mardi 4 août 2020

Paimpol- les Scilly

Je quitte Paimpol  le mercredi 29 juillet vers 14 heures, direction Port Blanc pour l’attente du départ sur les îles des Scilly. Beau temps, belle mer, navigation lente dans un petit vent de nord ouest. 
J'ancre dans la vaste zone de mouillage à Port Blanc. A 4 heures du matin, je sors  du port dans la nuit noire , à la marée haute pour bénéficier du courant, direction les Scilly à 135 milles.  

     

                         Je laisse les sept îles derrière moi quand l'aube pointe le nez.


Le ciel est merveilleusement étoilé, le vent nul. Je navigue au moteur pendant 3 heures. Puis je déroule les voiles . Le vent est un peu changeant de nord-est à sud-est, faible. J’avance à 3-4 noeuds. 
Jusqu’à midi, je vais croiser de nombreux pêcheurs,  et un dauphin complètement délirant dans des sauts fantastiques. 
Puis c’est le désert pendant 3 heures, pas un bateau en vue. Vers 15 heures, j’attaque les voies maritimes, d’abord la montante puis la descendante que je traverse à angle droit. Ce sont toujours des dizaines de navires, cargos, pétroliers, tankers, chimiquiers, porte-conteners, … que l’on voit et entre lesquels on doit se faufiler le mieux possible. Pour accélérer ce passage, j’ai mis le moteur à 2 ou 3 reprises pendant un petit quart d’heure. Vers 19 heures, je suis sorti du « rail ». Et de nouveau,  le calme revient mais relatif tout de même: toujours surveiller,  les pêcheurs surtout. La canicule sévit en France, ici en Manche, je supporte ma polaire et mon jean, juste bien. 


Java en noir , bien entouré, sur la route des cargos et autres ...


23 heures, la nuit est tombée mais une presque pleine lune maintient une luminosité propice à la rêverie. Toujours le même vent ,  voiles en ciseaux , et pilote électrique à la barre. Vers 2 heures du matin, je devine les lumières de la côte,  vers le cap Lizard.  Vers 4 heures la lune se couche. La nuit est totale et sans pollution lumineuse,  le ciel est merveilleusement étoilé, la voie lactée fantastique. Ce sont des corps célestes en nombre inimaginable qui scintillent et me remettent à ma place, celle d'un humain ridiculement petit, perdu dans un cosmos  infini … L’éternité se vit ici à chaque moment avec cette sensation de petitesse dans un univers tellement démesuré. L’éternité se déroule là sous mes yeux à chaque seconde comme une incompréhensible sérénité écrasante et résignée de choses qui nous échappent.  Je vis des moments forts sur cette mer toute sage accompagné par le bruissement et le glouglou de l’eau le long de  la coque de Java qui avance calmement à quelques 3 ou 4 noeuds. 

6 heures, le jour se lève, le soleil peu après, pimpant,  et je me vois arriver peinardement  aux Scilly, à petite allure mais sûrement, pour les 20 milles qui restent. Ben, non. Devant moi, une masse brumeuse s’apprête à m’absorber, à m’engloutir et je m’attends à une absence totale de vent. Que nenni, brutalement le vent passe d’Est à Ouest Sud-Ouest en forcissant à plus de 20 noeuds! J’enroule mon génois, déroule ma trinquette et réduit ma grand-voile, au prés. La visibilité est quasiment nulle et je suis dans une bruime collante, sombre qui ne me quittera plus jusqu’à l’arrivée.  Le vent s’amuse en force et en direction. La fin de la  croisière est donc un peu animée mais dans cette purée de pois, j’ai l’impression que je vais aboutir nulle part. Dans ces conditions, la surveillance est constante, dedans devant l'écran  de cartographie et  d’AIS et dehors en écarquillant les yeux. A 10h30, je pénètre prudemment à  vitesse lente dans le « St Mary’s Sound » et me dirige vers Porth Conger entre les îles  de St Agnes et de Guth où je mouille face au sillon sableux tout au fond de l’anse, tranquille , en compagnie d’une dizaine d'autres voiliers. Il est 11 heures le vendredi 31 juillet. 135 miles parcourus en 31 heures ( à peine plus de 4 noeuds de moyenne) dont 4 heures au moteur. 

Ce fut une traversée agréable, plutôt tranquille avec une bonne visibilité sur une mer belle ou peu agitée ( sauf dans  les 20 derniers milles), Mais , en solitaire, ce genre de parcours est très  fatigant  et absorbant. La veille est constante et il faut gérer le repos et le sommeil. Dés le départ et dès que possible, je me repose ou dort par petite période de 10 -12 minutes maxi, jour et nuit, mon ancien i-phone jouant le rôle de minuteur.  

A 12 heures, tout est rangé. Je me fais une bonne salade et je n’ai même pas envie de me reposer.  Le temps s’éclaircit.  J’attends la marée haute pour rejoindre un autre mouillage plus tranquille et abrité sur Bryher. L’archipel des Scilly est un peu , en disposition, comme celui-ci des Glénan mais en beucoup plus grand ( environ 15 kms par 10), mais à part cela, aucune ressemblance.  A 16 heures, Java se faufile dans les chenaux qui mènent à Green Bay où je vais échouer sur fond de sable en compagnie d’une quinzaine d’autres voiliers     ( un quillard sur béquilles, 2 dériveurs intégraux,  2 catamarans et... 10 biquilles).  L’endroit est de rêve, migronet , paisible , silencieux en dehors des quelques beuglements de vaches,  des cris de mes « amis » les goélands , de quelques huitriers-pies et courlis…




Les scilly sont une terre de contraste: brouillard épais ce matin puis  temps dégagé et lumineux l'après-midi ( ici en route pour Bryher). Et de ces couleurs ...


            Grenn Bay, "mon" mouillage sur Bryher avec Tresco au fond. 

Vendredi 1 er août. 

Je visite la moitié sud de l’île , vallonnée , tantôt exposée au vent, tantôt abritée, tantôt sauvage, tantôt agricole, campagnarde. La bonne cinquantaine d’habitants à l’année ont su conserver une vraie vie à leur île: agriculture, maraichage, tourisme respectueux tout en douceur, quelques maisons secondaires, quelques artistes, deux  petits chantiers navals, deux ou trois troquets, autant de restaurants, des cottages dans leur jus  … 



                      Voilà le sud de Bryher: verdoyant, fleuri, abrité et habité.


Un charme fou. Une activité humaine paisible, calme sans cri, presque sans bruit. De superbes jardins potagers et fleuris blottis derrière des haies ou murets avec des agapanthes partout. Un pur bonheur. 



La route est à moi: une voiture toutes les demi-heures en période de pointe, unquad toutes les deux, quelques piétons ...

J’ai longé la côte sur les sentiers à l’ancienne, non balisés à même le rivage ou noyés dans la fougère et la lande des collines avec des points de vue étonnamment beaux.  Ce sont les endroits que j'adore ces endroits où je me sens presque chez moi aussi. Je fais  partie du décor comme si j’étais là depuis des années. Je retrouve une certaine ambiance de mon enfance. 
Ci dessous des photos de d'étalages de divers produits avec les prix affichés et une petite boite pour y mettre l'argent.


Ici produits de la ferme.



Ici vente de petites plantes locales.




                                                     A chacun sa présentation.


Mardi 4 août .

Ce week-end, j’ai continué à me balader sur Bryher et plutôt vers le nord de l’île, toujours sous le soleil. Il fait beau depuis mon arrivée ( sauf la matinée de bruime en arrivant). Toute cette partie de l’île est déserte, sauvage, escarpée, collineuse . C’est le royaume de la lande rase avec des ajoncs, des genêts, des bruyères tous rabougris par la puissance des vents. La mer est tout autour, vivante, bruissante. Les roches sur terre et sur mer sont foison. 


          Nord de Tresco avec  le vieux " Cromwell's Castle" à gauche, vue de Bryher. 


Hier , je suis parti à Port Cressa sur la grande île « St Mary » pour y retirer un peu d’argent ( seul endroit possible sur l’archipel). Vite fait, bien fait, j’ai parcouru les rues de Hugh Town où des gens masqués faisaient la queue devant les magasins. Même si à priori, aucun cas de codvirus 19 n’a été déclaré sur l’archipel, les mesures sont draconiennes. Certains bars vous demandent votre identité et un numéro de téléphone … Compliqué.
Ensuite je suis parti en face sur St Agnès et j’ai mouillé sur fond de sable tout au fond de la baie «  The Cove ». 



             Beau mouillage coloré sur fond de sable dans la baie de Cove ( Java au milieu).

En m’y rendant, j’ai rapidement pris 4 beaux lieux que je partage avec mes voisins et c’est souvent du troc. Je te donne un lieu et tu me files des crevettes ou l’inverse.



                                                         Voilà le premier.

 J’en ai profité, en une heure, pour faire le tour de la petite île «  Gugh quasiment désertique ( Seulement deux maisons le plus souvent inhabités), Haute d’une vingtaine de mètres, elle est le royaume de roches et de landes … et de mes copains les goélands qui y nichent en grand nombre. Les adultes  braillent et attaquent par derrière, les petits couinent connement... Quelques troglodytes se planquent dans le fougères, quelques linottes mélodieuses volent en gazouillant, quelques pipits maritimes répètent inlassablement leur même note lors de leur vol si caractéristique, les huitriers-pies émettent leurs cris stridents ...



                  Gugh, univers de landes à l'ouest et de fougères à l'est et royaume des goélands.




                                   Nord de Gugh séparé de St Agnés par Porth Conger

En fin de journée, je suis revenu à Grenn Bay, le temps s’annonçant venteux les deux jours qui viennent. 

Ci-dessous un spectacle du soir même,pour les confinés. Les deux photos sont prise au même moment , au même endroit.


                                                                Crépuscule à l'ouest.


                                                            Lever de lune à l'est.


Le séjour aux Scilly continue.

A plus.

Gildas. 




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