Jeudi 6 août , mouillage de West Porth sur Bean puis à l'échouage dans le port de Old Grimsby Harbour.
Pendant deux jours humides et assez venté, j’étais aux abris à Green Bay puis j’ai passé une nuit à l’échouage seul sur la plage de West Porth au sud de l’île de Tean parmi les cris des goélands, des huitriers-pies , des courlis …
Le lendemain matin, le beau temps est bien revenu et je me suis mis à l’échouage sur la plage de Old Grimsby Harbour. J’ai rejoint mon frère et sa petite famille, montés eux aussi sur leur voilier pour quelques jours. Nous en avons profité pour visiter le grand et magnifique "Tresco Abbey Garden", 186 ans d'existence, avec des plantes exotiques qui proviennent du monde entier.
Je l’avais déjà visité et revisité toujours avec plaisir. Cette fois-ci , c’est encore l’enchantement: de l’espace, peu de monde, des couleurs, des arbres, des fleurs, des cultures, un agencement pensé et réfléchi, de la réflexion, de l’art, … toujours un même moment délicat et délicieux dans cet environnement improbable.
Les trois capitaines, aux allures d'ornithologue, de joueur de foot et de bourlingueur.
Le temps était correct avec des trouées de ciel bleu. Les allées étaient presque vides!? Nous en avons profité un maximun en déambulant dans toutes les allées et sur les pelouses pendant quelques heures.
Le jardin est véritablement un feu d'artifice.
C'est beau partout.
Avec des associations de couleurs.
Gaia , la "déesse mère" de la mythologie grecque.
Cette grande sculpture a été taillée dans une pièce de marbre multicolore provenant de Sud Afrique, donnée par Georges Harrison des Beatles, et réalisée par David Wynne ( comme bien d'autres dans le jardin).
Comme celle-ci " Tresco Children" toujours réalisée David Wynne.
A la sortie, passage par le "Vahalla Figurehead" (musée de figures de proue de divers navires ).
En soirée, j’ai rejoint le mouillage de Higher Town Bay sur l’île St Martin, toujours à l’échouage. Hier, j’ai fait le tour de l’île ( 237 hectares, 110 habitants) en empruntant le sentier côtier tortueux. Il monte et descend à travers une lande rase, de bruyères ou de hautes fougères Le nord, rocheux, déchiqueté, à la végétation rase, pelé par le vent contraste avec le Sud au paysage plus agricole protégé derrière haies et talus. Une même île, deux facettes opposées.
Java ( sur la gauche) seul voilier au mouillage à Higher Town Bay. au sud de l'île.
D'autres superbes mouillages possibles au nord de l'île.
Amer caractéristique et visible de loin ( 56 mètres à la ponte ) au nord-est de l'île .
Samedi 8 août, mouillage de Great Ganilly.
J’y ai mouillé hier soir, dans une brume épaisse, après avoir pêché , en quelques minutes, 2 beaux lieux à l’est des Eastern Isles par 15 mètres de fond. Puis j’ai été poser mon casier sous l’oeil intéressé d’un phoque gris, en essayant de ne pas perdre Java de vue ( presque pire que sur les bancs de Terre Neuve).
Voilà du beau lieu de petite profondeur.
Ce matin, le temps s’est mis au beau et de nombreux phoques et cormorans évoluent à proximité . J’ai recueilli quelques étrilles dans le casier et l’ai replacé un peu plus près du bateau.
Beaucoup de phoques aux Scilly, un peu partout , probablement de plus en plus. Plein de cormorans, plein de phoques ... et plein de poissons !!! mais surtout peu de pêcheurs à 2 pattes.
Dans ce golfe presque fermé des Eastern Isles, six voiliers sont mouillés bien à distance les uns des autres, donnant une impression de plus grand espace, chacun sur son petit domaine ( en France , les 6 voiliers se seraient retrouvés dans un mouchoir de poche ...). Nous sommes tous bien à l’abri du vent de nord qui va souffler modérément pendant quelques jours.
Nous sommes en pleine saison touristique mais les scilly restent un endroit calme, protégé, lointain, onéreux et donc bien loin de la foule. Tout paraît dispersé, dilué. Le Codvirus 19 calme même les ardeurs de la clientèle des pubs et les promenades en bateau imposent le masque. Ambiance bizarre, un peu surréaliste d’une épidémie qui ne s’essouffle pas vraiment.
Les scilly sont comme un grand lagon avec de multiples entrées sur l’océan. Selon la direction et la force du vent, il faut s’adapter et se déplacer pour rechercher le meilleur abri. Ici il n’y a pas de marina. Une quarantaine de bouées accueillent les visiteurs à Hugh Town , solides mais très exposées, une horreur par mauvais temps. Une trentaine d’autres bouées à New Grimsby Harbour et Old Grimsby Harbour et quelques autres à l’Ouest de St Martin sont mieux protégées. Par gros mauvais temps, les quillards ne sont pas à la fête , les bateaux échouables peuvent espérer mieux se planquer. Mais quand la mer est vraiment méchante, trouver un véritable bon abri devient illusoire. Par contre, par temps correct, les possibilités de mouillage sont innombrables. C’est selon l’humeur, selon les habitudes, selon ses projets. En saison, environ une centaine de voiliers ( beaucoup d’Anglais bien sûr mais les Bretons sont également très nombreux) croisent dans l’archipel et au bout de quelques jours, on finit par en connaître beaucoup. Généralement, les séjours sont longs. Beaucoup d’habitués reviennent d’année en année depuis 10, 20, 30 ans … et ne s’en lassent pas. Les points d’eau sont rares: à quai à Hugh Town ou avec jerricans à Bryher et Tresco, un autre dans les toilettes de St Agnés. C’est tout à ma connaissance.
Venir aux Scilly, c’est une plongée au milieu de l’Océan, dans un mélange "populo-aristocratique » particulier, presque figé, au sein d’une nature préservée et protégée, le tout exposé aux caprices météorologiques. Venir aux Scilly est un privilège. Les capacités d’accueil sont réduites et les locations très, très chères ( sauf dans les rares petits campings). Les transports sont également très onéreux. Mais attention, c’est un peu comme l’île de Sein, ou on aime beaucoup ou on aime pas du tout. Moi, j’adore.
Dimanche 9 août Mouillage The Cove St Agnès.
Ce matin, en quittant le mouillage de Great Ganilly, je suis passé dire salut aux phoques. Un peu curieuses mais méfiantes les bestioles tout de même, dès qu’on approche, elles plongent.
Puis c’est parti pour 4 milles de voile peinarde jusqu’à St Agnès ( 148 hectares, 70 habitants). Le temps est superbe. J’y arrive vers midi: déjà une trentaine de voiliers dans l’anse "The Cove « , que des Anglais à part 4 Français. Cette année, les Anglais ne sont pas descendus en France et les Français sont peu montés en Angleterre ( codvirus 19 oblige). Ca fait presque mouillage de la Bretagne Sud en pleine saison . Pas vraiment très calme. Mais je suis là pour faire le tour de l’île en randonnant sur les chemins côtiers : 5 kms effectués peinard. Ils sont tous à la plage.
Java en tête au mouillage de The Cove sur des eaux magnifiques.
Camping de St Agnés "très ordinaire" mais peu "onéreux" comme ceux de Saint Martin's, Bryher et St Mary's
18 heures, je dégage vers un endroit plus tranquille pour passer la nuit. Allons-y pour Tresco avec tour de l’île pour demain.
Lundi 10 août Mouillage Old Grimsby Harbour à Tresco.
Peinard au mouillage, 5 ou 6 voiliers sur un bel espace.
Très belle randonnée de 10 kms autour de l’île par temps ensoleillé à 18°. Toujours ce contraste entre le sud et le nord. En récompense, une pinte de ale sur les tables extérieures au New Inn, beau pub très sympa.
Java à Old Grimsby Harbour, toujours des magnifiques mouillages.
Beaucoup d'agapanthes sauvages sur les dunes.
Petits sentiers de randonnée bien agréables au coeur de cette petite île.
Maisons typiques à Tresco avec de beaux jardins soignés.
Sur les hauteurs du nord , seule la lande rase résiste aux vents.
Vue sur Old Grimsby Harbour.
Mardi 11 août Mouillage à Porth Cressa à St Mary’s.
Mouillage encombré et distanciation entre les bateaux pas vraiment respectés et pourtant, la place ne manque pas pour les 35 bateaux!
Belle randonnée intéressante de 12 kms sur la "grande" île des Scilly: 600 hectares et 1500 habitants. Temps plus ou moins brumeux. L’île est très vallonnée et pendant au moins une heure de marche, je n’ai même vu la mer. L’agriculture occupe une bonne moitié de l’île avec des pâturages, des pommes de terre, du maraichage , des cultures de fleurs …
Maisons typiques de St Mary's.
Mercredi 12 août.
Le moment est venu de redescendre en Bretagne. Les prévisions météorologiques ne sont pas folichonnes les jours qui viennent : pas de vent ou dans le nez, passages d’orages, visibilité médiocre, pluies possibles … Rien de mirobolant. Je décide quand même de quitter les Scilly aujourd’hui et quitte Porth Cressa vers les 17 heures, direction la Bretagne, de l’Abber Wrac’h à Port La Forêt en fonction des circonstances.
Je fixe un cap sur Ouessant, côté baie de Lampaul à environ 100 milles. Le vent du nord est faible et j’avance à 2,5-3 noeuds , voiles en ciseaux, génois tangonné et grand voile retenue. Le traffic est calme , même pas vu un bateau dans le rail sud Scilly. Pendant les premières heures, la visibilité est bonne. La mer est belle. La nuit est noire. J’aperçois des éclairs au loin dans le nord pendant quelques heures. Je me repose par période de 10 minutes.
A 2h30 du matin, le vent devient inexistant. J’ai parcouru 31 milles en 9 heures ! J'enroule les voiles et mets le moteur. La visibilité est médiocre, le brouillard est tombé.
3 heures du matin, un voilier navigue à moins d’un mille de moi, avec un cap et une vitesse changeants. Je ne sais pas à ce qu’il joue mais en attendant, je ne peux plus me reposer et dois le surveiller en permanence sur mon écran AIS. Le petit jeu dure 2 heures. Je finis par ralentir au maximum pour le laisser s’éloigner. Le brouillard est très épais, la visibilité est nulle. Ce brouillard restera présent jusqu’à mon arrivée .
9 heures, j’attaque la partie descendante du rail d’Ouessant sur 5 milles : je ne croise qu’un seul bateau !
A 12 heures, j’attaque la partie remontante du rail et je ne verrai qu’un seul bateau qui est déjà passé devant moi. En réalité, je n’ai rien vu puisque le brouillard est toujours aussi épais. Même à l’AIS, c’est le désert. Normalement, j’aurais du croiser au moins 15-20 bateaux! Ce traffic maritime si clairsemé ne peut être que la conséquence du Codvirus 19. Je ne vois pas d’autre motif mais ce vide est ahurissant.
A 15 heures, j’attaque le rail côtier et ne croiserai qu’un seul bateau. Le vent revient ouest sud-ouest faible. J’arrête enfin le moteur après 12 heures de fonctionnement! Je déroule les voiles. Le brouillard est toujours là mais au moins le silence revient. Le bulletin météo parlait d'une visibilté de 50 mètres à Ouessant et plusieurs bulletins d'appel à la prudence seront diffusés à la VHF.
Je croise deux bateaux de pêche. Quelques fulmars viennent voler autour de Java. Quelques bandes de dauphins passent près de Java sans s'arrêter.
A 18h30, je passe la pointe ouest d’Ouessant mais décide de continuer sur Camaret pour faire le plein d’eau et de gaz oil. Sur bâbord, je laisse le phare du Nividic puis celui de la Jument que je devine à travers la brume. Le vent est faible, le coefficient de marée très bas, il n’y a pas eu de coups de vent récent. Et Pourtant la mer est pénible, désordonnée, clapoteuse, pseudo-déferlante et "malmène" Java. Elle montre les gros bras et me laisse imaginer ce dont elle est capable les mauvais jours de tempête. Cette partie de la mer d’Iroise est un coin « pourri » , à éviter à tout prix quand le vent commence à être fort. Ca refroidit de s’imaginer ici dans de sales conditions. Puis le vent forcit à 15-20 noeuds et je termine les derniers milles au portant.
A 23h30, il fait nuit noire, il pleuviote, je mouille dans l’anse de Camaret devant la plage du Corréjou. J'ai parcouru 130 milles en 30 heures , moitié voile, moitié moteur, la grande majorité du temps dans de la purée de pois.
La nuit sera calme et le sommeil lourd.
Pendant ces deux semaines, j’aurai visité toutes les îles habitées des Scilly. Le point culminant est de 56 mètres mais toutes les îles sont très vallonnées et paraissent bien plus grandes qu’elles ne le sont en réalité.
Le cod virus 19 a bien compliqué le séjour. Je me suis quasiment abstenu de fréquenter les lieux publics et ai réduit les relations au minimun avec les gens … La météo a été plutôt agréable mais normalement fraiche ( 18° max), juste idéale pour randonner. Je me suis régalé de la beauté de cet archipel, petite perle encore méconnue au large de la Cornouaille anglaise, sauf des voileux et de quelques privilégiés possédant ou louant des cottages ou séjournant dans des structures luxueuses. Seuls 4 ou 5 camping restent abordables ( mais les places souvent réservées d'une année sur l'autre).
Dans le Jardin de l'Abbey de Tresco.
Gildas.
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