Quinta Do Lorde, Madeira, le 17 avril 2019,
- La traversée de La Graciosa à Madére.
J’ai quitté la Marina de Caleta de Sebo de La Graciosa, le lundi 8 avril à 6 heures. J’ai progressé au moteur pendant une heure en passant devant Playa Francesca et Playa Coccina à la pointe sud -Ouest de l’île encore noyée dans l’obscurité. Un petit crachin local a même sévi au moins un quart d’heure mais pas plus non plus ( c’est tout de même pas la Bretagne). Les feux de quelques petits bateaux de pêche zigzaguaient. Quelques cargos et tankers apparaissaient sur mon écran GPS et pour certains étaient bien visibles en mer. L’alizé soufflait nord nord-est à une douzaine de noeuds. J’ai hissé les voiles et c’était parti pour environ 270 miles pour rejoindre Madére, la « grande île » ou bien Porto Santo, la « petite île », plus à l’est.
La navigation s’effectuait donc au près. Le vent a forci progressivement au fil de la journée pour atteindre une petite vingtaine de noeuds. Le temps était beau. La houle est passée de 2 à 3 mètres et Java commençait à se faire rincer. Depuis midi, le génois est renroulé, la trinquette est de sortie, la grand voile un peu enroulée. Java était bien équilibrée sous pilote automatique et avançait à 5 noeuds. Par contre, Georgette, le régulateur d’allure, me fait la gueule.
La nuit suivante, le vent a encore forci, j’ai enroulé la trinquette jusqu’au premier point, réduit encore la grand voile. Pendant la journée, le trafic maritime était régulier et assez dense ... et idem la nuit! J’ai donc passé mon temps à surveiller en sortant dans le cockpit toutes les 15 minutes… J’étais sur la route des grands ports de Las Palmas de Gran Canaria et de Santa Cruz de Tenerife. Quelle vie! La mer est bien remuante et ça mouille sur le pont. Heureusement, la capote est d’une protection extraordinairement confortable. A part ça, le temps était beau, la lune en petit croissant, le ciel étoilé toujours aussi favorable aux rêves, aux imaginations diverses. Sous mon vent, à 2 miles environ, un voilier suit la même route que moi.
Toute la journée du mercredi, le vent a soufflé entre 22-25 noeuds toujours du nord nord-est. J’ai enroulé encore de la trinquette. La mer s’était bien formée. Java tapait et le pont était constamment envahi de gerbes d’eaux. Dans ces conditions, l’eau de mer réussit toujours à se faufiler dans le bateau, notamment par l’écubier ( par conception, la baille de mouillage de Java n’est pas étanche et l'eau se retrouve dans les fonds). J’ai donc écopé une vingtaine de litres d’eau dans la journée et autant le lendemain. J’assurais une surveillance visuelle toutes les heures environ tandis que l’alarme de mon AIS était en fonctionnement et que mon transpondeur prévenait de ma présence les autres bateaux.
La deuxième nuit fut « calme » dans un vent soutenu mais sans aucune manoeuvre de voile à effectuer. Au petit matin, le vent avait molli. mais je m’aperçus que la grand-voile s’était déchirée sur une grande partie de la chute. Je l’ai donc enroulée délicatement. Il me restait 30 miles à parcourir jusqu’à Funchal, j’ai donc continué sous le génois seul. J’ai longé les îles Desertas, déchiquetées et sombres, réserves pour les oiseaux.
Finalement, je suis entré dans la marina de Funchal le jeudi 11 avril vers 14 heures. J’en ai fait le tour avec Java mais la présence de 2 gros paquebots à quai du port principal , le côté un peu vieillot de la marina, l’absence de place au quai visiteurs, l’absence de réponse à la VHF et un certain manque d’enthousiasme indéfinissable m’ont entrainé hors du port! Et j’ai décidé de rejoindre la marina de Quinta Do Lorde ( je la connaissais et j’étais certain de trouver de la place) en mettant le moteur à contribution pendant 2-3 heures ( vent dans le nez et faible ).
Arrivée sur Funchal.
Toute la partie sud de Madère, très verte, aux nombreuses habitations aux toits de tuiles orangées, se dorait au soleil. Le relief est perturbé, pas de plaines, pas de plateaux, que des pentes, des terrasses, des ravins, qui descendent des montagnes, culminant à plus de 1800 mètres jusqu’à la mer: chouette de longe côte.
Aéroport sur pilotis à gauche et la ville de Machico à droite, aéroport sujet à de violentes turbulences et aux atterrissages parfois délicats ( voir vidéos impressionnantes sur internet). Même en mer, cette zone de bourrasques est bien ressentie sur quelques miles.
A la marina de Quinta Do Lorde, les places ne manquaient pas dans cet environnement de complexe touristique « Resort » complètement artificiel et inauthentique. Pas terrible non plus, mais bon, je suis aux abris et l’accueil est sympa.
La marina à gauche dans le complexe touristique.
Au final, la traversée de un peu moins de 2 jours et demie s’est bien déroulée, à 5 noeuds de moyenne, au près dans un vent plutôt soutenu, sans pluie. Les 30 premières heures ont été plus pénibles puisqu’elles nécessitaient une surveillance constante avec un trafic maritime régulier.
2) Séjour sur Madére.
Voici 6 jours que Java est au ponton de la marina de Quinta Do Lorde. Depuis 3 jours, la houle de 3 mètres pourtant au nord de l’île réussit à venir chahuter les bateaux de la marina qui tirent sur leurs amarres avec des à-coups désagréables. Je n’ose pas trop imaginer avec une grosse mer venant du sud. Cette marina est mal conçue et mal protégée ( gros dégâts en décembre 2013). Celle de Calheta au sud-ouest est encore pire. Demain, je me rends dans celle de Funchal où j’ai réservé une place. Je verrai ce qu’il en est.
Madère est avant tout une terre de randonnée. J’en ai donc effectuée quelques unes.
Dimanche dernier, je suis parti me balader près d’ici vers la pointe Sao Lourenço pour une douzaine de kilomètres sur un parcours facile, bien balisé. Il s’agit de la pointe est de l’île, aride, pelée, déserte, avec une végétation minimale ( rien à voir avec le reste de Madère).
Belles falaises de plus de 100 mètres aux couleurs et reliefs pleins de contraste.
Pointe est de Madère avec dans le fond, Porto Santo à 20 miles.
J’ai débuté vers 8 heures et j’étais peinard. Les conditions étaient bonnes malgré un ciel assez nuageux. J’ai pris mon temps. Mais plus tard, sur le retour, les randonneurs se comptaient par dizaines et dizaines. Pour éviter la meute, j’ai contourné le tracé et retrouvé la quiétude. J’ai compté plus de 100 voitures et quelques bus garés sur le parking de cette randonnée!
Aspect pelé, inhabituel de Madère. Seuls émergent quelques palmiers au niveau du "centro
de recepcao de la Casa Do Sardhina" ( centre d'hébergement ? avec quelques places de camping?).
Bel environnement de la " Casa Do Sardinha".
Lundi, je me suis rendu dans le nord de l’île pour la randonnée de la levada de « Caldeirao Verde » pour une petite quinzaine de kilomètres avec la visite du joli parc de la maison d’accueil de Quemadas. A mon arrivée, le parking était presque vide. Il s’agit d’une marche pépère, à 900 mètres d’altitude, sur un sentier balisé, sécurisé, le long d’une levada qui mène à un cirque avec une grande chute d’eau.
Chute d'eau du " Caldeiro Verde".
Réceptacle de la chute.
L’imperméable et la lampe de poche sont indispensables pour traverser les quelques tunnels. Comme hier, l’aller était tranquille. Par contre, pour le retour, c’était le même bazar que hier, mais…, sans plan B, sur un sentier très étroit où les croisements ne sont pas évidents.
Par endroit, levada dans son écrin de verdure.
Avec parfois, vue sur le ravin et les montagnes.
Retour pénible sur ce parcours de levada où les croisements sont délicats.
Et voilà les tunnels peu larges et pas très hauts où les croisement ne sont guère plus faciles. Il faut parfois marcher courbé.
Enfin hier, j’ai changé d’atmosphère pour suivre le sentier qui relie le Pico Arieiro (3 ème point culminant de l’île à 1818 mètres ) au Pico Ruivo ( point culminant de l’île à 1862 mètres d’altitude) en principe pour un aller-retour et 13 kms de marche. Entre les deux, ça monte et ça descend à plusieurs reprises, point le plus bas à 1500 mètres. Mais je ne voulais pas connaître à nouveau les situations de cohues des deux randonnées précédentes et aujourd’hui, j’avais mon plan B. Je sais cette randonnée très fréquentée. Des cars entiers arriveraient le matin au Pico do Arieiro pour déverser des groupes de randonneurs. A 8 heures, j’ai laissé ma voiture de location sur le grand parking presque vide par une température extérieure de 3.5° ( si, si, je dis bien 3.5°).Quelques personnes et un petit groupe s’apprêtaient à démarrer la marche.
Un petit crachin et de la brume sévissaient sur le haut des sommets avec un vent turbulent.
Ca commence bien!
Le réveil était assuré. Bien habillé, bien chaussé, de quoi boire et manger, hop , c’est parti. Le sentier est bien sécurisé et je devinais les profonds précipices. Rapidement, la brume a presque disparu.
Heureusement, la brume se lève assez vite.
Très belle balade de montagne. Chemin visible à droite avec des escaliers.
Le ciel était plutôt nuageux. Les marches sont extrêmement nombreuses et diverses surtout au départ puis dans la deuxième partie ( je dirais dans les 1000 marches au moins). Des tunnels et passages en balcons creusés dans la roche sont également empruntés. La randonnée est physique mais pas réellement difficile ni délicate.
Sentier très sécurisé le long de profonds ravins.
Paysages parfois fantomatiques.
Couleurs plus chaudes.
Et , après un trajet sympa, me voilà au Pico Ruivo à 1862 mètres avec des nuages qui jouent à cache cache plus souvent qu’à mon goût. D’autres chemins, plus faciles, y arrivent aussi et le nombre des randonneurs augmente sérieusement. En discutant, un guide m’indique un chemin plus confidentiel avec 1000 mètres de descente vers Ilha sur environ 7 kms. Effectivement, ça descend, avec encore des centaines et des centaines d’escaliers en bois, en roche, en terre … Je n’en ai jamais descendu autant.
Je n'ai croisé qu'une personne sur ces 7 kms! Que de marches, que de marches! En bois, en pierres, dans la roche, dans la terre ...
Mais quelle belle randonnée diversifiée, déserte, allant du point culminant rocheux en passant par les divers étages de végétations pour arriver en bas dans les zones agricoles.
Beau paysage avec des landes en fleurs, odorantes.
Plus on descend, plus c'est vert et luxuriant avec de la forêt aux arbres très hauts.
A l’arrivée, perdu au milieu de nulle part, j’ai encore marché 4 kms pour rejoindre un arrêt d’autobus. J’ai attendu une bonne heure , juste le temps de boire un coup, de manger un délicieux sandwich préparé délicatement par la sympathique patronne francophone d’un troquet-restaurant local et authentique. Ici, aussi l’agriculture est en difficulté, les belles terrasses se délaissent depuis une vingtaine d’années même si les anciens continuent à jardiner… Rien à faire, il est quasiment impossible de retirer un véritable revenu sur des terrains aussi escarpés.
Et la journée n’est pas finie. Maintenant, je dois récupérer ma Fiat Panda sur le parking du Pico Arieiro à plus de 1800 mètres d’altitude. Le bus me délaisse près du restaurant ( seul bâtisse du secteur) au col du Poiso à 1400 mètres … et il bruine sérieusement… Il fait sombre. J’y vois à peine à 20 ou 30 mètres. De là, part la petite route, en cul de sac, vers le Pico , 400 mètres de montée pour 7 kms de longueur. Il est 18 heures 30. Faire du stop, bien sûr. Mais qui va monter la-haut par ce temps? Pour que faire.? Le temps de pisser un coup et d’enfiler un pantalon étanche, deux voitures sont passées. Ce furent les seules!!! Quel con!
J’ai déjà près de 25 kms dans les pattes. Pour être bref, j’ai marché une heure et demi, dans le crachin, presque vertical dans les bourrasques de vent fantaisistes et violentes. La nuit était presque tombée avant l’heure: une atmosphère étrange d’un bout du monde ou de nulle part, propice aux divagations cérébrales les plus folles, tu laisses cours aux fantasmes les plus fous. Et ça mouille de plus en plus, ça monte de plus en plus. Le vent est déboussolé, il vient de partout presqu'en même temps. Ce fut un moment difficile, physique, presque angoissant mais même pas pénible avec de grandes sensations dans un petit espace sans frontière. Un seul objectif, rejoindre cette conne de bagnole qui ne bouge même pas. Mais en fait, ce matin, avais-je bien éteint les feux. Tout un coup, je doute. Que faire, si la batterie est à plat? D’abord marcher encore et encore dans le néant. Après, j’aviserai. J’essaie de me remémorer la montée de ce matin mais pas moyen dans cette purée de pois. Et enfin, le bonheur, la route qui s’élargit, le parking qui apparait. Et puis ma petite voiture … qui réagit à la commande à distance. Et ça mouille, et ça vente toujours plus et il fait même froid. Enfin, je m’assieds sur mon siège, bien au sec, bien au chaud. Et maintenant, démarrage! Impeccable! Température extérieure: 5°! J’ai l’impression et la prétention d’avoir vécu une réelle petite aventure. Heureux.
Nous vivons dans un monde tellement édulcoré que de telles situations deviennent de plus en plus rares, se sentir couper du monde, sans téléphone, sans présence humaine, loin de tout, dans le brouillard …
Bon, je me sentais un « peu » humide de pluies et de sueurs . Sur la route du retour, je m’imaginais déjà sous la douche bien chaude qui allait me caressait à la marina. J’ai bien eu ma douche … mais froide. Y’a des jours comme cela!
***
Madère était très agricole et le reste moyennement. Les plus beaux paysages de cultures en terrasses sont délaissés et abandonnés peu à peu. Malgré tout Madère demeure belle.
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Paysages agricoles pentus.
Le village de Beira de Quinta sur la côte nord ouest sur son plaine côtière.
Maisons typiques en voie de disparition de la région de Santana. Ici une dans son jus.
Madère est une "île aux fleurs" , un petit paradis pour les plantes de toutes sortes.
Gildas.
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