La baie au fond de laquelle est blottie la petite marina est orientée au nord-est, pile poil comme le vent qui souffle à 20-25 noeuds. Malgré la chicane d’entrée de la marina, la houle réussit à y pénétrer et à malmener vraiment les bateaux qui tirent sur leurs bouts d’amarrage avec des mouvements de rappels pénibles, suffisamment forts pour perturber sérieusement le sommeil et la vie à bord des bateaux. Ces situations peu dangereuses pour les marins mettent à mal les amarres qui s’abiment jusqu’à se rompre et les taquets dont celui tribord avant de Java s’est plus ou moins descellé! Java tangue, roule, vire plus ou moins, se soulève, descend, écrase les pare-battages contre le catway puis s’en écarte de nouveau… et le cycle recommence sans fin un peu comme dans une vrille . Les aussières se tendent brusquement puis se relâchent puis se retendent… Les mouvements sont incessants, désordonnés, contrariants avec des rappels brutaux. Désabusés, bateaux et équipages souffrent.
Sans problème de guindeau et sans quelques soucis de moteur sans gravité ( probables impuretés dans le circuit d’alimentation en fuel), je serai retourné à Laja Grande ou même descendu directement sur l’île de Faial à 120 miles d’ici où la marina est beaucoup mieux abritée ( quoique selon l’emplacement, la protection n’est pas forcément géniale non plus).
En attendant, j’étais à Florès! Et cette situation dura trois jours et trois nuits. En fait, sur les îles isolées en plein océan ( Madères, les Canaries, les Açores ….) beaucoup de marinas ont souvent un secteur d’exposition mal protégé. D’ailleurs, pendant l’hiver la plupart des bateaux sont sortis de l’eau. Beaucoup de petits ports, de pêche notamment, sont conçus et équipés pour sortir systématiquement les bateaux après chaque pêche ou à la moindre alerte.
La marina de Flores à Lajes.
Samedi 30 mai 2015.
Il est 10h30 locale.
Le temps est beau. La température de la cabine est à 22° et celle de la mer de 19°.
Le vent de 10-12 noeuds environ souffle régulièrement d’ouest.
Je suis à 8 miles de la marina de Lajes sur la route vers l’île de Faïal à destination de la marina de Horta.
Je suis resté 5 jours et nuits dans la marina de Lajes à Flores dans des conditions assez difficiles avec un ressac important pendant 3 jours. Je déteste ses situations où j’étais bloqué, sans solution avec quelques soucis de moteur, finalement réglés rapidement jeudi dernier ( sur le circuit de gaz oil, les colliers de serrage entre les conduites souples et dures s’étaient un peu desserrés occasionnant une prise d’air épisodique).
La marina est petite, les voiliers peu nombreux et les rapprochements entre équipages facilités. Pendant ces quelques jours, j’ai côtoyé Bernard ( il fête ses 70 ans aujourd’hui) qui navigue en solitaire sur Criollo ( kirk de 45 ans du chantier Amel d’une longueur de 11.50 mètres, avec un cockpit central) et Jean Marc et Michel qui naviguent sur Begavel ( Ovni 36 de 1999). En fait, nous passerons et partagerons ensemble avec beaucoup de plaisir et d’opportunité tout notre séjour aux Açores.
Cascades en veux-tu, en voilà.
Cascades en veux-tu, en voilà.
Tous les quatre, nous avons loué une voiture pour la journée de mercredi. Ainsi, nous avons pu visiter « toute » l’île: Lajes, Fazenda, Caveira, Santa Cruz Das Flores ( avec un minuscule et pendant longtemps unique port improbable de l’île où les quelques bateaux de pêche sont systématiquement sortis de l’eau à chaque retour au port), Ponta Delgado ( ancienne station baleinière) , traversée centrale de l’île, les lacs Comprida et Negra, Faja Grande ( avec ses multiples cascades splendides) , Mosteiro et Laredo. Nous nous sommes régalés de ses beautés diverses: superbes côtes, campagne verte et vivante avec des collines assez abruptes parcourues intensément par une multitude de murets, des lacs d’altitude, et de multiples cascades dont j’évalue certaines à plus de 100 à 300 mètres de haut.
Déjeuner à Porto de la Cruz ( Jean Marc, Gildas,Bernard, Jean Michel).
L’île est entretenue et exploitée. L’agriculture est bien implantée ( élevage de bovins, d’ovins, de porcins, de volailles, maraichage). Chaque famille paraît posséder son potager. Les maisons sont coquettes et bien entretenues et, à première vue, il n’existe pas de signes évidents de difficultés économiques. Les routes et les infrastructures publiques sont en très bon état d’entretien.
La vie n’est pas chère. Le demi de bière est à 1 euro. L’ensemble, plat du jour ( cuisine correcte), dessert, consommation et café sont à 9-10 euros. Une nuit à la marina coûte 10 euros pour Java ( j’ai payé plus de 30 à St Martin!).
Paysage de flores.
Flores est réellement une île de toute beauté, attendrissante, attachante. J’imagine la richesse et l’intérêt des multiples randonnées possibles sur toute l’île. Les habitants accueillant et attentionnés donnent parfois l’impression qu’ils vous connaissent depuis des lustres avec une envie incontestable de vous faire plaisir. C’était le ressenti de nous quatre, malgré le port aux eaux agitées.
Marina de Horta à Faial, le dimanche 31 mai.
7h 30. Le temps est beau en mer et nuageux sur les îles devant moi.
Température de la cabine 23° et de l’eau de mer 19°.
Vent d’ouest 8-10 noeuds, belle mer.
Hier matin, à 9 heures, Java est parti de Florès accompagné de Criollo et de Begavel pour descendre à la marina de Horta sur Faial à 130 miles ( île la plus à l’ouest des 5 îles du groupe central des Açores composé de Faial, Pico, Sao Jorge, Graciosa et Terceira). Le vent d’ouest a soufflé à 7-12 noeuds me permettant d’avancer sous spi à plus de 4.5 noeuds de moyenne.
Ce furent une journée et une nuit de navigation pépères, détendues dans un voilier aux mouvements berçants favorables à la méditation, à la rêverie, et à l’admiration de la mer.
Hier, une dizaine de petits dauphins se sont amusés à l’étrave du bateau pendant un bon quart d’heure et en soirée, quelques souffles de cétacés ont animé le décor entre les vols de quelques sternes et puffins. En soirée, le Pico Alto, émergeant des nuages, se détachait dans le ciel , à une quarantaine de miles .
Escorte de dauphins.
La nuit a été très calme.
Ce matin, Faial et Pico Alto sont en noyés dans les nuages. A 9h30, je suis à 15 miles de Horta et j’avance à 4 noeuds. J’ai « trempé » une ligne de pêche, inefficace comme d’habitude ( je suis vraiment fils de paysan) .
Faial est une des îles les plus petites des Açores avec ses 173 km2 ( 22 km par 15) et abrite 16 000 habitants vivant de l’agriculture, de la pêche , du commerce et du tourisme . Aride à l’ouest et verte vers l’est, elle culmine à 1043 mètres au Cabeco Gordo. Les risques d’activités sismiques et volcaniques sont toujours d’actualité.
La marina de Horta très active accueille entre 1000 et 1500 voiliers de passage par an dont les équipages se rencontrent volontiers au Café des Sports ouvert en 1953 et dirigé aujourd’hui par Joseph Azevedo, petit fils du créateur. A l’étage du café, j’ai visité une superbe exposition de dents de cachalots gravées finement avec des dessins. Souvent accompagné par les compères de Criollo ou de Begavel, je m’y suis rendu 3 ou 4 fois dans cet établissement de renommée mondiale pour le milieu des marins depuis quelques dizaines d’années. Le décor typiquement maritime est chaleureux et chargé mais j’ai perçu une ambiance de travail peu détendue, assez froide et rigide, sans enthousiasme (était-ce accidentel?).
Dessins sur dents de Cachalot: Moitessier, Tabarly, Chichester.
Depuis des dizaines d’années, des milliers de peintures effectuées par les équipages des voiliers de passage habillent totalement les murs, les quais du port. Le patchwork aux couleurs souvent vives , véritable musée à ciel ouvert, flamboie au moindre rayon de soleil.
Peintures sur les quais à Hortal.
Mardi 2 juin
Jean Marc et Michel de Begavel, Bernard de Criollo et moi avons loué une voiture pour visiter Faial.
L’île propre, bien entretenue ( je sais, je me répète) est verte et vallonnée dans son ensemble avec beaucoup de bocages et des haies d’un genre de bambou , ou d’hortensias ( ici pas de muret contrairement à Flores). L’élevage est partout présent avec de nombreux bovins, quelques ovins et chevaux. Sans leurs toits rouges- orangés, les maisons me rappellent un peu l’Irlande ou la Cornouaille anglaise avec leurs couleurs blanches ou pastel, avec des fenêtres carrées à guillotine, avec des encadrements de portes et de fenêtres soulignés d’une autre couleur. Parfois des pierres non crépies ressortent des murs blancs.
Les hortensias importés de Chine au XVIII ème siècle sont partout présents, dans les haies, dans des massifs disséminés dans la campagne, le long des routes et ont donné le surnom de Ilha Azul ( île bleue) à l’île. La floraison des hortensias débutaient simplement mais celle des agapanthes également bleues, parfois blanches étaient bien entamées.
Nous sommes grimpés au Cabeco Gordo, volcan et point culminant de l’île à 1043 mètres, creusé d’un cratère de 2 km de long pour une profondeur de 400 mètres. Sur les pentes nord, quelques parcelles de pâturage se cachent dans des bois de feuillus et de conifères parcourus par quelques torrents.
A midi, nous avons déjeuné dehors, à la bonne franquette dans un bar-restaurant local, simple, typique et sympathique. Salades fraiches , grillades de porc ou de poulets ( réalisées devant nous, à l’extérieur sur un demi-baril) , vin local nous ont régalés dans une ambiance détendue et attentionnée, pour un prix modique, avec toujours cette sensation du plaisir de recevoir.
Encore un restaurant sympathique, même écrit en français.
La Ponta dos Capelihos située à l’ouest a subi des éruptions volcaniques très importantes en 1957-58. Toute cette partie de l’île et son phare ont été recouverts d’une épaisse couche de cendres . Un îlot de 100 mètres de haut a même émergé puis s’est rattaché à la terre par un isthme. A cette époque, 15 000 habitants ( la moitié de la population) ont émigré, notamment aux USA.
Aujourd’hui, toute cette zone reste désolée et aride. Un grand musée moderne et intéressant retrace cet épisode éruptif ainsi que la situation volcanique des Açores et du monde entier.
Ilot "post-éruption" rattaché ensuite au continent.
Hier, j’avais préparé Java pour le retour sur Noirmoutier prévu demain.
Mais ce soir, les prévisions météorologiques ont sensiblement évolué et ne sont plus favorables. Je décide d’attendre un créneau plus intéressant et de continuer la visite de l’archipel.
Jeudi 4 juin,
Hier, Criollo, Begavel et Java ont navigué ensemble, pendant 25 miles environ, de Horta à Velas sur Sao Jorge, par petit vent portant d’ouest et temps plus ou moins nuageux et mer belle. Nous sommes passés près de l’île Pico dont le sommet « Pico Alto » pointait parfois son mamelon au dessus des nuages qui l’entouraient.
Mamelon de Pico Alto.
Nous sommes arrivés à la petite Marina de Velas, super accueillante. Les rues de la ville sont toutes pavées, les maisons anciennes sans fausse-note.
Rue piétonne à Velas.
A la terrasse d’un café restaurant, nous avons rencontré quelques Français dont un couple de savoyards venu en randonnée. Un heure après la tombée de la nuit ( nous étions à dîner dans le cockpit de Criollo) quand une colonie de puffins cendrés nous ont offert un concert surprenant et très sonore en voletant et tournoyant sans arrêt pendant des heures. Ils émettaient des croassements et des séries de sons nasillards et puissants « Ah-ki-ki-ki » ou « Kik-kik-kik » ou « Kaa-ouf ». Le spectacle hilarant a lieu tous les soirs à la même heure ( toute l’année ou uniquement à certaines périodes?). Il reste toujours des places disponibles. Les spectateurs sont souvent fatigués avant les acteurs.
Aujourd’hui, nous avons loué une voiture ( nous allons finir par en acheter une, plutôt amphibie) et avons effectué le tour de l’île sauf la partie est.
Sao Jorge est longue de 54 km et large de 7.5 km avec en son milieu le point culminant à 1066 m au Pico do Esperança. L’île est une chaine continue de pics volcaniques souvent noyés dans les nuages avec des côtes aux falaises abruptes. Les 10 500 habitants ( population en nette diminution) vivent surtout d’agriculture ( notamment élevage, fabrication de fromages réputés, fruits ), de pêche et un peu de tourisme.
Le matin était pluvieux et nous nous sommes rendus dans les nuages à la « Ponta Dos Rosais », pointe ouest de l’île avec son farol ( phare) aux bâtiments désaffectés et à la lampe minimaliste.
Nous avons ensuite visité avec beaucoup d’intérêt la fromagerie de l’UNIQUEIJO à Beira avec un « guide maison » très attentionné. Elle produit notamment le Queijo Sao Jorge, fromage très réputé expédié aux quatre coins du monde.
A la fromagerie.
L’après-midi, le beau temps est revenu. Sur l’île, les hameaux et villages sont éparpillés au bas des collines. Le bocage de pâturage, aux haies assez rapprochées , habités par de nombreux troupeaux de vaches, entoure les maisons blanches crépies aux toits de tuiles oranges mais aussi parfois colorées, jaunes, oranges, vertes, saumons, roses, marrons… Certaines demeures, paraissant plus anciennes, sont en pierres de lave apparentes.
En revenant de Calheta, petit port de pêche paraissant peu dynamique et pas en bonne santé économique , nous avons longé la côte où s’agrippaient quelques anciens petits moulins à vent à « hélices », souvent rouges et plus ou moins bien conservés.
Le soir, nous avons dîné sur Java ( ça tourne entre Criollo, Begavel et Java) . En fin de repas, les puffins cendrés nous ont refait la même représentation que la veille.
Sao Jorge, très accueillant, m’a paru ( mais peut-être à tord) un peu tristounette, pas très vivante mais c’était le milieu de la semaine et le temps était assez maussade.
Vendredi 5 juin .
7h30, la température de la mer est de 18°.
A 8h30, nous avons quitté Velas pour nous rendre à Angra sur Terceira, situé à 45 miles. Le vent étant dans le nez, nous avons évolué au moteur jusqu’à la pointe est de l’île. Le temps était très nuageux voire même parfois pluvieux. La côte à l’est de Calheta m’a paru intéressante avec de hautes falaises abritant quelques superbes cascades, avec des petits villages blottis sur les moindres petits espaces laissés libres , avec de multiples murets enserrant de petites parcelles, de vignes notamment, avec une sensation de bout du monde … J’ai rencontré des groupes de puffins cendrés silencieux qui se reposaient à la surface de la mer ( les spectacles doivent fatiguer).
Passés la pointe est et l’îlot « Pontinha de Topo » , nous avons navigué à la voile, au travers, dans de superbes conditions à bonne vitesse pour atteindre Angra vers 17 heures. Comme toujours aux Açores, la marina sait nous accueillir chaleureusement avec un personnel disponible et serviable.
Terceira, 60 000 habitants, 30 km de long pour 18 km de large, culmine au pic volcanique de « la Caldeira de Santa Barbara » à 1050 mètres.
Depuis 1947, de nombreux militaires stationnent sur l’île, vers l’est, notamment dans les environs de l’aéroport loué par les USA. D’après, le responsable de la marina, environ la moitié des travailleurs de l’île ont directement ou indirectement un emploi dépendant de cette présence américaine. Récemment, les USA envisageait de partir en laissant juste 100 ou 200 soldats sur l’île. Terceira leur répondit: « c’est tout ou rien ». La Chine s’est même proposée de les remplacer en versant une indemnité supérieure ( 100 millions de dollars par an contre 60 actuellement, chiffres à vérifier) et en promettant de moderniser le port de Praia! Les Açores sont effectivement une plaque tournante qui permet de surveiller l’atlantique nord.
Sinon, l’économie s’articule autour de l’agriculture ( élevage et vignes notamment), de la pêche et du tourisme ( bien aidé par la diaspora qui revient passer les vacances sur l’île et le nautisme).
Angra, ville classée au patrimoine mondial de l’UNESCO a subi un important tremblement de terre destructeur en 1980 mais a été bien réhabilitée. Tous les trottoirs et rues du centre ville sont pavés et bordés d’habitations harmonieuses.
Maisons classiques à Angra.
Le soir, nous avons dîné dans un restaurant local bien rempli à la sortie de la ville dans une bonne ambiance, servis par Rita, jeune serveuse souriante, serviable, dynamique. Nous étions , je crois, les seuls touristes. J’adore ces ambiances où enfants, jeunes, moins jeunes et anciens se retrouvent à partager des moments communs de plaisir et de convivialité . Nous avons bien mangé pour 12 euros chacun, tout compris ( enfin, presque).
Samedi 6 juin 2015.
10 heures. Sur le parcours entre les Açores et la côte atlantique française, les prévisions météorologiques marines changeantes ne sont pas évidentes à interpréter. Mais je pars demain matin. Aujourd’hui, je fais les emplettes et prépare le bateau.
Elle est partout, la tauromachie.
Dans la soirée, Jean Marc, Michel, Bernard et moi sommes allés à Ribeirinha assister à une « tourada da corda » ou « corrida à la corde », spectacle de tauromachie locale et véritable institution sur l’île. De début mai à fin septembre, 400 corridas de ce type sont organisées et ils s’en déroulent de 2 à 4 par jour, tous les jours de la semaine ( une loi a été votée pour définir les horaires de travail en fonction de cette activité). Le responsable de la marina m’avait informé: « les femmes de Terceira disent qu’ici, 6 mois de football et autant de corrida font une année». La séance commence à 18h30, se termine à 20h30 et se déroule sur environ 500 mètres de longueur dans la route principale du bourg dont les abords sont sécurisés par des barricades derrière lesquelles se protègent les spectateurs. Deux bandes blanches matérialisées sur la chaussée limitent chaque extrémité de la scène.
Pour cette soirée, quatre taureaux sont concernés et chacun « joue sa comédie» dans la rue pendant une petite demi-heure, tenu au bout de 2 cordes ( d’au moins 50 mètres de long chacune) et commandée chacune par 5 hommes portant chapeau noir et chemise blanche.
Une première déflagration d’un gros pétard annonce l’imminence de la sortie du taureau de sa cage et la circulation automobile est bloquée. A la fin de sa prestation, lorsque le taureau est de nouveau dans son boxe, deux gros pétards explosent et annoncent la reprise de la circulation automobile. Pour le taureau suivant, la déflagration d’un nouveau pétard la rebloque et ainsi de suite… pour chaque animal.
Avec des ombrelles, des parapluies et des capes de toutes couleurs, voire sans accessoire, des dizaines de personnes ( je n’ai vu que des hommes) viennent provoquer et harceler le taureau dont les mouvements sont contrôlés au moyen des 2 cordes. Evidemment, le taureau essaie d’embrocher les importuns, met des coups de tête dans les barricades, court, glisse, tombe, se redresse, réattaque… Aucune arme n’est utilisée pour blesser l’animal. Mais certains animateurs peuvent parfois être blessés (voire tués ?).
Nous avons assisté à ce spectacle de la terrasse d’une maison d’habitation dont le propriétaire nous avait invités alors que nous étions installés au niveau de la rue. Aux premières loges, nous avons admiré la prestation des deux premiers taureaux. Jean Marc en avait vu assez mais avant de partir, le propriétaire nous a invité à boire un pot avec des petits amuse-gueules ( c’est une tradition de l’île d’agir de la sorte tant pour les étrangers que pour les îliens eux-mêmes et pourtant la famille était bien modeste).
Tauromachie locale.
A l’extrémité de la rue, stationnaient trois ou quatre buvettes ambulantes. Nous nous sommes arrêtés et avons été interpelés gentiment et immédiatement par plusieurs consommateurs qui ne demandaient qu’à échanger. Nous avons acheté une vingtaine de « cracas » , coquillages, un peu comme des pousse-pieds avec un petit capuchon nacré , renfermés chacun dans une petite cavité mais à plusieurs sur un petit bloc de caillou. Devant mon hésitation, un local m’assurait avec geste à l’appui: « c’est tout à fait comme un clitoris mais ça n’a pas exactement le même goût ». Je confirme mais c’était excellent. Nous sommes restés à ce fourgon pendant une bonne heure. En plus de nos consommations normales, il nous a été offert un tas de petites choses: petits poissons fris avec oignons, cacahuètes, aumônières de poissons, bières, liqueurs … Et tous les soirs, à 2 ou 3 endroits différents sur l’île, le cérémonial recommence. La convivialité est incroyable, les gens viennent à nous et ont l’envie évidente et insistante de nous faire plaisir.
Lorsque nous partions, les buvettes s’apprêtaient à fermer et leurs abords étaient impeccablement nettoyés par leurs propriétaires. Un des consommateurs me précisait: « C’est toujours comme cela, partout. Quand le commerçant s’en va, c’est comme si il ne s’était rien passé ». Dans toutes les île visitées aux Açores, j’ai retrouvé cet attachement des habitants à la propreté. Les enfants y sont préparés tous jeunes à l’école et participent à plusieurs nettoyages de sites chaque année. Ainsi près de la marina de Porto Das Lajes à Florès, j’ai vu tout un groupe d’enfants de 6 à 8 ans ramasser tous les détritus sur la plage et dans les environs, une matinée entière, dans la bonne humeur. Les enseignants en profitaient pour donner des explications sur le fonctionnement de la nature.
Après le spectacle de tauromachie, nous sommes allés au même restaurant que hier soir. Derrière nous, des convives mangeaient des gros testicules de taureaux, deux chacun. Nous avons commandé la même chose. Une demi-heure plus tard, Rita, notre serveuse adorée , nous déposait de belles assiettes garnies chacune de deux testicules …avec sur l’une seulement deux tous petits. Nous lui en faisons la remarque et elle nous répondit innocemment: « Ce n’est pas toujours le taureau qui perd … ». Je plaisante.
En deux petites journées, Terceira m’a bien plu. Le responsable de la marina, toujours lui, m’avait indiqué qu’ici les gens travaillaient pour avoir les moyens de s’amuser et apparemment les fiestas abondent, religieuses ou profanes. Tout est bon et tout paraît prétexte pour s’amuser et partager. Tous les jours, des gros pétards bien bruyants sont tirés ( comme ceux pour épouvanter les étourneaux chez nous) . J’en étais surpris. En fait, ils signifient toujours le début ou la fin d’une festivité quelconque: tauromachie, mariage, prière, fête de quartier, fête du cochon … et ça pète souvent sur Terceira.
Begavel avec Jean Marc et Michel.
Criollo avec Bernard.
Dimanche 7 juin.
Les prévisions météorologiques avec un vent de nord-est dominant ne permettent pas d’effectuer un route directe entre Vélas à Terceira et Noirmoutier. Deux options se présentent. L’ option nord demande une remontée jusqu’au 45 ème parallèle pour bénéficier du vent du nord et faire cap sur Noirmoutier. L’option sud demande de descendre jusqu’à la hauteur de Lisbonne avant de remonter la côte du Portugal puis de passer le Cap Finistère ( avec une ou plusieurs escales si besoin) avant de faire route sur Noirmoutier. Aujourd’hui, je choisis l’option nord qui paraît plus logique avec en théorie 1 à 2 jours sur la route directe puis un cap au nord pendant 3 à 4 jours puis une route directe à l’est sur Noirmoutier
Je raconte la traversée sous forme de journal. Je reviens souvent sur les réglages de la voilure et me répète de manière probablement fastidieuse. Le but est de montrer que, même en croisière hauturière, les interventions sur les voiles peuvent être bien nombreuses et parfois rapprochées quelle que soit l’heure de la journée.
Je quitte Velas à 9h30 pour le Port du Morin à Noirmoutier situé au cap 57° à 1200 miles.
Le temps est nuageux, la température de l’air et de l’eau est à 18°. La pression atmosphérique est à 1019. A la côte, le vent est mollasson et je mets le moteur pour 3 heures. Puis le vent s’établit est sud-est à 8-10 noeuds d’abord puis à 17 noeuds environ en milieu de nuit. Poupou passe le relai à Georgette et j’enroule le GSE à 2 ris et la GV à 1 ris.
Lundi 8 juin,
9h30
Temps nuageux, pas froid. Vagues de 2 m. Pression 1019.
Position: 39°21 N et 24°58 W. Noirmoutier à 1083 miles, je m’en suis rapproché de 112 miles en 24 heures.
Le vent est passé à l’est comme prévu.
A 10 heures un chimiquier est passé à 2 miles sur mon tribord à 17 noeuds .
A 11 heures, j’ai un contact avec Bernard sur Criollo.
A 17 heures, un cargo est passé à 9 miles sur mon tribord à 10 noeuds .
Je fais un cap à 40° et j’ai dû tâtonné pour établir un bon équilibre de voilure et de régulateur avec un ris dans la GV et la trinquette en entier. La mer est agitée.
A 19h30, j’ai mon routeur personnel, Vincent, au téléphone. La tendance météorologique est confirmée:
- mardi, vent d’est force 5 à 18-20 noeuds
- mercredi, vent est-nord-est force 5 à 20 noeuds
- jeudi, vent nord nord-est force 4 à 15 noeuds
- vendredi, nord nord-est le matin passant nord-ouest l’après- midi force 4-5 à 15 noeuds
- tendance ultérieure vent nord nord ouest à 20-25 noeuds.
21h30, comme tous les soirs, je jette un coup d’oeil sur l’ensemble du gréement, des voiles et de toutes les parties stratégiques de Java. M…, j’ai une déchirure de 20 cm sur la chute de la GV. Je suis obligé d’intervenir, de l’affaler puis de la remplacer par ma GV de secours. Heureusement,le vent a faibli et la mer est correcte. Affaler la GV ne pose pas de soucis mais hisser une GV sur enrouleur, seul, est loin d’être évident. Une heure plus tard, à la nuit plus que tombante, ma nouvelle GV était en place.
Mardi 9 juin 2015
7h30. Cette nuit, je n’ai pas bien avancé et mon cap était mauvais . Le vent a faibli et je pense avoir été trop sous-toilé. J’enroule la trinquette et déroule le GSE à 1 ris avec la GV à 2 ris. De plus le vent est parti nord-est.
9h30.
Température cabine 20°. Eau de mer à 18°. Pression atmosphérique 1019.
Noirmoutier à 1011 miles. Je m’en suis rapproché de 72 miles en 24 heures.
Position: 39°21 nord, 24°58 ouest.
J’ai fait un essai de virement de bord non concluant ( cap à 100° donc trop sud).
En fin de matinée, je vois Criollo passer devant moi vers l’Est.
Je viens d’avoir Bernard à la VHF. En faisant son plein de gas-oil ce matin, une vague en a profité pour entrer dans son réservoir de fuel. Il s’est amusé « comme un petit fou » pour purger son circuit de gaz-oil mais avec succès et il fait route est au moteur pour essai.
Puis le vent est retourné est nord-est mais variable en force entre 13 et 20 noeuds environ avec quelques grains m’obligeant à de nombreuses manoeuvres de voiles ( heureusement sur enrouleurs).
A 19 heures, j’étais sous GSE 3 ris et GV 3 ris.
A 19h15, j’ai Bernard à la VHF et me donne sa position à 41° 28 nord et 24° 03 ouest. Tout va bien à bord.
A 21 heures, le vent a forci à plus de 20 noeuds et j’ai remplacé le GSE par la trinquette et enroulé la GV à 3 ris. Il bruine.
Hier et aujourd’hui, les conditions de navigations étaient correctes et conformes à la force du vent. La houle d’est de 1.5 mètre hier et est passée ce matin à 2.5-3 mètres non déferlante et plutôt longue. Java tapait peu.
Java protège largement la descente du bateau et ses abords avec une bonne capote enveloppante qui permet de naviguer panneau de descente ouvert, de se changer à l’abri sans entrer dans la cabine, de mettre à l’abri ses vêtements de pluie, de régler mes écoutes et diverses drisses encore à l’abri, d’être abrité du vent et des paquets de mer. Comment ai-je pu m’en passer avant de posséder ce voilier?
La capote, élément de confort essentiel.
Mercredi 10 juin.
7h00.
Temps nuageux. Température mer à 17° ( et ouai).
Noirmoutier à 966 miles, m’en suis rapproché de 53 miles pour environ 100 miles en surface.
7h15. Appel de Bernard à la VHF me disant que « c’est important » sans aucune autre précision sur le motif, sans donner sa position! Ma VHF n’émet pas aussi bien que la sienne et il ne reçoit pas ma réponse. Il n’émet aucun signal de détresse, ni PAN PAN ni encore moins de MAY DAY. Je suis très embêté . Je décide de me détourner en tirant un bord vers le sud-est pendant 1 heure pour me rapprocher probablement de Criollo mais mes multiples appels restent sans effet. Je suis vraiment embarrassé. J’envisage plein de trucs: problème de santé, blessure, voie d’eau, pannes …, problèmes de gréement … Je ne suis pas à l’aise et je crains de quitter quelqu’un qui serait en difficulté.
Vers 9h30, Criollo m’appelle de nouveau ( rassurant) sans plus de détails , mais ma réponse est toujours sans effet. Que faire? Repartir à sa recherche mais sans sa position, je ne sais vers où aller. Et toujours pas d’appel Pan pan ou May Day alors je décide de poursuivre ma route en appelant souvent à la VHF et je renforce ma veille visuelle. Mais toujours rien.
Java navigue cap au nord sous trinquette et GV à 2 ris. La mer est agitée, irrégulière, parfois forte avec une houle de 3 mètres mais jamais déferlante ni méchante. J’assiste pendant une demi-heure à un ballet distrayant d’une dizaine de puffins cendrés qui me changent les idées.
J’essaies d’appeler Bernard toutes les demi-heures environ. Toujours pas de réponse!
A 18 heures, ma VHF s’anime « Java de Criollo, Java de Criollo ». Je réponds, il me reçoit. Ouf! Quel soulagement! Il était en panne de GPS. Il a réglé le problème et me donne sa position qui le situe à 14 miles au nord-ouest. Il revient vers l’est au moteur et nous nous retrouvons bientôt à 4 miles l’un de l’autre .
A 19h30 , Vincent me communique la météo plutôt intéressante ( je la transmets à Bernard).
Ce soir, le thermomètre de la cabine indique 18° et la mer est à 15°. Le sensation de fraicheur est réelle dehors et la petite tenue aux oubliettes. La pression atmosphérique monte un petit peu à 1021.
Jeudi 11 juin.
7h30.
Pression atmosphérique stable.
Température cabine à 18° et celle de la mer à 13°! ( brrrrou! 15° de moins qu’aux Antilles).
Ma position est 44°18 nord et 24°17 ouest.
Hier j’ai bien avancé sur la route nord de 115 miles environ et me suis rapproché de Noirmoutier de 36 miles. Le but n’est pas de me rapprocher de Noirmoutier mais de monter au nord le plus possible pour rencontrer des vents de nord ( aujourd’hui ou demain) donc favorables ensuite pour prendre le vrai cap de ma destination.
J’ai vu les feux de mat de Criollo vers 2 heures du matin mais ce matin je n’ai pas eu de nouvelles de Bernard. Le vent ayant bien molli, je pense qu’il s’est aidé du moteur ( il a une réserve de 300 ou 400 litres de fuel et moi 90 litres ) et m’a distancé. Personnellement, je ne recours au moteur que dans les sorties et arrivées au niveau des ports et des mouillages, dans les périodes d’absence totale de vent, dans les zones de gros traffic si le vent est trop faible ou mal orienté, dans le cas rare d’un impératif horaire précis.
9 heures.
Depuis 4-5 heures ce matin, le vent est irrégulier à moins de 10 noeuds. Java a toute sa voilure à l’air et avance au près très tranquillement à 3-4 noeuds environ à 345° dans une mer peu agitée. Il gite peu et tangue peu et j’en ai profité pour faire la vaisselle , le ménage…. Tout est propre et rangé comme au départ. J’aime bien.
J’adore cette période de calme sans bruit, ni moteur, après l’agitation de ces 3 derniers jours de près par 18-20 noeuds de vent. L’allure de près qui consiste à remonter le plus possible vers le vent est une lutte et un combat permanents du bateau et de l’équipage pour gagner contre le vent.
Cette allure est exigeante et éprouvante . Elle nécessite toujours une voilure adaptée. Trop peu toilé, non seulement le bateau perd de la vitesse mais contrairement aux autres allures, il perd aussi du cap. Les réglages de voiles sont donc fréquents.
La bagarre concerne aussi l’intérieur du bateau , pour préparer les repas, pour remplir les verres, s’habiller…L’appareil photo, la caméra, l’ordinateur … sont bien rangés et ne quittent pas leur place ( ou exceptionnellement).
« Dès que les vents tourneront … » comme le chantait Renaud, je « vira » de bord. J’attends.
L’ordre, la propreté et la sécheresse à l’intérieur du bateau sont pour moi essentiels, encore plus en mer, encore plus quand les conditions sont difficiles. L’attention doit être incessante. Je m’oblige à ranger et à nettoyer, autant que possible, au fur et à mesure. Mes vêtements de pluie que j’enlève et remets chaque fois que j’entre et sors de la cabine ( sauf exceptionnellement en cas d’urgence ou d’approche ou arrivée dans un abri ou un port) restent dehors sous la capote ( sauf exception quand la pluie vient de l’arrière du bateau). Globalement, Java reste douillet et agréable même si dehors, il pleut et il vente. Le plaisir se mérite mais quel pied quand je rentre dans une couchette chaude et sèche.
12h15. Ca y est. Je viens de tirer un bord et me dirige droit sur Noirmoutier à 925 miles au cap 74°. Le vent de nord est faible à 8-10 noeuds. Puis il s’établit nord nord-ouest à 15 noeuds et Java file un bon 6 noeuds. Le temps est beau, un peu frais et la mer peu agitée. puis agitée mais les conditions de navigation sont idéales.
Clignotant à droite.
Vendredi 12 juin.
9h 30.
Cette nuit a été un peu pénible avec un vent de 15 noeuds un peu variable en direction et et en force et avec une Georgette un peu capricieuse. J’ai dû intervenir plusieurs fois dans le cockpit pour régler tant les voiles que le régulateur d’allure. Les nuits deviennent plutôt fraiches.
Ce matin, à mon « réveil », le temps est nuageux et le vent de nord très faible à 6-8 noeuds tout juste. Java avance à 2 noeuds!!! Après avoir fignolé et bichonné mes réglages de voiles , j’avance à 3 noeuds. Je ne suis pas encore rendu à destination …
Ma position est 44°58 nord et 22°02 ouest, la pression atmosphérique à 1019, la température de la cabine à 19° et celle de l’eau de mer à 13°.
Je relève ma ligne. M…, mon bas de ligne en acier a disparu ( il devait être gros, l’animal qui a mordu). Je le refais et remets ma ligne à l’eau.
21h30. Je suis dans le cockpit. Une ligne de nuages bas arrivent sur mon tribord avant. En l’espace de quelques secondes, le vent passe passe de nord nord-ouest à nord nord-est ( 60° de différence ) et forcit à 18-20 noeuds. Je mets 1 ris dans le GSE et 2 ris dans la GV. Et une pluie fine se met de la partie pendant 1 heure.
Samedi 13 juin.
3heures. Le vent forcit un peu m’obligeant à enrouler le GSE à 2 ris.
6 heures. Le vent passe nord et forcit encore un peu. Je remplace le GSE par la trinquette.
8 heures. Je mets la GV à 2 ris.
9 heures. Je repasse de 2 à 1 ris dans la GV.
9h30. Le vent diminue subitement puis augmente aussi brutalement , devient irrégulier passant sans arrêt de 10 à 18 noeuds!!! La mer est seulement agitée, sans danger, mais méchante, agressive, bruyante, chaotique! Java fluctue entre 3 et 6 noeuds.
Je suis à 720 miles de Noirmoutier dont je me suis rapproché de 108 miles en 24 heures.
10 heures. La température de la cabine est à 17°, celle de la mer à13° et la pression à 1018
Le temps est plus ou moins ensoleillé.
12 heures. Le vent est régulier de nouveau à 18 noeuds et je mets la trinquette.
Je suis à 490 miles de la Corogne, à 515 de l’Irlande, à 580 des scilly, à 605 de l’île de Sein, à 700 de Noirmoutier, à 1050 des Canaries, à 1750 du Cap Vert et à 2800 de la martinique.
14 heures.
Mon cap augmente de 20° sans raison apparente pendant 1/2 heure. Est-ce un courant égaré?
19h30. Vincent me donne la météo des jours à venir:
- Dimanche et lundi: vent du nord de 5 à 8 Noeuds, force 2.
- Mardi, mercredi: vent variable de sud à nord-ouest force 1 à 2 ( serait-ce la pétole?).
- Jeudi : vent de nord-est, force 3-4 , pile dans le nez.
- Tendance ultérieure: vent nord-est idem.
Et bien, je ne suis pas rendu au port du Morin dans ces conditions!!! Mon arrivée pour le week-end prochain paraît bien compromise.
Dimanche 14 juin.
3 heures. L’alarme AIS sonne.La nuit est sombre. Un bateau passe à 1 mile sur tribord à 14 noeuds.
Le vent diminue à 12 noeuds mais passe nord nord-ouest. Il fait frais. J’enroule la trinquette et établit le GSE en entier et déroule entièrement la GV.
9h30.
Il fait 15° dans la cabine !!! Mon grille pain la réchauffe de 2 ou 3 degrés.
Je remplace Georgette par Poupou.
Je suis à 617 miles de Noirmoutier et m’en suis rapproché de 103 miles en 24 heures.
11 heures. Le vent tombe comme prévu à 5-6 noeuds et Java lambine à 2 noeuds. Il falloir s’y faire à cette panne de vent qui devrait se prolonger 3 ou 4 jours.
17 heures.
Une vraie pétrole s’installe. Le vent est nul, la mer comme un miroir. La mer s’est vidée de toute vie. Je ne vois pas un seul oiseau, pas un seul poisson ou cétacé, pas un seul bateau. Je suis tout seul sur cette mélasse. Désespérées, les voiles fasseyent mollement , nonchalamment en suivant le roulis et le tangage du bateau. Couinements, grincements, claquements mollassons et le flip flop de la mer s’entremêlent et s’entendent pour casser le moral du capitaine. L’épreuve est terrible et pourrait se prolonger quelques jours!
J’enroule toute la voilure et démarre le moteur.
19 heures.
Un vent ridicule de nord-ouest revient, insignifiant mais je hisse le spi et avance péniblement à 1.5 noeud .
22 heures.
La pétole revient. Le soleil se couche sur une mer plate, verte, belle et silencieuse. Je remets le moteur en marche pour la nuit. Je me couche, ferme les yeux et les oreilles. Et je dors dans une cabine réchauffée par le fonctionnement de la mécanique bruyante, ronronnante, un peu vibrante. Je m’y habitue.
Lundi 15 juin.
6h30.
Je me réveille. Un petit vent de nord-ouest d’environ 5 noeuds caresse la mer qui se ride. Je stoppe le moteur. Je hisse le spi et déroule le GSE. J’encourage Eole à souffler un peu plus fort, juste un peu.
Pétole.
7h30.
Température de la cabine 16°, celle de la mer 13°.
Temps nuageux. Java est à 545 miles de Noirmoutier. et a effectué 62 miles sur la route en 24 heures.
Pour oublier que je me traine, je m’occupe. Mon pain s’est majestueusement levé et gonflé ce matin. Il cuit et son odeur embaume la cabine.
Vers midi, le vent passe sud sud-ouest force 3 à 8 noeuds. Le soleil s’impose. Je suis heureux.
La mer est belle, plate, sans houle. Java bouge à peine et glisse sur la mer à 3-4 noeuds.
Aujourd’hui, je fête mon anniversaire ( 62 bougies au compteur) : champagne avec toasts pâté Hénaff , petite salade de légumes avec sauce améliorée, lentilles au chorizo de Terceira et ananas de Pico flambé au rhum Bielle. Un petit vin rouge de Terceira accompagne le tout.
21h30.
Vincent me dicte les prévisions météorologiques plus encourageantes que la fois passée: vent faible mais existant et portant jusqu’à jeudi où il passe nord-est voir nord si je grimpe jusqu’au 47°30 de latitude. J’applique et passe à un cap plus nord.
Le capitaine.
Depuis octobre 2013, j’ai navigué environ 12 mois et donc rencontré de nombreux équipages. Tantôt des jeunes , rarement seuls plutôt en couple ou en groupe partent sur mer par envie de rencontrer et d’explorer terres et peuples avant de plonger dans le monde du travail ( ou de continuer le voyage pour certains) . Tantôt des moins jeunes souvent en couple avec ou sans enfant prennent une ou plusieurs années « sabbatiques » pour effectuer un tour de l’atlantique, ou de la Terre pour les plus chanceux. Tantôt, des individus, des couples, des familles font de la navigation, leur mode de vie pour de nombreuses années voire pour toutes leurs vies, et le voilier constitue leur demeure principale et unique. Tantôt des retraités, seuls, en couples, avec des amis profitent enfin des longues périodes de disponibilité pour réaliser leurs rêves.
Cette dernière catégorie est très représentée, avec des gens allant de 50 ans à plus de 75 ans. Naviguer en hauturier nécessite une bonne santé tant physique que psychique. Bien entendu, au port, la détente et la belle vie s’imposent facilement. Mais fréquenter les mouillages sauvages par exemple oblige déjà à plus d’efforts et d’attention. Les manoeuvres d’ancre, d’annexe, de petits moteurs auxiliaires… sont assez physiques et parfois très difficiles si le mouillage est devenu peu abrité , venté et rouleur d’où la nécessité absolue de bien suivre la météo pour éviter de se confronter à de mauvaises situations. Malgré les moyens modernes ( enrouleurs de voile, GPS, ordinateurs, téléphones, …, la navigation proprement dite, obligatoirement hauturière par moment, reste toujours une aventure. Les inévitables imprévus et soucis matériels imposent des efforts parfois plus soutenus ( affaler, réparer et rehisser une voile en mer, réparer un moteur récalcitrant en se contorsionnant dans peu d’espace sur un bateau qui bouge, …). La navigation en solitaire amplifie ces aléas.
En réalité, le véritable moteur est l’envie et la volonté de naviguer. Sans lui, le marin reste au port et avec lui, il sillonne les océans et pour certains, au bout du bout.
Avec l’âge qui avance et plus de temps disponible, le « vieux marin » doit à mon avis s’appliquer pour être le plus possible au bon endroit au bon moment pour éviter au mieux les situations critiques. A 62 ans, je n’ai plus l’énergie d’un trentenaire. Je m’adapte et adapte le voilier. Sur cette année de navigation dont environ 13 semaines passées en mer, rares ont été les journées vraiment exécrables. Certaines ont été difficiles: veille permanente dans les zones à grand traffic maritime, gros temps, longues périodes de prés par vent soutenu, réparations en mer, modifications fréquentes de la voilure par temps instable…. Tous ces moments pénibles sont rapidement oubliés et ne persistent que les vrais plaisirs inégalés pour celui qui aime la vadrouille maritime.
A 62 ans, je ne suis pas blasé. L’envie de naviguer reste intacte.
Mardi 16 juin.
9h30. Je me lève après une bonne nuit malgré le maintien du spi.
La température de la cabine est à 18° et celle de l’eau à 12.5°!
Pression atmosphérique à 1023.
Je suis à 461 miles de Noirmoutier et j’ai effectué 84 miles en 24 heures.
Le temps est nuageux et le vent souffle à 8 noeuds de sud sud-est. Et j’ai remonté un peu plus nord ( cap au 55° environ).
Aujourd’hui, à 2 reprises, j’ai observé une bande de quelques globicéphales ( cétacés de 6 mètres de long et pesant 2 tonnes, se nourrissant surtout de calamars) avec leur aileron dorsal caractéristique situé bien avant sur le corps. Les liens puissants qui unissent les animaux du groupe entrainent parfois des échouages spectaculaires quand tout un troupeau suit aveuglément un compagnon malade ou défaillant. En 1979, à St pierre et Miquelon, j’avais vu un tel spectacle de deux ou trois dizaines de globicéphales noirs échoués sur une plage. Le découpage et dépeçage avait été réalisés à la tronçonneuse! Horrible.
Mercredi 17 juin.
2 heures.
Il n’y a pas d’heure pour les braves!
Le vent est quasi nul, voire moins que négatif, et le spinnaker ne sait plus ce qu’il veut. Il est flasque, volage et il rague. Il m’agace. Je me lève une énième fois et le ramasse dans sa chaussette.
Je vais naviguer au moteur pour le restant de la nuit et dormir peinard. Je démarre le moteur. Je rentre dans la cabine. Elle est enfumée!? J’ouvre le compartiment moteur encore plus enfumé. Je comprends vite qu’il existe un problème sur la conduite d’évacuation des gaz et de l’eau de refroidissement. J’arrête le moteur et règlerai la panne demain matin.
Je ressors pour mettre la GV au boulot convenablement. Elle travaillera toute seule pour une fois. Je borde l’écoute mais le taquet coinceur ne fonctionne plus! A la lumière de la torche, je vois qu’un écrou soit-disant indesserrable avait disparu. Heureusement, j’ai beaucoup de visserie inox à bord et me retrouve rarement sans solution. Le bricolage nocturne sur le pont d’un bateau n’est jamais évident sur des pièces mobiles et nécessite bien de la patience et une bonne connaissance de jurons adéquats.
6 heures.
Je remets le spi.
9 heures 30.
Température cabine à 18°, celle de la mer à 15°. Pression atmosphérique à 1026.
Je suis à 384 miles de Noirmoutier et m’en suis rapproché de 77 miles en 24 heures.
Je suis à la position 47°21 nord et 11°58 ouest.
10 heures.
Pour accéder à l’arrière du moteur, je dois enlever une grande trappe située dans mon grand coffre de cockpit que je dois vider au trois quart: moteur de l’annexe, l’annexe, ma dizaine de parre- battages, mes bouts et amarres, mes câbles … Il est facile d’imaginer la gueule du cockpit.
En fait, la fuite provenait du pot d’échappement ( waterlock) sont souvent en plastique puisque gaz d’échappement et eau de refroidissement sont mélangées ( un peu comme dans un cloaque de volaille). La goulotte d’entrée et l’avant de la pièce ( installée en 2013) s’étaient à moitié fondue et fissurée!? J’ai donc enlevé le pot et rabouté avec les moyens du bord les 2 parties de tuyau.
Le vent a disparu et j’ai essayé le moteur jusqu’à 16 heures. La réparation a tenu.
18 heures.
Aujourd’hui , les nuages ont dominé, l’air était plutôt chaud mais la température de la mer n’est pas montée. La mer était un miroir avec une longue houle d’ouest de 100 mètres de long et 2 mètres de hauteur. J’ai vu beaucoup d’animaux marins: plusieurs bandes de dauphins, un poisson-lune et surtout plusieurs petits groupes de globicépahales noirs dont certains nageaient et soufflaient à quelques mètres de Java.
Un petit vent d’ouest est apparu et j’ai installé les voiles en ciseaux.
Globicéphale.
21h30.
Vincent me donne des prévisions météorologiques peu exaltantes: demain vent de nord nord-est à 6 noeuds, vendredi vent de même direction mais encore plus faible, samedi vent de nord à 6 noeuds, dimanche vent de même direction à force 4 , lundi vent d’ouest nord-ouest à force 4.
Je ne battrai pas encore des records de vitesse en cette fin de semaine mais peu à peu j’avance dans des conditions sereines.
Jeudi 18 juin.
9h30.
A peine croyable, je me lève sans avoir touché aux voiles cette nuit.
Il a bruiné toute la nuit, la visibilité était inférieure à 1/2 mile ( puisque je n’ai pas vu le bateau qui est passé à moins d’1 mile à l’AIS à 4 heures du matin). Et la bruine se prolonge toujours. Le pont est trempé.
Je suis à 304 miles de Noirmoutier et m’en suis approché de 80 miles en 24 heures.
A 10 heures, le vent passe au nord nord-ouest 8-10 noeuds, les voiles sont toutes deux bordées sur tribord. J’avance à 4 noeuds, record de vitesse depuis 4 jours.
19h30. Le vent a forci progressivement jusqu’à atteindre au moins 14 noeuds en soirée! Et j’avance enfin normalement à 5-6 noeuds dans d’excellentes conditions de mer. Le temps est resté maussade avec parfois un peu de crachin. Je n’ai pas mis beaucoup le nez dehors.
22 heures. Le vent est passé nord et monté à 15-17 noeuds et je mets un ris dans le GSE et dans la GV. Il bruine et l’air est frisquet et humide.
Vendredi 19 juin.
Aujourd’hui je troque les heures des Açores contre les heures françaises.
3 heures. Le vent a encore forci et j’ajoute un deuxième ris dans le GSE. Il ne bruine plus, la visibilité s’améliore. Depuis peu de temps, la mer sonne différemment sur la coque, Java chahute un peu plus. En fait, je rentre dans la zone de remontée des fonds marins, de plus de 4000 mètres à moins de 200 mètres. Cette zone est très dangereuse dans le gros temps avec une mer bien plus démontée, déferlante et désordonnée que la normale.
9 heures françaises ( 7 heures aux Açores). Depuis 2 heures environ, mon AIS sonne assez souvent. Je rentre dans une zone de trafic maritime. La VHF s’anime également avec diverses conversations en anglais et en espagnol, et même un bulletin météo en français dont les prévisions sont correctes.
Je suis à 197 miles de Noirmoutier et ai effectué 107 miles en 22 heures.
La température de la cabine est à 17° et celle de la mer à 13°. La pression atmosphérique est stable à 1026. Le soleil montre timidement le bout de son nez.
11heures.
Depuis 2 heures, je me croirais dans le rail d’Ouessant. Dans un couloir de 10-15 miles, aux environs du 7° ouest , 18 gros bateaux sont passés à moins de 3 miles de Java. 14 navires descendaient et 4 montaient. Ils s’appelaient entre autres: MSC Alessia, Maersk Brooklyn, Ariadne, Constantine, Selamet, Searambler… Il s’agit vraisemblablement de la route maritime sud des bateaux sortant ou entrant en Manche et passant près du Cap Finistère. Je suis impressionné par la densité de cette circulation.
Dans cette situation, je suis heureux de posséder le transpondeur qui me permet d’être vu. Néanmoins, un chimiquier, le « Kasugta » est passé devant moi à 200 mètres tout juste. Je le surveillais depuis 3 miles environ et je m’attendais à ce qu’il infléchisse sa route. Et bien non, il n’a pas bronché d’un seul degré! Volontairement, je n’ai pas bougé non plus pour connaître sa conduite mais j’étais prêt à m’en écarter au besoin. Il devait pourtant me repérer de 3 façons: par radar ( j’ai un excellent déflecteur), par l’AIS ( il fonctionnait) et par contact visuel ( visibilité excellente). Ce comportement est plus que limite, même franchement incorrect et dangereux. Habituellement, les navires modifient si nécessaire leur trajectoire aux environs des 2 miles de distance de Java et passent à plus d’un demi-mile au moins.
Les deux jours à venir seront pour moi difficiles puisqu’il s’agira de rester le plus possible éveillé pour surveiller le traffic des gros bateaux comme ici, puis bientôt, sur le plateau continental à moins de 200 mètres de profondeur et s’étendant jusqu’à quasiment 150 miles des côtes ) les bateaux de pêche qui eux n’activent pas toujours leur transpondeur pour ne pas dévoiler leur zone de pêche.
Sur le canal 16 de la VHF, j’entends la tour de contrôle du rail d’Ouessant à 100 miles d’ici ( Les postes VHF des différents navires doivent se relayer? Je n’y avais jamais pensé) qui entre régulièrement en contact avec des navires ( tous les navires?) pour leur demander poliment et posément des renseignements concernant les caractéristiques du navire, la composition de l’équipage, la provenance, la destination, les matières transportées ( notamment produits pétroliers et dangereuses) … et si tout va bien à bord.
13 heures. Je suis de retour chez moi, tout seul sur la mer. Je ne vois plus personne, pas un seul navire, comme il ne s’était rien passé. D’ailleurs, je commence à sentir la Bretagne. Le temps maussade depuis plusieurs jours fait place à un grand soleil régional habituel. Curieux, trois fous de Bassan sont passés au-dessus de Java. Ca cause avec l’accent breton dans le poste VHF. Je sais que j’approche. Je sens presque le « lambig ».
Comme tout est calme, je vais me reposer pour me préparer, la nuit prochaine, à zigzaguer entre les bateaux de pêche bigoudens ( j’apprécierai d’autant plus les langoustines).
21 heures. Aujourd’hui, le temps a été assez frais mais superbement ensoleillé. Je me suis même permis de prendre une douche solaire dans le cockpit. Le vent est passé au nord à 8-12 noeuds, juste bien pour avancer dans le confort. Mon dernier pain du voyage cuit dans la poêle.
Samedi 20 juin.
2 heures. Le vent de nord a forci à 17-18 noeuds. Je prends un ris dans le GSE et la GV. Je remets Georgette au boulot. La visibilité est bonne, la mer agitée et presque vide. J’ai juste capté le bateau ( de pêche) FV Liou An Amzer à l’AIS. Ce trafic maigrichon m’étonne.
9 heures. Je suis à 83 miles de Noirmoutier. J’ai effectué 115 miles sur la route directe ces dernières 24 heures. La température de la cabine est à 18° et celle de la mer à 14°. La pression atmosphérique est à 1022. La mer est peu agitée et le soleil bien présent mais peu réchauffant pour l’instant..
Vous connaissez sans doute l’histoire du Blanc et du Black qui vont pisser ensemble au-dessus d’un ruisseau.
- Le fond de l’air est frais dit le Blanc.
- Le fond de l’eau aussi répond le Black.
Ici, même sans sortir la « bébête », je ressens la même chose. Tout est frisquet.
La veille en mer du navigateur solitaire n’est pas évidente à gérer puisque la physiologie humaine impose un minimum de sommeil. Chaque marin a sa méthode, ses habitudes. Voici les miennes.
En haute mer, en dehors des zones à trafic maritime particulier, je ne veille pas proprement dit. Je dirais que je surveille avec logique et bon-sens. Je me lève toutes les deux trois heures pour effectuer un tour dans le cockpit et vérifier que tout va bien. L’important pour moi est de garder la meilleure forme possible en cas d’imprévus. D’autres marins solitaires me diront que la veille doit être quasi-permanente mais comment font-ils?
Dans les zones intermédiaires comme celle de la nuit passée où je ne suis pas sur des grandes routes maritimes ou des grandes zones de pêche, et que l’AIS est calme, je veille et effectue systématiquement un saut dans le cockpit pour surveiller les alentours toutes les 30 minutes.
Dans les zones à gros trafic ( rail d’Ouessant par exemple , approche des côtes à moins de 20 miles environ, passage dense de bateaux comme hier matin par exemple, zones s’avérant fréquentées …) je veille au moins toutes les 15 minutes en allant dans le cockpit, voire en permanence si nécessaire ( rails, évènements nautiques …) .
A chaque réveil, bien sûr, je jette un coup d’oeil sur l’AIS.
Mon petit outil de réveil s’appelle « Casse-couille». Il s’agit d’un minuteur que je peux régler en 3 secondes de 1 à 100 minutes avec une sonnerie forte qui dure au moins 30 secondes. Je ne m’en passerais plus. Ainsi, même dans les veilles à 15 minutes, je réussis à dormir un peu.
Casse-couille mais bien pratique.
11 heures. J’ai un courant de 0.7 noeuds dans le nez et le GPS m’indique parfois 0 noeud. Le vent est anémique. A contre coeur, je mets le moteur en marche en attendant le vent de nord nord-ouest prévu cet après-midi à 12-20 noeuds. Surpris, j’ai noté à la surface de la mer, quelques touffes d’algues qui me semblaient des sargasses!
20 heures.
Aujourd’hui, j’ai croisé ou vu plusieurs bateaux en pêche et tous avaient leur transpondeur en fonctionnement! Les mentalités évoluent probablement ou les règlements sont plus stricts ou les deux à la fois. En attendant, tout le monde y gagne en tranquillité et en sécurité.
Chalutier de Concarneau en pêche, le retour s'annonce.
Le bon vent annoncé n’est pas venu. J’ai arrêté toute même le moteur vers 16 heures et suis au grand large sous GSE seul et avance à 3.5 à 4 noeuds. A cet allure, je n’ai aucun avantage à dérouler la GV qui viendrait perturber le GSE.
Je suis à 47 miles de Noirmoutier et à 20 miles au sud-ouest de Belle-Ile que je n’aperçois pas malgré une bonne visibilité.
J’attaque ma dernière nuit de mer de mon voyage avec « Casse-couille » à portée de la main. Sur mon écran GPS apparait plusieurs bateaux en pêche et 2 cargos qui doivent sortir de la Loire. Je m’attends à une nuit bien étriquée à l’approche de la côte. Mais les conditions de mer et de visibilité sont excellentes et demain c’est l’été. J’attaque à l’instant la ligne des 100 mètres de profondeur.
Dimanche 21 juin 2015.
A 3 heures, le vent est gentiment passé nord à 8-10 noeuds juste assez pour avancer à 4 noeuds sous GV et GSE en entier et atteindre en douceur mon point de destination.
6 heures 20.
Le soleil se lève dans un ciel peu nuageux. L’atmosphère est humide.
Je suis à 10 miles de Noirmoutier et encore seul sur l’eau.
Cette nuit, Cassecouille m’a réveillé toutes les 25 minutes mais je n’ai pas eu à changer de cap. J’ai vu trois ou quatre navires qui sortaient de la Loire et quelques bateaux de pêche pas tous visibles à l’AIS.
Ce matin, je m’en fiche de la température de l’eau et de l’air, de la pression atmosphérique, des prévisions météorologiques. Allez, je suis de bonne humeur, je vous les communique tout de même puisque je vous entends grogner. La cabine est à 20°, la mer à 13.8° et la pression à 1020.
7 heures.
C’est la pétole. J’enroule le GSE et démarre le moteur pour les deux heures restantes.
Quelques perches de casiers avec leur petit drapeau de couleur jalonnent une mer en miroir.
Je reconnais l’île du Pilier, le château d’eau de la plaine, … J’aperçois l’île d’Yeu sur tribord. Je me rapproche. Je suis entouré de quelques vingt ou trente petits bateaux de pêche de plaisance.
10 heures. Je suis amarré au ponton visiteur du port de Morin à Noirmoutier au même endroit que voici 2 ans et je retrouve l’île avec plaisir.
Avec émotion et satisfaction, une aventure se termine après un petit tour de l’Océan Atlantique Nord d’environ 9 000- 10 000 miles parcourus depuis octobre 2013.
Noirmoutier, port du Morin, retour à la case départ.
Puis retrouvailles.
Cet article correspond à l'aboutissement du petit tour de l'Atlantique ( en rouge).
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