas sous de splendides lumières et de sublimes couleurs. Je retrouve cette Bretagne vivante tant vivifiante.


                                       Etendues d'algues brunes, bien vivantes celles-là.



                                                           Beauté colorée d'estran.


              Superbe mais délicate zone d'échouage dans la baie ouest de l'île, proche des bâtiments.



                                                                Et toujours des couleurs!

Au retour sur la plage devant Java, le paysage a bien changé. La mer s'en est allée et de nombreux estivants sont arrivés avec canots, vedettes chargés des nécessaires de pêche,   de camping de plage... Nous profitons de la marée basse pour la pêche aux pieds de couteaux et patauger dans les flaques.


Les lieux s'animent: jusqu'à une centaine d'embarcations et quelques 300-400 personnes présentes mais dans une bonne ambiance.


      La zone de mouillage et d'échouage est grande et bien protégée, et Java est perdu dans la masse.



                         La mer remonte bien et les couleurs de l'eau deviennent bluffantes.

Après une deuxième nuit toujours aussi tranquille, nous avons profité d'une autre matinée de pêche et d'une après-midi de plage. Le soir, nous rentrons sur Penfoulig, toujours tranquillement à la voile et encore accompagnés par quelques groupes de dauphins.


                                                  Popoff sous voiles sur le chemin du retour.




    Nos nouvelles  jeunes pensionnaires qui elles aussi vont bientôt voyager pour hiberner loin de chez nous.


Gildas.

lundi 22 juillet 2019

Retour des Açores sur la Bretagne


Traversée de Terceira sur l’Europe. 

Le 7 juillet 2019.

Hier, j’ai fait les courses avec l’aide de Luis.
En soirée, j’ai mis le bateau en ordre de marche.
Ce matin, je me suis levé à 7 heures, effectué les derniers préparatifs. Je suis passé à la capitainerie pour régler mon séjour et  les formalités. "Prochain port", me demande t-on ? - "Cork en Irlande", j’ai répondu.
Je retourne au bateau et je quitte le ponton peinard mais le capitaine du port m’interpelle lorsque je passe devant son bureau: « vous avez un contrôle d’immigration! ». Ben ouais je viens d’apprendre quelque chose: l’Irlande n’est pas dans l’espace Shengen!!! J’attends depuis plus d’une heure et toujours rien à l’horizon: le bon fonctionnaire vient  de l’aéroport de Lajes à  15 minutes de route. 
J’ai regardé la météo qui semble un peu mollassonne au départ puis semble plus imprécise . Enfin globalement ce n’est pas trop mal, à priori. Je verrai en pratique avec peut-être une dépression dans la dernière partie. 
J’ai hésité à rester un peu sur les Açores et notamment sur Graciosa mais bon, on ne pas tout faire non plus… et j’ai décidé de remonter sans vraiment de destination bien précise.
Bon, plus de deux heures que j’attends au ponton d’attente ( porte bien son nom aujourd’hui). Enfin, le gugusse de l’immigration, bien bedonnant, arrive , se dirige vers moi: «  votre passeport s’il vous plait » prononcé en bon français. - «  Tenez, le voilà ».  Après 11 secondes, il me le rends et me dit « Bon vent ». Je lui réponds «  Merci ».  Mais en fait merci de quoi, de m’avoir fait poireauter 2 heures et demi pour rien. Mais je me dis « qu’ils ont des ordres ». 

12h30, je dégage rapidement au moteur et longe la côte sud de Terceira noyée par la brume dès les premières hauteurs ( comme souvent) jusqu’à la Ponta das Contentas avec son petit phare. Je la contourne, arrête le moteur , déroule toutes les voiles. Le vent est au sud 12-15 noeuds et mon cap à 47°donc grand large. J’avance à 5 noeuds sur cette mer peu agitée sous le soleil et la chaleur mais la campagne est toujours engluée dans la poisse. 


               Terceira: côte sud-est et ses collines noyées dans les nuages comme souvent.


La pointe sud-ouest l’Irlande est à 1069 miles. La pression atmosphérique à 2020 . 
Le génois se dévente trop souvent et j’enroule ma grand-voile.

Le 8 juillet 2019.

Etant près des côtes, cette première nuit, je devrai veiller sérieusement et  mettre le nez dehors tous les quarts d’heures environ.
Le  début de nuit est étoilé puis vers les 3 heures du matin, le vent passe brutalement sud-ouest en forcissant à 20 bons noeuds. Je réduis mon génois jusqu’au deuxième point d’enroulement. Au loin sur bâbord, les éclairs illuminent sans arrêt l’horizon. La mer devient turbulente et je ferme la  cabine avec les deux panneaux de descente.

A  4 heures, un cargo passe devant à 4 miles.
Vers 6 heures, le vent diminue nettement, je déroule le génois entièrement. Toute la nuit, les éclairs se sont amusés le long de la ligne de grains. Je n’ai reçu que quelques gouttes de pluie.

A 8 heures, le génois passe à contre ( je le détangonne),  le vent est presque nul mais dans le grain, le vent a subitement changé de direction et je l’ai dans le nez!!! Je suis bâbord amure avec toutes les voiles dehors qui fasseyent.

9h30, le vent repasse au sud, faible . Je passe tribord  amure sous génois entier tangonné.
Mais ça ballote: plus de vent. Je mets le moteur en marche pour retrouver du vent ( je sais que je suis juste à la bordure d’une zone déventée). Une demi-heure plus tard, le vent revient doucement et j’arrête le diesel.

12 heures, le vent forcit un peu. Des puffins cendrés s’amusent en vol plané autour de Java. Deux couches de nuages se partagent le ciel, la couche supérieure, dense semble statique, la couche inférieure transparente avance très vite en décalage avec sa voisine et me donne l’impression moi aussi de planer sur l’océan. Etrange sensation.

13h20 je me suis rapproché de 110 miles de Baltimore en 24 heures. Il me  reste 959 miles.

15 heures. Je viens de traverser une ligne de grains actifs et le vent passe ouest nord-ouest !!! Je redétangonne le génois, redéroule la  grand voile.

16 heures, le vent remonte nord-ouest puis nord nord ouest en forcissant. Je règle mes voiles pour une énième fois. Il veut franchement m’agacer ce jour. Je suis quasiment au près.
J’en profite pour mettre Georgette ( mon régulateur d’allure au boulot) au boulot. Elle est contente.
Beaucoup de physalis ( méduses merdiques mais belles et transparentes) dérivent sur la mer peu agitée. Les puffins s’amusent toujours. 


                                              Georgette, la régulatrice d'allure, est  au taf.

Vers 20 heures, le vent forcit encore et j’enroule mon génois au deuxième point d’enroulement  et j’enroule deux ris dans la grand voile. Georgette se régale. La mer est peu agitée. Le temps s’éclaircit, le soleil prépare son lit. Dans le cockpit, l’heure est à la rêverie , à l’errance … Le navigateur solitaire déguste ces moments hors du temps et du monde.

21 heures, finie la rêverie, le vent passe nord . Je réduis le génois et la grand voile. Le soleil va se coucher derrière  les nuages. Je ressens une petite fraicheur nécessitant une petite polaire dehors. 
En cette fin de journée, je suis fatigué à constamment changer de configuration de voilure avec ce vent qui ne sait pas ce qu’il veut tant en force qu’en direction. Faudra bien que ça s’arrête.

Mardi 9 juillet.

1 heure, le vent diminue et je déroule tout le génois.

5 heures, Georgette s’asphyxie par manque d’air. Je la remplace par le pilote électrique. 

6h, le vent descend au nord ouest et regagne de la vigueur. 

8 h, le vent faiblit!  OH, monsieur le vent, c’est fini ce bordel! C’est quand que tu arrêtes de divaguer. Là franchement , tu m’emmerdes.

8h15 Pile poil devant moi à 50 mètres , Java se dirige sur une grosse bouée orange munie d’une antenne. J’ai du reprendre vite fait la barre pour l’éviter. Incroyable, c’est la seule bouée perdue à des dizaines et à des dizaines de miles d’océan. . Ca ne m’étonne pas que des gens gagnent au loto. 
Malgré tout, cette nuit, j’ai dormi correctement par petites tranches de 1-2 heures. 

9 heures, je change de stratégie , remets toutes mes voiles et remonte au travers. Je ne suis pas vraiment sur le bon cap mais avance bien mieux à 3-4 noeuds. 
Un cargo passe derrière moi à 3 miles et un autre devant moi modifie sa trajectoire puis passe à 1.25 mile devant. 

10 heures, une troupe d’une vingtaine dauphins s’agitent  autour de Java sous la surveillance aérienne des puffins pour seulement une dizaine de minutes de spectacle. J’ai refusé de payer. 
Entre temps, le vent a viré sud, 8-10 noeuds , je suis passé tribord amure sous génois tangonné. 
Depuis ce matin, le ciel est gris et bas, la nuit menace.

12h, le temps devient poisseux puis il pleuviotera toute l’après midi. 

13h20, je me suis rapproché de 97 miles de Baltimore en 24 heures. Il me reste 862 miles. 

16 heures, sans raison, la mer devient un peu agitée, un peu désordonnée avec une houle assez  courte de 2 mètres. Java roule puis tout rentre dans l’ordre au bout de 2 heures!

Vers 19 h, les pluies éparses s’arrêtent puis reprennent vers 23 heures pour toute la nuit sur une mer remuante à nouveau.

Mercredi 10 juillet.

1h50, le vent remonte ouest, faible. Je passe ma voilure  bâbord amure, sous génois tangonné. Il pleuviote. Je lambine sérieusement à 2-3 noeuds. Mais bon j’avance.

Je me couche et me réveille à 6 heures. Tout va bien. Rien n’a changé. Le vent a forci un peu. J’avance à 3.5 noeuds sur un mer belle. Le ciel est dégagé. 


13h20: je me suis rapproché de 98 miles en 24 heures. Soit 305 miles en 3 jours. Il me reste 764 miles. Je suis bien loin de mes records mais bon au vu des circonstances, je ne suis pas franchement mécontent. Même dans le tout petit temps, Java se remue le cul. 

17 heures et ouais 17 heures et je n’ai touché à rien . Ca fait du bien. Il fait beau. Je ne suis pas dans la pétole. Un petit pétrel au cul blanc m’a accompagné quelques temps. La mer est peu agitée. Le baromètre est stable. Georgette est toujours au repos. Les batteries sont  chargées à bloc avec mes 2 panneaux solaires. L’éolienne fait semblant de tourner.

18heures. Après avoir fraichit momentanément un peu jusqu’à 15 noeuds, le vent faiblit à nouveau 
avec un temps qui se bouche. Il crachine à moitié. 

21 heures. Je n’avais pas touché à la voilure depuis 2 heures du matin. Le vent est remonté un peu. Je détangonne le génois sans succès  sur la vitesse. Je le retangonne une demi-heure plus tard pour être plus peinard pour la nuit. 
La mer est devenue agitée un peu désordonnée. Dans la cabine, les mouvements du bateau sont pénibles. C’est chiant. Je me fais remuer et j’avance à peine. 

Jeudi 11 juillet.

8 heures. La nuit a été désagréable avec ces mouvements saccadés qui rendent le repos difficile.
Le brouillard est épais et le restera jusqu’à midi. Je me croirais sur  les bancs de Terre Neuve.
Les batteries sont pleines à 92%. Le baromètre est stable. Il fait 23° dans la cabine. 

12 heures, le temps se dégage, le vent  remonte de 20 degrés  et forcit à 15 noeuds et je détangonne le génois et établis aussi la grand voile en entier. J’avance enfin correctement  à plus de 5,5-6 noeuds.  Evidemment, ça ne dure pas. Il reperd 20 degrés, mollit un chouia et je retangonne le génois que j’enroule un peu pour qu’il soit moins déventé par la grand voile. C’est globalement satisfaisant. Les batteries sont déjà pleines.

Depuis hier, je réfléchis pas mal sur la destination: Irlande comme prévu ou bien, les Scilly, ou bien La Bretagne ou bien l’Espagne du Nord . Tout est possible selon le vent.  Je n’élimine aucune option. En mer, c’est toujours comme ça, je cogite pas mal sur tout et rien avec le curseur du bien être qui peut passer de 2 à 18 plusieurs fois par jour. 
Une cible de bateau apparait sur l’écran de mon GPS: pas vu ni entendu d’autres depuis 40 heures. C’est assez désert par ici. 

13h20 Je me suis rapproché de Baltimore de 93 miles en 24 heures et de 398 miles depuis le départ. Ca ne va pas très vite mais je suis sur la route, le vent portant est mollasson et les conditions sont très correctes même si j’ai passé pas mal de temps au réglage de la voilure et des voiles.  J’arrête à présent de décrire tous ces modifications mais les conditions sont telles: petit vent assez changeant qui donne pas mal de boulot.

18h Depuis une heure la brume est retombée avec des bancs plus ou moins denses, vraiment comme dans les environs de Saint Pierre et Miquelon.  La mer est belle et cet après midi, j’ai fait le ménage et dégagé la cabine arrière pour au cas échéant me servir de bannette en fonction du temps.
Cet après-midi, j’ai vu quelques puffins,  et au loin , furtivement, 2 grosses masses sombres provoquant un grand remous  ( certainement deux grands cétacés).

Vendredi 12 juillet,

8 heures. Depuis hier soir, le vent est passé travers et a forci progressivement jusqu’à 20 noeuds nécessitant encore plusieurs réglages de voile cette nuit et même le remplacement du génois par la trinquette. J’ai remis Georgette au travail. J’ai dormi par brides de 1 heures environ.
Le baromètre est stable. La cabine est à 21°. Les batteries pleines à 96%. Le temps est tristounet , plus ou moins humide, plus ou moins brumeux.
Ce qui était prévu arrive à savoir le passage du vent au nord nord est en faiblissant et sans doute pour plusieurs jours. 
L’allure du près bâbord amure est sans doute de sortie pour plusieurs jours. Je remets Georgette au chômage. Au près pas trop serré , les 7-8 noeuds de vent suffisent pour faire avancer Java à 4 noeuds: pas de risque d’excès de vitesse ces temps-ci. La gite est très modérée. La mer est plate, je me croirais presqu’à la maison.Mon cap est à 80° environ.  
Baltimore en Irlande est à 571 miles  au cap 51°
Les Scilly sont                à 626 miles au cap 64°
Sein est                          à 652 miles au cap 76°
Noirmoutier est      à 742 miles au cap 81°
La Corogne en Galice est à 510 miles au cap 104°
Il est vraisemblable que l’Irlande et les Scilly seront pour une prochaine fois.
Pour le reste, je ne néglige rien. Le vent décidera. 
Deux cargos passent à trois quatre miles. 

13h20 Baltimore à 554 miles. Je me suis rapproché de 118 miles de Baltimore ces dernières 24 heures soit 516 miles en 5 jours. Le vent passe est, bien pour La Corogne!

15 heures. Le vent n’arrête pas de changer, il est sud-est et je me retrouve au cap 120!!! la direction de Porto!!! Pour un peu, je retournerai pour Terceira. Ca ne  va franchement pas.
Je vire donc de bord pour me retrouver au près tribord amure.

17 heures. Le temps se bouche à nouveau . Le vent forcit 20 à noeuds, ça tape. 


Samedi 13 juillet,

6h00 Ca y est, c’est le matin, il fait grand jour. Le baromètre est stable plutôt en hausse. 20° dans la cabine et quelques degrés de moins dehors. C’est nuageux mais pas poisseux. Ca change. 
Cette nuit, la voilure était réduite: trinquette et une demi grand voile. J’ai pu me reposer, calé dans ma bannette bâbord, bien au chaud, bien au sec. 

7heures, le vent mollit et je remets de la voilure et Georgette est toujours au commande. 

8heures. Le pain restant est moisi et passe par dessus  bord. Je sors les biscottes! 
Ma position est au 46°02 Nord, 18°18 Ouest. Je suis toujours sur le cap du sud ouest de l’Irlande. 

On me demande parfois : «  mais si tu tombes malade en mer… » . Ben ouais, mais je n’y pense pas et après tout, on meurt aussi dans les hôpitaux et sur les routes. Passons à autre chose sinon, on ne ferait rien. Jérome Janichon écrivait que «  le risque zéro était le cancer du monde moderne ». De toute façon, tu meurs même en ne faisant rien, alors … Non, il faut minimiser les risques tout en s’octroyant des espaces de plaisir. Et chacun met le curseur selon ses prérogatives. 
En mer, il faut se reposer le mieux possible dès que c’est possible jour et nuit.
En mer, il faut manger le mieux possible. Je prends toujours un super bon petit déjeuner puis un repas chaud le midi ou le soir et en plus je grignote des fruits  frais ou secs, des petites gâteries, du fromage…


                                        Salade fraicheur après quelques jours de mer.

Et puis le confort en mer, c’est d’avoir chaud et d’être au sec. A de rares exceptions et encore, l’intérieur de Java est toujours sec: les hublots, panneaux de panneaux … sont bien étanches et fermés. Je ne rentre jamais avec des habits mouillés, je les mets sous la capote. Je mets toujours les habits d’extérieurs stockés sous la capote. Je deviens maniaque. C’est du taf mais quel plaisir d’être au sec , d’avoir un lit sec et non salé. Pour moi, c’est primordial. Et avec des équipages, c’est très difficile à obtenir. 

13h20 Baltimore à 459 miles. Je m’en suis rapproché de 95 miles en 24 heures soit 611 miles en 6 jours.

18 heures . Globalement le vent est sud-est faible avec quelques variations de force et de direction.
Le baromètre est stable. Le temps est nuageux, sec et plus frais. La visibilité est bonne. 
Je viens de voir un probable globicéphale à 300 mètres environ. 
Normalement, il était prévu une dépression en fin de semaine et je prépare le bateau à un éventuel coup de vent. Je me fie au baromètre, aux nuages et à l’évolution de la direction du vent pour essayer de comprendre le système météo où je suis. Et pour l’instant, je suis au sud-est de l’anticlyclone. Mais je ne peux pas deviner son évolution. 
J’hésite sur ma destination et me dirigerais bien sur la pointe de Bretagne mais je crains m’engluer dans le centre de la haute pression. Donc je continue toujours sur Baltimore et on verra. 

Dimanche 14 juillet. 

8 heures. Aujourd’hui,  je fais péter toutes mes fusées. Non, je rigole. La nuit a été peinarde, au près bon plein,  tribord amure .

9 heures . Le vent est « de travers » à 6-10 noeuds. 

12heures. Hier j’avais terminé le pain encore comestible et balancé le moisi.
Aujourd'hui j’ai terminé la salade verte. La tétragone a supporté 8 jours ( pas mal).

13h20 Baltimore à 354 miles d’où je me suis rapproché de 105 miles en 24 heures, soit 716 miles en 7 jours. 
Le vent est parti au sud, toujours très faiblard.  Le temps est nuageux et il fait presque chaud ( 25° dans la cabine). Je suis grand largue-vent arrière, une allure pénible où le bateau roule et où les voiles ont du mal à être efficaces ( sauf le spj que j'hésite à hisser  en haute mer,  quand je suis seul).  Je me suis amusé par contre à divers réglages de voilure et il s’est avéré que grand voile et génois tangonné de la 1/2 au 2/3 s’avéraient le montage le plus efficace et le plus confortable.
Je me traine, je me traine à 2-3 noeuds et ainsi jusqu’à au moins minuit. Le temps a été nuageux. 

Lundi 15 juillet.

1 heure, le vent est passé au sud ouest à 10-12 noeuds et je suis presque vent arrière sous génois tangonné. 
Je suis en pleine réflexion sur ma destination. Depuis les Açores, je me suis faufilé entre un anticyclone à l’est et une dépression à l’ouest et j'ai bénéficié de ce vent changeant et faiblard, globalement de sud. Je ne pouvais pas obliquer trop tôt sur la Bretagne au risque de me trouver dans la pétole au milieu de l’anticyclone. Le baromètre est toujours stable et je suis donc dans la partie nord-ouest de cet anticyclone et j’ai maintenant plusieurs possibilités. Soit continuer sur Baltimore avec le risque de me ramasser un coup de vent sur la tronche en y arrivant, soit obliquer sur les Scilly avec le même risque un peu atténué, soit obliquer encore plus nettement plein est sur sur la Pointe bretonne. 
Et puis, ça fait tellement longtemps que je n’ai pas navigué en Bretagne pendant l’été où je pourrais en  profiter avec mes proches.  
Vers 4 heures du matin, je mets Java plein est sur la Bretagne, enfin soulagé d’avoir enfin choisi une option. Au moins, c’est fait. 




                         Cap sur la bretagne (Java est la petite flèche noire).

Je rentre un way point au sud de Guilvinec dont 436 miles m’en séparent. Je suis vent arrière pile poil  avec mon génois tangonné. Et puis j’ai écouté de la musique bretonne à donf, non mais …

9 heures. Le beau temps ensoleillé s’installe ( 1 ème fois depuis mon départ). Le baromètre est stable. La température de la cabine est à 20 degrés. L’allure n’est pas confortable sur cette mer agitée avec des vagues de 2 mètres.

11 heures. Le vent passe nord ouest  15 noeuds. Je remets en place mon génois tangonné à la moitié  sur tribord avec  ma toute ma grand voile et enfin j’avance à plus de 6 noeuds ( ça faisait longtemps!).

12 heures. J’avance bien et je passe prés d’un navire de 90 mètres , le «  James Cook » à manoeuvrabilité réduite à l’AIS, probablement un bateau d’étude anglais. 

13h20. Je suis à 272 miles de Baltimore et 390 miles du Guilvinec. Je me suis rapproché de 82 miles de Baltimore  ( valeur faussée évidemment puisque je suis sur la route du Finistère) soit 798 miles depuis 8 jours. 

17 heures. Le temps est toujours ensoleillé. Le vent toujours nord-ouest mollit un petit peu mais pas trop. La houle de 2 mètres environ est longue avec des vagues de même sens de 2 mètres aussi et Java roule en proportion
J’espère surtout ne pas tomber dans une grosse molle ( zone sans vent). 
Je ne me suis pas bien reposé la nuit passée et je passe ma journée à multiplier les petites siestes.

19 heures. Le vérin de mon pilote électrique principal déclare forfait! C’est le moteur qui a dû lâcher. Je l’avais changé il y a 3 ans. Il aura fonctionné pendant environ 5000-6000 miles. C’est encore 150 euros pour le remplacer. Je mets Georgette au taf mais elle est complètement bourrée: pas assez de vent pour qu’elle fonctionne. Je sors donc mon petit pilote de secours qui fonctionne bien mais n’a pas la puissance, ni la rapidité ni l’endurance de l’autre. De plus, il n’aime pas la mer trop formée. En attendant, c’est lui qui bosse. Sans pilote, la navigation en solitaire devient vite une galère.
Je viens d’apercevoir un voilier sur tribord, assez loin, à 3-4 miles environ. Je ne le vois pas à l’écran. C’est le premier que je vois depuis mon départes Açores. 


                                          Coucher de soleil à l'ouest: j'attends le rayon vert.



                                          A l'est,  la lune se lève au même moment. 

22 heures. Cette nuit, la pleine lune m’accompagne avec les étoiles en demi-teinte. Le vent est stable , toujours de nord-ouest mais faiblard, très bien pour mon petit pilote mais je me traine. 

Mardi 16 juillet

Bon anniversaire Adrien. 

8 heures. Vent toujours de nord-ouest mais quasiment nul. 
Je mets le moteur pendant deux heures. Je l’arrête. Il m’agace. Faire du moteur en pleine mer sur un voilier, ça me chiffonne.

10h15. Je mets le spi.  Je n’ai pas pu m’empêcher. Il ne gonfle même pas. C’est la pétrole même si la surface de la mer est encore un peu irisée. 

10h45. Il fait super beau avec une superbe visibilité. La mer est vide de tout: pas d’oiseaux, pas de poissons, pas de bateaux … Rien.
Je ramasse mon spi dans sa chaussette et le mets en attente. ET … je remets le moteur 2 heures avant de toucher un semblant de vent et je remets le spi. Il se gonfle tout juste mais il le fait. 


                                               Sous spi: au moins j'avance ... un peu.


13h20 Je suis à 281 miles du Guilvinec (et 220 des scilly et de Baltimore). Je me suis rapproché tout de même de 110 miles en 24 heures. 
Cet après midi, le temps est magnifique et une douche ira avec moi, et j’irai me sécher comme les cormorans à la proue de Java. 

21 heures. La journée a été magnifiquement belle avec juste des petits trains de nuages de beau temps qui décorent le ciel. Le spi m’a tout de même permis d’avancer. Pour la nuit, je le rentre  et remets ma GV et mon génois tangonné. Aujourd’hui, je n’ai même pas entendu tourner l’éolienne ( pas assez de vent). 

Mercredi 17 juillet.

0h50. Je me réveille. Je suis sous fausse amure et je passe ma voilure de bâbord à tribord amure et j’abats de 15° pour le confort. 

3 heures. Merde, je viens d’empanner ( pas de risque avec mon frein de bôme super efficace). 

5 heures. Le vent portant n’arrête pas de bouger de quelques 25-30° , suffisamment pour m’agacer. Tans pis, je tente les voiles en ciseaux. Ca fonctionne. J’ai dû voir 3 cargos cette nuit.


                                 Voiles en ciseaux possible grâce à mon petit pilote précis.

 8 heures. Baromètre stable. 20° dans la cabine, ciel nuageux.
J’ai préparé mes tartines grillées beurrées avec des rondelles de concombre et d’échalote. Tout est près, devant moi sur la table à carte.  Et merde encore les voiles qui fasseyent!  Le vent est passé ouest sud-ouest  à 15 noeuds. Des vagues courtes de deux mètres se sont levées et le petit pilote vient de décrocher ( trop dur pour lui). Je mets Georgette au boulot. Elle est encore un peu bourrée ce matin mais bon au moins j’avance plus ou moins dans le cap. 
Je retourne au petit déjeuner. A peine assis, j’entends des bruits bizarres à l’extérieur. Je jette un coup d’oeil par un hublot et je vois comme un banc de plusieurs centaines petits poissons "voler" au dessus des flots!? J'hallucine ou quoi! Le temps de prendre mon appareil photo et de sortir dans le cockpit, « le nuage poissonneux a disparu ». Je retourne à la table à carte et rebelote, à peine assis encore des bruits bizarres se font entendre mais différents cette fois-ci. Je ressors et là je vois des dizaines de cétacés genre globicépahales converger de tout bord vers Java. Ils font un peu comme les petits dauphins mais sans sauter hors de l’eau. Ils suivent le bateau, sortent hors de l’eau seul ou en groupe. Ils font réellement le spectacle pendant une bonne heure et quel spectacle !  Quelques fous de Bassan ( les premiers que je vois depuis ma remontée) vient faire les curieux. 


                                                     "Troupeaux" de Globicéphale.


                                                          A portée de la main.
Belle bête de 5 à 6.50 mètres de long  pour un poids entre 1.8 et plus de 3 tonnes. Espérance de vie: 50 ans.

10 heures et je n’ai toujours pas mangé. Je retourne à la table à carte. Le pain grillé a eu le temps de bien se refroidir. Je jette en même temps un coup d’oeil sur le GPS, clique sur la cible qui est apparue: « Bara Loden du Guilvinec en pêche ». Aucun doute, la Bretagne approche.

13h20. je me suis rapproché de 91 miles du Guilvinec en 24 heures.
Les conditions sont idéales. Java avance bien, glisse à la surface de l’eau sans heurt, avec quelques vibrations de plaisir dans les accélérations, avec le bruit fluide de déferlement des vagues sur la coque. Tout est tranquille mais dynamique. La cabine est chaude et chaleureuse. 

17 heures. Le vent a forci un peu. J’ai réduit la grand voile. Le temps est devenu un peu brumeux avec une visibilité réduite. J’ai vu plusieurs cibles cet après midi sur le GPS dont quelques bateaux de pêche. La civilisation approche. Les deux nuits qui me restent seront plus vigilantes et en conséquence plus fatigantes. Mais ça va, je me repose aussi dans la journée. 

19 heures. Les bancs de Terre Neuve sont de retour. Il bruine , la visibilité est exécrable et la mer est formée et désagréable.
Le vent devient trop faible pour Georgette et j’essaie le pilote de secours dans cette mer remuante.  Il fonctionne correctement tant que Java ne reçoit pas de vagues sur le côté sinon, il se bloque.

22heures. Il pleuviotte vraiment. Le vent a fraichi à 15-20 noeuds et je remets Georgette au taf. La mer est vraiment crado et Java se fait balloter. Le vent s’amuse monte, descends!

23 heures. «  Tout déconne ». Georgette fait la gueule et le pilote décroche dans cette mer hachée qui vient de je ne sais où! Pas normal de se faire remuer autant avec aussi peu de vent!? Et à peine 3 noeuds de vitesse.

Jeudi 18 juillet

0 heures. La pluie s’arrête. Le vent presque. Deux bateaux de pêche à 2 miles au vent, près du haut fond du castor ( est-ce lui, le responsable de cette mer chahutée?). Pêcheurs, quel boulot!

4 heures. Je n’avance plus, je mets le moteur au « doux ronron ». La visibilité est devenue correcte. Heureusement puisque je me trouve sur la route des bateaux qui vont au rail d’Ouessant ou qui en viennent.  


            Traffic: presque comme le rail d'Ouessant ( Java est la flèche noire au centre de l'écran).

Plusieurs tankers ou cargos doivent modifier leur route pour me laisser passer. Certains le font tôt, d’autres au dernier moment. A un moment donné, un des capitaines des bateaux est intervenu à la VHF: «  je demande à tous les bateaux proches de ne pas modifier ni leur cap, ni leur vitesse ».  Un me passe à 1,35 mile devant , un autre à 1.50 mile  derrrière, un autre à 0,65 mile  sur le côté, dont un tanker de 328 mètres de long, un autre de 243 mètres …
Le traffic est intense et le restera jusqu’à 11 heures: 12 cibles sur mon écran dans un rayon de moins de 10 miles en ce moment. Ca occupe sérieusement. Enfin, vers les 13 heures, un dernier gros cargo est passé à 0.5 mile en modifiant sa route à 3 minutes de notre croisement!


                                               Promithéas, tanker de 250 mètres.



                     City of Oslo, transporteur de bagnoles de 140 mètres de long.



                                               Nordic Luebeck, cargo de 150 mètres.

13 heures. Une houle de 2 mètres d’ouest s’est levée.  Vers 15 heures, le vent est revenu, pile poil vent arrière. Je mets les voiles en ciseaux et stoppe le moteur. 

17 heures. La houle a disparu. Une bande de fous de Bassan pêchent en plongeant de très haut, quelques goélands sont posés sur la mer, des paquets de laminaires marrons flottent de ci de là mais les physalis ont disparu depuis quelques temps ( leurs tentacules peuvent atteindre 50 mètres!!!)… 
Au loin, sur bâbord, un voilier apparait, le deuxième depuis les côtes des Açores.  Deux ou trois petits dauphins passent furtivement.
Depuis ce matin, j’ai multiplié les petits sommes sans vraiment dormir et la nuit prochaine ( la dernière) sera encore très occupée si proche de la côte. 





                                            Dernier coucher de soleil de la traversée: bof!

23 heures. J’ai vu plusieurs bateaux de pêche . Une bande plusieurs dizaines de dauphins m’a accompagné pendant plusieurs heures,  même la nuit. Le vent est bien, la nuit belle et étoilée. On n’entend que le bruissement de la mer sur la coque.
Ca sent sérieusement la Bretagne. Je vois les éclats du grand phare de l’île de Sein, de la tour de la vielle, les lumières rouges des éoliennes sur la terre . Le traffic des divers bateaux est devenu intense. 

Vendredi 19 juillet.

Bon anniversaire Audrey.

6 heures. Finalement la nuit est passée assez rapidement mais quasiment sans sommeil,  à zigzaguer entre les bateaux de pêche. 


                                     Pointe de Penmarc’h: les Bigoudens  pêchent dur.


                                    Phare d’Eckmuhl: les derniers éclats de la nuit.

Vers les midi, après 12 jours de mer, j’arrive tranquillement dans la baie de Concarneau après être passé entre l’île des moutons et les Glénan. Je me dirige vers le mouillage devant la plage du Cap Coz pour attendre la pleine mer et pouvoir remonter l’anse de Penfoulic jusqu’au poste d’amarrage du même nom.  J'ai parcouru réellement environ 1400 miles.


                                   L'île aux moutons avec son phare: le bout du voyage approche.



Gildas.